Restructuration radicale chez Tamedia qui va supprimer près de 300 postes et fermer des imprimeries
Tamedia assure ne plus être en mesure d'exploiter trois imprimeries de manière rentable. Deux d'entre elles seront fermées successivement: le centre d'impression de Bussigny (VD), qui existe depuis 1989, sera probablement fermé fin mars 2025 et l'imprimerie de Zurich à la fin 2026. Tamedia ne conserve ainsi que son imprimerie de Berne, qui sera agrandie.
Selon l'entreprise, ce centre aura suffisamment de capacité pour imprimer les titres du groupe et répondre aux demandes des clients externes. Le choix s'est aussi porté sur Berne en raison de sa position centrale en Suisse, a relevé la directrice générale de Tamedia Jessica Peppel-Schulz, lors d'une conférence de presse mardi matin à Zurich.
Dans les différentes rédactions de la filiale de TX Group, les restructurations entraîneront "probablement" la suppression de 90 postes. Pour l'heure, Tamedia n'a pas donné davantage d'informations et n'a pas précisé où, quand et comment ces postes seront biffés.
Le groupe a fait savoir que le démantèlement se fera sous réserve d'une procédure de consultation. Des plans sociaux seront appliqués, avec la possibilité de prendre une retraite anticipée. Outre un accompagnement, Tamedia indique proposer aux collaboratrices et collaborateurs concernés un soutien financier pour des programmes de développement et de reconversion.
Un focus sur le numérique
Le quotidien 24 Heures deviendra le titre phare de l'Arc lémanique, a annoncé Jessica Peppel-Schulz. Il s'agit en effet d'"un titre générique qui a beaucoup plus de potentiel pour pouvoir grandir en Suisse romande", a indiqué le directeur éditorial Simon Bärtschi au micro de Forum. Avec le Tages-Anzeiger, la Berner Zeitung et la Basler Zeitung, le média vaudois sera l'une des "quatre marques fortes" qui devra "réaliser la croissance digitale" de Tamedia.
Quant à la version numérique de ses autres titres principaux, la Tribune de Genève et le Bund, Tamedia ne donne, là encore, pas d'informations supplémentaires, mais assure qu'ils conserveront "leur propre présence digitale". "A ce jour, nous ne savons pas encore s'il y aura, par exemple, une seule ou deux rédactions entre Lausanne et Genève", a précisé Simon Bärtschi.
Mais pour lui, il est clair qu'il y aura toujours besoin de bureaux régionaux pour couvrir l'actualité locale, qu'on ne peut pas tout fusionner ou traduire tous les contenus des titres alémaniques pour la presse romande, sans s'avancer plus. Il est par contre persuadé que la qualité pourra être assurée malgré ces nouvelles coupes. Elle reste même la priorité, promet-il.
Les versions papiers et numériques de la Tribune de Genève seront toutefois maintenues, ont assuré les deux responsables, sans savoir exactement sous quelle forme pour le numérique. Toutes les marques "print" de Tamedia continueront d'ailleurs d'exister, ont-ils encore insisté. Le Matin Dimanche, également en main de Tamedia, subsiste donc aussi.
Tamedia souhaite par ailleurs se réorganiser en interne dans le domaine de la commercialisation publicitaire sous le nom de Tamedia Advertising à partir de début 2025. L'intégration des équipes de Goldbach et une plus grande proximité avec les marques doivent permettre de générer une croissance des recettes publicitaires, selon le groupe.
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Contexte morose pour la presse
Tamedia a multiplié les restructurations ces dernières années. TX Group avait déjà procédé à des licenciements à la fin de l'année dernière. Près de 80 postes ont été supprimés, dont une soixantaine en Suisse romande au sein de ses titres gratuits (20 Minutes) et payants (Tamedia) ainsi qu'à l'agence Sport Center.
Le contexte est également difficile pour le reste de la presse suisse. Le groupe zurichois Ringier biffera également 55 postes, alors que CH Media a annoncé en décembre biffer 140 postes à plein temps en Suisse alémanique. Une trentaine de postes ont aussi été supprimés au sein du groupe ESH Médias (Nouvelliste, Arcinfo, La Côte).
