Rencontre avec dix anciens médaillés olympiques suisses
Participer aux Jeux olympiques est un objectif de carrière pour de nombreux athlètes. Alors, imaginez quand cela se concrétise par une médaille! C'est ce qu'ont vécu les dix sportives et sportifs romands que le 12h30 a rencontrés.
Interviews: Sophie Iselin, Blandine Levite, Pauline Rappaz, Guillaume Rey et Manuela Salvi, en collaboration avec les archives de la RTS.
Adaptation web: Mathilde Salamin
Pascal Richard
Premiers Jeux, première victoire
"C’est comme si c’était hier." Le cycliste Pascal Richard se souvient avec précision du 31 juillet 1996. Ce jour-là, il décroche la médaille d’or de cyclisme sur route aux Jeux olympiques d’Atlanta.
Cette médaille d’or, obtenue lors de sa première participation aux Jeux, est l’un des plus grands moments de sa carrière. "Quand vous gagnez les Jeux olympiques, vous atteignez le Graal", confie le Vaudois.
Aujourd’hui la victoire de Pascal Richard continue de susciter l'admiration. Des inconnus l’interpellent encore 28 ans après: "On a marqué leur moment de vie", explique-t-il.
Cette année, Pascal Richard a été choisi comme parrain du Tour de Romandie. Il se réjouit de voir que malgré les avancées technologiques de son sport, "on trouve toujours l’humain, des pédales, un cadre, des roues".
Christina Liebherr
Quand la médaille en chocolat se transforme en bronze
La médaille de bronze en saut d’obstacles remportée en 2008 aux Jeux de Pékin par Christina Liebherr et ses coéquipiers n'a pas pu être savourée immédiatement. Initialement classée à la quatrième place, l'équipe a finalement récupéré la médaille de bronze quatre mois après les Jeux, suite à la disqualification de la Norvège pour dopage. "Nous avions entendu dire que nous avions probablement gagné la médaille de bronze, mais il fallait attendre les confirmations", se souvient Christina Liebherr.
La sportive se remémore l'atmosphère unique des Jeux et les défis logistiques qu'ils ont posés. "Les épreuves équestres ont eu lieu à Hong Kong, mais pour la cérémonie d’ouverture, nous avons fait le voyage jusqu'à Pékin. Nous avons dormi au village olympique."
Pendant ces Jeux, Christina Liebherr montait No Mercy, un cheval très fougueux et énergique. "Nous sommes deux êtres vivants avec des caractères forts et il faut former un couple. C’est vraiment cette union qui fait notre force", indique-t-elle.
Sophie Lamon
La plus jeune médaillée suisse
A seulement 15 ans, Sophie Lamon décroche la médaille d’argent en escrime par équipe aux Jeux olympiques de Sydney en 2000.
Bien que remporter l'argent soit une réussite, la Valaisanne confie avoir ressenti une certaine déception à l'époque: "C’est normal, quand on s’engage dans une finale olympique, on y va pour gagner. Mais après, on apprend à savourer n’importe quel métal".
"Les Jeux ont vraiment marqué le début de ma carrière", poursuit Sophie Lamon. Cette médaille a été un tournant majeur, lui offrant la motivation nécessaire pour poursuivre sa carrière sportive. En 2005, Sophie Lamon devient championne du monde junior.
Dix ans plus tard, une blessure à la hanche met fin à sa carrière. "Ce fut une décision subie, pas facile à digérer dans un premier temps; mais vu mon état de santé à l’époque, cela a aussi été un soulagement pour ma vie future", raconte Sophie Lamon.
Aujourd'hui, son travail actuel la lie toujours au monde du sport. Chef de projet en marketing du sport, elle est présente aux Jeux de Paris: "Je me réjouis de pouvoir vivre cette expérience dans un contexte complètement différent", confiait-elle au moment de l'interview.
