Le Tribunal fédéral rejette les recours demandant l'annulation de la votation de 2022 sur l'AVS
Le principe du rejet n'a guère été discuté durant l'audience. Les juges ont davantage débattu de la question de la gravité de la violation des droits politiques due à l'information erronée du Conseil fédéral. Faute d'accord sur la qualification de cette violation, ils ont décidé de ne pas la mentionner dans la motivation de l'arrêt.
En revanche, les magistrats se sont accordés sur le fait que la sécurité du droit s'opposait à l'annulation de la votation. La révision de la loi sur l'AVS était liée à la réforme AVS 21 soumise simultanément au peuple. Une annulation de la première se serait étendue à la seconde. Or, certaines mesures prévues dans ce paquet sont déjà en vigueur depuis le 1er janvier 2024, comme le relèvement du taux de la TVA.
Des dépenses surestimées
La première Cour de droit public du Tribunal fédéral devait se pencher sur les recours déposés par les Femmes socialistes, les Vert-e-s et plusieurs particuliers, qui dénonçaient la diffusion de faux chiffres: début août, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a annoncé que les perspectives financières de l'AVS reposaient sur deux formules de calcul erronées.
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Les derniers calculs ont finalement établi que les dépenses de l'AVS pour 2033 avaient été surestimées de 2,5 milliards. Avec cette correction, il apparaît que l'AVS est en meilleure santé que cela avait été annoncé dans la documentation sur la réforme AVS 21 prévoyant notamment le relèvement de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans.
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Le 25 septembre 2022, la votation avait abouti à un résultat très serré avec 50,5% de oui seulement. Les recourants demandaient l'annulation de ce scrutin.
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Une banderole déployée devant le tribunal
Quelque 200 personnes s'étaient réunies à Lausanne devant le bâtiment abritant le Tribunal fédéral avant l'audience, brandissant notamment des banderoles "Non à AVS 21" et "Augmentons les rentes, pas l'âge de la retraite".
Des représentantes du comité référendaire et des recourantes étaient sur place, accompagnées de partisans et activistes politiques et féministes de l'Alliance contre l'AVS 21 notamment.
Les recourantes "choquées, amères et désillusionnées"
"Nous sommes amères contre le manque de courage des juges", a déclaré sur le parvis du tribunal Lisa Mazzone, présidente des Vert-e-s, après le verdict. "Alors que deux des juges ont estimé les erreurs dans les informations données par le Conseil fédéral graves, on banalise cette erreur, car cela concerne des femmes. C'est inacceptable", a-t-elle poursuivi.
"Le message des juges est que cela n'est pas si grave. Le destin des femmes n'est, une fois de plus, pas pris au sérieux", a ajouté la Genevoise, qui exige des "dédommagements" pour toutes les femmes concernées par le vote.
"Aujourd'hui nous sommes en colère. Nous devons supporter les conséquences d'une erreur", a déclaré la conseillère nationale Tamara Funiciello (PS/BE), coprésidente des Femmes socialistes. "Aujourd'hui, on a perdu. Demain, nous gagnerons d'autres combats", a-t-elle affirmé, tout en exigeant des améliorations pour les femmes.
La coprésidente du Parti socialiste, Mattea Meyer, s'est dite quant à elle triste et déçue. "Le vote était déjà erroné, la décision du TF est erronée. L'avenir des femmes est donc erroné", a-t-elle glissé.
boi/iar avec ats
Déçus, les syndicats renvoient la responsabilité aux politiques
L'Union syndicale suisse (USS) s'est dit déçue du rejet par le Tribunal fédéral des recours contre la votation AVS21. "Les juges fédéraux attachent plus d'importance à la sécurité juridique qu'à la situation insuffisante des femmes en matière de retraite", a-t-elle réagi dans un communiqué. Pour la faîtière, il n'en reste pas moins que l'augmentation de l'âge de la retraite économise unilatéralement sur le dos des femmes, qui touchent déjà des rentes inférieures.
"Et d'autres attaques sont déjà en cours", avertit l'USS, qui renvoie la responsabilité aux politiques de remédier à l'important écart dans la prévoyance des femmes. Ces dernières "ont besoin de retraites plus élevées au lieu de nouvelles coupes dans les pensions des veuves sous couvert d'égalité", plaide la faîtière.
Pour l'USS, les prévisions de déficit de l'AVS ont joué un rôle central dans la campagne de votation et étaient basées sur des erreurs de calcul de la Confédération. Elle a rappelé qu'elle avait à plusieurs reprises attiré l'attention sur le fait que les prévisions officielles étaient trop négatives. L'USS reste convaincue que le processus de formation de l'opinion aurait été différent en l'absence d'erreurs de calcul: les femmes concernées ont été privées d'une année de pension, répète-t-elle, bien que la majorité des femmes soient clairement contre la réforme.
Une décision "lâche"
Dans un communiqué séparé, Unia qualifie de "lâche" la décision du tribunal. "Nous exigeons maintenant des politiques et des employeurs des mesures concrètes: des salaires équitables pour les femmes, la reconnaissance du travail de soin non rémunéré dans l'ensemble du système des assurances sociales et le comblement de l'important déficit des rentes. Il est grand temps de remédier à ces dysfonctionnements".
"Cette décision est un nouveau coup dur pour les femmes en Suisse", a déclaré Vania Alleva, présidente d'Unia, dans son discours devant le Tribunal fédéral. "Il faut trouver des solutions pour améliorer considérablement leurs rentes. Nous continuerons à nous y engager en tant que syndicats, mais également au sein des alliances avec tous nos partenaires", a-t-elle poursuivi.
Des parlementaires UDC satisfaits
La conseillère nationale Barbara Steinemann (UDC/ZH) juge la décision du Tribunal fédéral "très raisonnable". Pour la Zurichoise, il aurait été inquiétant, du point de vue de l'Etat de droit, que la votation soit répétée sur la base de pronostics.
Si elle l'avait été, la votation sur la 13e rente AVS aurait également dû être répétée, car la situation de départ aurait été différente si les femmes n'avaient dû travailler que jusqu'à 64 ans, a ajouté Barbara Steinemann.
Sur X, le conseiller national Nicolas Kolly (UDC/FR) souligne que la décision du la Cour doit être respectée. Selon lui, les recourants issus principalement de la gauche ne peuvent que s'en prendre à l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et au Département fédéral de l'intérieur (DFI), "tous deux en mains socialistes au moment des erreurs très regrettables en matière de prévision financière de l'AVS."