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Sans enfants, elles font le choix de la contraception définitive

La contraception définitive gagne du terrain. De plus en plus de jeunes femmes envisagent de se faire ligaturer les trompes
La contraception définitive gagne du terrain. De plus en plus de jeunes femmes envisagent de se faire ligaturer les trompes / 19h30 / 3 min. / le 15 février 2024
Déterminées à ne pas devenir mères, de plus en plus de jeunes femmes envisagent de se faire ligaturer les trompes pour en finir définitivement avec la contraception. En quelques années, le nombre de consultations et d’interventions a augmenté en Suisse romande. 

Agée d'une petite trentaine d’années, Ana est persuadée qu'elle ne voudra jamais devenir mère et elle a récemment opté pour une méthode de contraception définitive. Dans quelques semaines, la jeune femme se fera ligaturer les trompes de Fallope. Une opération irréversible qu’elle envisage comme une libération après des années de contraception hormonale.

"La peur de tomber enceinte a toujours été un énorme stress depuis que je suis sexuellement active. Je suis contente d’avoir trouvé une méthode permanente, maintenant que je suis sûre de ne pas vouloir d’enfants", témoigne-t-elle jeudi dans le 19h30.

Une longue réflexion

Ce choix est le fruit d’une longue réflexion. "Je suis l’aînée d’une fratrie de cinq enfants et ce n’est pas le genre de responsabilité que j’avais envie d’avoir. Je pense que je crains plus de regretter de faire un enfant que de ne pas en faire. Regretter d’avoir fait un enfant est d’une violence incommensurable, selon moi", détaille la jeune femme.

 Je crains plus de regretter de faire un enfant que de ne pas en faire

Ana, qui a fait le choix de la contraception définitive

Cette décision lui a déjà valu quelques critiques. "On m’a déjà dit que c’était égoïste comme décision. Moi je pense le contraire. L’égoïsme, c’est de ne pas réfléchir au fait d’amener un enfant sur cette planète, qui en soi ne va pas très bien", poursuit-elle.

Une certitude aussi partagée par Amaya, 25 ans, qui s’est fait ligaturer les trompes en 2022. "C’est une décision que j’ai mûrement réfléchie. J’ai par ailleurs suivi une thérapie de trois mois avant de me faire opérer", souligne-t-elle. "C’est un choix que je n’ai jamais regretté. Et même si je regrette un jour, c’est mon problème et non pas celui de la société", conclut-elle.

Des demandes en hausse

Amaya et Ana ne sont pas les seules à assumer ce choix. En Suisse, 5% des femmes en âge de procréer opteraient pour la stérilisation à visée contraceptive, selon l’Office fédéral de la statistique. Si celle-ci était initialement réservée aux femmes ayant déjà eu des enfants, elle devient de plus en plus fréquente. Les gynécologues romands disent assister à une hausse des demandes de la part de femmes nullipares.

Cette augmentation des consultations est également constatée dans les hôpitaux romands. "Il y a cinq ans, nous n’avions aucune demande de ce type. Aujourd’hui, nous recevons des demandes de contraception définitive de la part de jeunes femmes entre 20 et 25 ans. Nous opérons deux à trois patientes par année", explique Jean Dubuisson, responsable de l’unité de chirurgie gynécologique aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Il y a eu une évolution sociétale autour de la stérilisation et sur l'autonomie de pouvoir disposer de son propre corps

Jean Dubuisson, de l'unité gynécologique des HUG

Si les chiffres restent bas, ils montrent tout de même un changement de paradigme. "C’est certain qu’il y a eu une évolution sociétale autour de la stérilisation et sur l'autonomie de pouvoir disposer de son propre corps. Avant il était pratiquement impossible pour ces jeunes femmes de trouver un gynécologue qui accepte de les opérer. C’est pour cette raison que nous avons mis en place un parcours de soin dédié au sein de notre institution", poursuit-il.

Deux conditions requises

Ce phénomène met en lumière les enjeux éthiques soulevés par cette question, mais également le droit des femmes à disposer de leur corps. En Suisse, selon la loi fédérale relative à la stérilisation, seules deux conditions sont requises pour pouvoir accéder à la contraception définitive: être âgée de plus de 18 ans et avoir toute sa capacité de discernement. Dans les faits, le texte n’est pas toujours respecté.

Certains professionnels ne rentrent toujours pas en matière pour des stérilisations chez des personnes jeunes et sans enfants

Sara Arsever, médecin au centre de santé sexuelle à Genève

"Malgré la prise de position claire du conseil d’éthique clinique du CHUV datant de 2010, certains professionnels ne rentrent toujours pas en matière pour des stérilisations chez des personnes jeunes et sans enfants", explique Sara Arsever, médecin au centre de santé sexuelle à Genève.

Mais la médecin insiste: "Les résultats de la commission sont clairs. Les patientes ont l’autonomie de leurs corps. C’est notre devoir médical de les accompagner dans leur capacité d’auto-détermination. Comme pour tout dans la vie, on peut être amené à regretter certains de nos choix: ce n’est pourtant pas une raison valable pour refuser de pratiquer ce genre d’opération."

Sarah Jelassi

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