Nikita Ducarroz
Une vitrine olympique pour le BMX
Le BMX freestyle a fait son apparition dans le programme olympique lors des Jeux de Tokyo en 2021. Sur la troisième marche du podium, une Suissesse, Nikita Ducarroz. Pour la sportive de 27 ans, rendre le BMX accessible à un plus grand nombre de personnes est une excellente chose. "C’est une chance de montrer ce sport un peu inconnu."
Née d'un père suisse et d'une mère américaine, Nikita Ducarroz a grandi entre la Californie et Genève. Aujourd’hui, elle vit aux Etats-Unis, ce qui lui permet de vivre de son sport, principalement grâce au sponsoring. "Les meilleurs coureurs cyclistes viennent en Californie pour trouver des sponsors", explique-t-elle.
Le BMX a également été un refuge pour Nikita, l'aidant à surmonter des crises d'angoisse. Mais parler de santé mentale dans le monde du sport reste encore tabou, déplore la sportive.
"Pour moi, c’est important de traiter de ce sujet. Lorsqu’un sportif a des faiblesses dans les muscles, il fait tout ce qu’il peut pour se soigner. C’est important que l’on apprenne aux enfants que l'on peut faire la même chose pour sa santé mentale."
Michel Ansermet
Gérer l'adrénaline
Aucune émotion corporelle, mais une adrénaline intense. Avant d’appuyer sur la détente, le cœur de Michel Ansermet bat à 178 pulsations par minute.
Grâce à son score de 686,1 points, le tireur romand remporte la médaille d'argent des Jeux de Sydney en 2000. Le secret de son succès: la concentration. Pour gérer l’adrénaline, Michel Ansermet utilise différentes méthodes de relaxation. "J’ai aussi passé quelques mois dans des temples bouddhistes en Thaïlande pour arriver à un vrai niveau zen", raconte-t-il.
À 35 ans, tout juste après avoir remporté sa médaille d'argent, Michel Ansermet met fin à sa carrière sportive en raison de problèmes de santé. Il entame ensuite une nouvelle carrière au sein de la Fédération suisse de tir.
Aujourd’hui directeur de l'aquarium-vivarium Aquatis à Lausanne, il utilise les compétences qu'il a développées dans le tir sportif pour travailler avec certains animaux dangereux, comme les crocodiles et les dragons de Komodo. "La gestion de l'adrénaline me permet de faire des choses avec eux que d’autres personnes n’arriveraient pas à faire", affirme-t-il.
Etienne Dagon
Médaillé historique pour la natation suisse
Il y a quarante ans, le Biennois Etienne Dagon marquait l’histoire suisse en décrochant la première médaille olympique du pays en natation. Le nageur s'est hissé sur la troisième marche du podium dans l’épreuve du 200 mètres brasse lors des Jeux olympiques de Los Angeles en 1984.
"C’était la course de ma vie", se remémore le médaillé, évoquant l’ambiance extraordinaire et la pression immense de se savoir "regardé par 2,5 milliards de personnes à travers le monde". Cette performance est restée inégalée pendant des décennies, jusqu’à ce que le Suisse Jérémy Desplanches remporte à son tour une médaille de bronze en 2021.
À l’époque, malgré son exploit, Etienne Dagon ne peut pas pleinement savourer sa victoire. ll doit poursuivre son service militaire et rentrer à la caserne avant même la cérémonie de clôture des Jeux.
La médaille du sportif lui a ouvert des portes professionnelles. Après avoir raccroché son maillot de nageur, il a travaillé dans l'administration sportive à Neuchâtel puis à Bienne.
Sergei Aschwanden
Apprendre par l'échec
"Même si cela peut paraître quelque peu paradoxal, ce n'est pas la médaille qui m'a fait le plus avancer, mais plutôt la défaite."
Le judoka Sergei Aschwanden garde un souvenir indélébile de sa défaite lors des Jeux olympiques d’Athènes de 2004. "J’étais le grand favori et j'ai perdu au premier tour. C'est à ce moment-là qu'il a fallu se poser des questions existentielles." Un questionnement qui l'a aidé à se préparer pour sa réussite future.