>> Relire : Le groupe de presse ESH Médias prévoit de biffer jusqu'à 40 postes et Ringier va supprimer 55 postes au lieu des 75 prévus initialement
Une "politique de démantèlement"
Le syndicat syndicom a sévèrement critiqué le licenciement collectif et la fermeture des deux centres d’impression de Lausanne et de Zurich annoncés. Une fois de plus, Tamedia se concentre sur la maximisation des profits au lieu d’assumer sa responsabilité sociale et d'investir dans le journalisme, déplore-t-il.
Dans son communiqué, syndicom demande au groupe de presse de revoir sa stratégie d'entreprise, de conserver les imprimeries et de préserver autant d'emplois que possible. Le plan social doit également être amélioré, souligne le syndicat.
"Au cours des 15 dernières années, les actionnaires du groupe TX, propriétaire de Tamedia, ont empoché plus de 670 millions de dividendes sur un bénéfice de 2,2 milliards d'euros tandis que des centaines d'employés étaient licenciés. TX Group reste très rentable, cette politique de démantèlement sans égard pour les collaborateurs doit prendre fin", a fustigé Stephanie Vonarburg, vice-présidente et responsable du secteur des médias chez syndicom, citée dans le communiqué.
>> Lire : L'annonce des licenciements à Tamedia suscite de vives critiques des syndicats
Après l'annonce de Tamedia, les éditeurs regroupés dans les associations Schweizer Medien (VSM) et Médias Suisses ont de leur côté réclamé un renforcement de l'aide indirecte à la presse, qui est le seul moyen de conserver l'offre journalistique privée actuelle en Suisse, estime VSM. Les éditeurs appuient ainsi les récentes propositions de la commission ad hoc du Conseil national, dont le National doit débattre en plénum dans un mois.
ats/fgn/iar/juma
Des chiffres stables
Le chiffre d'affaires déclaré de TX Group s'est élevé à 461 millions de francs au premier semestre 2024 (460,5 millions de francs en 2023), a indiqué TX Group dans son communiqué de presse sur les comptes semestriels.
Le chiffre d'affaires global est resté stable grâce à la croissance externe de Goldbach Neo dans le domaine de la publicité extérieure. L'augmentation du chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente serait due à l'intégration de l'entreprise de publicité extérieure Clear Channel Suisse, reprise en avril 2023. Le chiffre d'affaires organique aurait baissé de 6,3% par rapport à la même période de l'année précédente. Des frais de personnel plus faibles et des coûts plus bas pour le matériel - par exemple le papier - ainsi que pour les prestations de services auraient toutefois compensé le recul du chiffre d'affaires.
L'activité des plateformes numériques s'est bien développée au cours du dernier semestre. Selon le communiqué, Swiss Marketplace Group (SMG) a enregistré une forte croissance dans tous les secteurs d'activité. Il comprend des plateformes telles que tutti.ch et Homegate.
Le chiffre d'affaires de la plateforme de recherche d'emploi Jobcloud a reculé par rapport à l'année précédente. Le groupe attribue ce recul à l'évolution conjoncturelle modérée ainsi qu'au très haut niveau de chiffre d'affaires de l'année précédente.
Tamedia n'aura plus de CEO en Suisse romande
La directrice des titres payants du groupe pour la partie francophone, Christine Gabella, qui a annoncé sa démission au début de l'été, ne sera pas remplacée, a indiqué la directrice générale de Tamedia Jessica Peppel-Schulz.
Malgré la centralisation zurichoise de Tamedia, Jessica Peppel-Schulz assure toutefois que la Suisse romande "continuera à être écoutée et entendue". Il s'agira même de "mieux l'intégrer" encore au groupe, selon ses mots.
Engagée fin 2019 comme déléguée de la direction de Tamedia en Suisse romande, l'ancienne secrétaire générale de Médias Suisses assumait les responsabilités opérationnelles des marques payantes de Tamedia en Suisse romande depuis 2022.
Christine Gabella a décidé de quitter l'entreprise pour des raisons personnelles, selon Jessica Peppel-Schulz. La direction des médias romands serait assurée depuis le siège zurichois du groupe, précise-t-elle.