Réservations difficiles et ponctualité incertaine, l'offre en trains de nuit peine à répondre à la demande
Les préoccupations écologiques de certains vacanciers ont tendance à les pousser de l'avion vers le train. Il y a deux ans, à la sortie de la crise sanitaire du Covid-19, les compagnies européennes de chemin de fer ont aussi promis le retour du train de nuit, après des années de disette due en grande partie au succès de l'aviation low cost.
Les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) ont également fait ce pari, en ouvrant plusieurs lignes à l'international. Les voyageurs helvétiques peuvent désormais s'endormir en Suisse et se réveiller à Berlin, Hambourg, Amsterdam, Vienne, Prague, Zagreb ou Budapest. Depuis la Suisse romande, de nouvelles lignes rejoignant Barcelone et Rome devraient également être ouvertes prochainement.
Un confort rudimentaire
Co-présidente des Jeunes Verts du canton de Vaud, Gaëlle Valterio a décidé de tenter l'expérience et d'embarquer à Zurich en direction de Vienne. "C'était une vraie volonté de prendre le train de nuit. Je ne l'avais jamais fait et je voulais vraiment essayer. Il y a une volonté de réduire l'impact carbone (...) et puis ce n'est pas si compliqué, en une nuit, on y est", a expliqué celle qui est également conseillère communale de Bex à l'émission Mise au point.
Pour ce trajet entre la Suisse et la capitale autrichienne, les prix des billets varient de 150 à 200 francs l'aller. A ce prix, Gaëlle Valterio a eu droit à des petits chaussons, des boules quies, un masque de nuit, une lavette, un stylo et même du prosecco.
Ce n'était pas la nuit la plus reposante (...) mais honnêtement, c'était relativement confortable
Le confort reste toutefois rudimentaire et l'espace restreint. "Cela ne représente pas vraiment ce qu'il y a sur les photos, je ne suis pas déçue mais surprise quand même (...) J'ai un peu l'impression que si je ferme la porte, je suis sous l'escalier de Harry Potter", témoigne-t-elle.
Le train arrivera finalement en gare de Vienne le lendemain avec une heure de retard. Pour Gaëlle Valterio, le voyage s'est plutôt bien passé. "Ce n'était pas la nuit la plus reposante, parce que je crois que mon corps n'a pas l'habitude de bouger en dormant, mais honnêtement, c'était relativement confortable (...)", explique-t-elle.
Retards, annulations, déclassements
Si le voyage de la conseillère communale de Bex s'est relativement bien passé, d'autres usagers ont eu des expériences moins encourageantes.
"Une fois, on a eu la mauvaise surprise de découvrir que la voiture-lit n'était tout simplement pas là. On a donc dû passer la nuit assis", explique une voyageuse rencontrée lors d'un trajet Bâle-Amsterdam. "Avec le train de nuit, j'ai toujours eu de mauvaises expériences. La dernière fois, il y avait six heures de retard et une autre fois je suis arrivé avec trois heures de retard à la maison", renchérit un autre passager.
On s'excuse auprès des voyageurs qui ont eu de mauvaises expériences
A Berne, au siège des CFF, on reconnaît des possibilités d'améliorations. "Si on doit faire des travaux sur les voies à court terme, c'est pendant la nuit. Cela influence directement la ponctualité de ces trains. On comprend que des gens ne soient pas contents, car nous-mêmes ne le sommes pas quand la qualité n'est pas bonne (...) On s'excuse auprès des voyageurs qui ont eu de mauvaises expériences, mais avec nos partenaires, on est en train d'améliorer la situation", détaille Sabrina Schellenberg, la porte-parole du groupe.
Le risque de décourager des clients
Si les problèmes sont en phase d'être résolus, selon les CFF, les retards pris dans le développement des trains de nuit pourraient déjà avoir des conséquences. Selon David Raedler, directeur de l'Association transports et environnement (ATE), les clients pourraient être découragés.
Des personnes vont chercher des trains de nuit et finalement ne pas trouver l'offre
"On constate aujourd'hui deux gros problèmes. Le premier, c'est l'offre. On n'a pas fait assez d'investissements, ce qui fait que des personnes vont chercher des trains de nuit et finalement ne pas trouver l'offre. Ils vont donc se rabattre sur l'avion", explique-t-il à Mise au point.
"Le deuxième gros problème, ce sont les réservations, les surbookings, les erreurs administratives (...) le consommateur voit encore le fait de prendre le train de nuit comme un effort. S'il est confronté à ce genre de problèmes, il n'a pas forcément envie de refaire l'expérience et va ensuite privilégier l'avion. Il est donc central d'avoir un système de réservation fiable et facile", ajoute le président de l'ATE.
Quelle rentabilité?
S'il y a encore de nombreux problèmes, il existe désormais une véritable volonté politique de développer ce type de transports. Dès 2025, 30 millions de francs de subventions annuelles seront injectés dans le trafic international, dont les trains de nuit.
Il y a simplement trop peu de passagers. Le train est un moyen de transport de masse. Sa force est qu'il transporte un très grand nombre de personnes en journée
Pourtant, cette aide reste controversé. Certains soulignent notamment le manque de rentabilité du modèle. Pour Benedikt Weibel, directeur général des CFF entre 1996 et 2007, chaque franc de subvention pour les trains de nuit est un mauvais investissement.
"Il y a simplement trop peu de passagers. Le train est un moyen de transport de masse. Sa force est qu'il transporte un très grand nombre de personnes en journée", détaille-t-il.
Députée genevoise PLR, Diane Barbier-Müller milite aussi pour le développement du train de jour. Elle se bat actuellement pour l'ouverture d'une ligne directe entre Genève et Londres en moins de 5h30.
"Un train de jour permet d'avoir 900 passagers et de faire plusieurs allers-retours dans la journée. L'intérêt est donc économique. La ligne sera beaucoup plus facilement rentabilisée avec un train de jour", juge-t-il.
Les CFF préfèrent eux y voir une offre complémentaire. "Il y a beaucoup de voyageurs. Ils font donc peut-être l'aller en train de nuit et le retour en train de jour, ou vice versa. Donc, ça se complète vraiment", conclut Sabrina Schellenberg.
Reportage TV: Michael Borgognon
Adaptation web: Tristan Hertig