Rafael Grossi, directeur de l'AIEA: "En Ukraine, nous essayons d’arriver à la fin de guerre sans accident nucléaire"
Rafael Grossi a exprimé une inquiétude majeure concernant la centrale ukrainienne de Zaporijjia, la plus puissante d’Europe, qui se trouve au cœur de la guerre en Ukraine. Depuis avril, elle a été la cible d’une série d’attaques de drones, Moscou et Kiev s'en rejetant mutuellement la responsabilité.
Jeudi, dans l'émission de la RTS Forum, Rafael Grossi a expliqué que l’AIEA n'est pas inactive: "Nous avons établi une présence permanente sur place, ce qui nous permet de dialoguer avec la direction russe de la centrale, mais aussi avec les Ukrainiens. Paradoxalement, nous sommes les seuls à communiquer avec les deux parties."
Paradoxalement, nous sommes les seuls à communiquer avec les deux parties
Pour éviter le pire, cette présence est cruciale, estime Rafael Grossi. Celui-ci considère les négociations comme le seul moyen d’éviter une catastrophe nucléaire dans la région. Mais il souligne qu'à l'heure actuelle, il est impossible de parler de stabilisation, car la situation reste extrêmement volatile. "Ce que nous essayons de faire, est de garder la situation sous contrôle et d’arriver à la fin de guerre – en espérant que ce soit le plus tôt possible – sans accident nucléaire."
Les inquiétudes grandissantes autour de l'Iran
Le programme nucléaire iranien est une autre source d’inquiétude. Selon un rapport de l’AIEA, révélé en février, l’Iran possède un stock d’uranium enrichi qui dépasse largement les limites autorisées. Au début du mois de mai, l’agence de surveillance atomique avait d’ailleurs appelé Téhéran à agir pour accélérer les négociations sur son programme nucléaire.
Rafael Grossi estime, malgré tout, que les bases pour de futures négociations sont posées. Il y a dix jours, Rafael Grossi a eu l’occasion de discuter avec le ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, décédé le week-end dernier dans un accident d'hélicoptère. Face à un programme d’enrichissement d’uranium iranien ambitieux et presque militaire, il estime être parvenu à "développer des idées pour doter l’agence de capacités d’inspection plus larges", affirme-t-il.
Tout en respectant la période de deuil, le directeur de l’AIEA espère reprendre rapidement le dialogue avec le nouveau ministre iranien en charge du dossier, un ancien négociateur nucléaire, qu’il connaît bien.
Les centrales suisses pourraient atteindre une exploitation de 80 ans
En Suisse, les discussions autour du nucléaire font également leur retour sur le devant de la scène. Le groupe Axpo envisage de prolonger l’exploitation de la centrale argovienne de Beznau au-delà des 60 ans initialement prévus.
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Selon le directeur de l’AIEA, avec un bon régulateur, ce projet est possible "et la Suisse dispose d’un régulateur très strict", observe-t-il.
"En général, la tendance est de prolonger l’exploitation jusqu’à 70 à 80 ans. Certains pensent même que les centrales peuvent atteindre un siècle. Tout dépend donc de l’entretien, de la technologie et des contrôles. Quand je suis à Beznau, je n’ai pas l’impression d’être dans une ancienne centrale", déclare Rafael Grossi.
Quand je suis à Beznau, je n’ai pas l’impression d’être dans une ancienne centrale
En 2011, le Conseil fédéral avait décidé de sortir progressivement du nucléaire. Cependant, une initiative de droite, déposée en février, vise à réintroduire cette énergie, suscitant des inquiétudes de la gauche liées à la radioactivité, la gestion des déchets et les coûts. Les opposants et opposantes favorisent d’autres sources d’énergie comme l’éolien, le solaire et l’hydraulique.
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Sujet radio: Mathieu Henderson
Adaptation web: Miroslav Mares