Quatre ans plus tard, il remporte le bronze à Pékin. "D'un point de vue purement sportif et en termes de reconnaissance du grand public et des médias, cette médaille est inégalable et incomparable", explique le sportif vaudois.
Récemment, Sergei Aschwanden a co-signé un ouvrage sur la reconstruction après l’échec. "La vie est un renouvellement perpétuel. Le jour où l’on cesse de vouloir se renouveler, on a cessé de vivre tout simplement."
Aujourd’hui retraité sportif, Sergei Aschwanden est député au Grand Conseil vaudois. Il dirige aussi l’Association touristique de la Porte des Alpes.
Jean-Marc Berset
L'athlète aux cinq médailles
Ancien boulanger devenu athlète paralympique après un accident de voiture en 1983, Jean-Marc Berset a remporté cinq médailles olympiques. Le champion d'athlétisme handisport et de handbike se souvient de toutes ses participations: "J'ai vécu quatre Jeux paralympiques. Chaque cérémonie d'ouverture reste un moment d'émotion intense".
Sa toute première médaille, obtenue à Séoul en 1988 au 4x400 m, a une saveur particulière. "C'est une découverte, on ne vit pas cet instant comme on le vit lors des compétitions suivantes."
Redevenir simple spectateur des Jeux n'a pas été facile pour le Fribourgeois récemment retraité. "Avec l'âge, on fait du sport pour le plaisir et le bien-être, mais on doit tirer une croix sur le fait d'être compétiteur."
Aujourd'hui, le retraité observe une meilleure reconnaissance "méritée" des sports paralympiques. "L'apport médiatique est très important parce que le sport coûte cher et que trouver des sponsors est toujours plus difficile s'il n'y a pas de retombées médiatiques", conclut-il.
Magali Di Marco
Du triathlon à la politique
"Ces émotions restent ancrées." Magali Di Marco, connue sous son nom de naissance Magali Messmer, se remémore quotidiennement le moment où elle a reçu sa médaille de bronze lors du triathlon des Jeux olympiques de Sydney en 2000.
Après sa carrière sportive, l'ancienne athlète s'est tournée vers la politique. Engagée sous la bannière des Vert-e-s et élue au Grand Conseil valaisan, elle explique: "Les règles ne sont pas les mêmes, en sport elles sont très claires et tous les athlètes y sont soumis; en politique, il y a de très grandes différences entre les candidats".
L'ancienne triathlète suisse évoque également les retombées financières d'une médaille olympique: "Elles dépendent de la notoriété de l'athlète et du sport dans lequel il évolue".
Lorsqu'un sportif reçoit une médaille en début de carrière, il peut capitaliser dessus. "Mais si elle arrive en fin de carrière, comme pour moi, elle rapporte quelques dizaines de milliers de francs qui sont la prime de Swiss Olympic, et quelques primes de sponsors, mais c'est tout", conclut Magali di Marco.
Timea Bacsinszky
Une passion olympique née à Lausanne
La joueuse de tennis Timea Bacsinszky remporte la médaille d’argent en double avec Martina Hingis en 2016, à Rio. Née à Lausanne, elle entretient un lien particulier avec l’olympisme depuis son plus jeune âge. "Pendant mon enfance, j’ai visité le Musée olympique avec l’école et avec mes parents. À Lausanne, on est entourés de fédérations sportives. On est tout le temps dans le sport et l’olympisme. Ça a rendu cette victoire de médaille encore plus spéciale pour moi."
Timea Bacsinszky et sa coéquipière étaient heureuses de cette seconde place: "Pour nous, cette médaille valait de l’or parce que c’était la première fois que nous jouions ensemble, et peu de gens pensaient que nous pourrions aller loin et ramener une médaille."
Pour Timea Bacsinszky, jouer en double, c’est un peu comme dans un couple: cela exige compromis, acceptation et résilience.