Une commission du National prône un soutien partiel à l'UNRWA jusqu'à la fin de l'année seulement
La commission, qui a siégé à plusieurs reprises et interrogé plusieurs personnes sur ce sujet ces dernières semaines, estime que la Suisse doit maintenir, pour l'instant, une aide humanitaire partielle à l'agence onusienne. Mais à l'avenir, elle ne veut plus verser d'argent à l'UNRWA.
La commission a tout d'abord décidé "de ne pas réattribuer un montant général à l'UNRWA", explique son président Laurent Wehrli (PLR/VD) mardi dans l'émission Forum.
Toutefois, au vu de la situation humanitaire catastrophique à Gaza, elle a décidé par 13 voix contre 11 de maintenir partiellement le soutien actuel de la Suisse à l'UNRWA. "La commission considère, comme le reconnaissent les autorités israéliennes elles-mêmes, que l'UNRWA a des réseaux et des compétences particulières à Gaza pour que l'aide humanitaire arrive aux personnes qui en ont réellement besoin", commente Laurent Wehrli.
Le Conseil fédéral devra toutefois prendre des mesures pour prévenir le "mauvais usage" de l'argent, qui devra être consacré exclusivement à l'aide humanitaire et pas à des frais administratifs.
Stopper le financement à moyen terme
En revanche, la commission estime que la Suisse devrait, à moyen terme, stopper son financement. Une majorité de 12 voix contre 9 estime que la confiance en l'agence a été "ébranlée" par les accusations d'Israël. Des accusations qui n'ont été étayées par aucune preuve, selon une enquête indépendante (voir encadré).
"Très clairement, tous les doutes ne sont pas levés. Le rapport Colonna ne dit pas qu'il n'y a rien à changer à l'UNRWA. Il s'agit maintenant de voir comment l'agence va s'adapter à ces commentaires", juge Laurent Wehrli.
La commission a donc déposé une motion visant à réaffecter la contribution suisse prévue en faveur de l'aide d'urgence à la population civile palestinienne pour 2024. La gauche et le PVL s'y sont opposés en vain. Le texte entend "garantir que les biens de première nécessité parviennent dans la bande de Gaza" tout en assurant qu'"aucun transfert d'argent direct ne soit effectué en faveur de l'UNRWA".
"Compromis suisse" face à l'urgence
Laurent Wehrli se dit conscient de cette "impulsion contradictoire", mais il souligne les différentes temporalités qu'elles impliquent. "Je crois qu'il faut le voir sous une notion de compromis suisse", commente-t-il dans Forum.
La majorité de la commission a été persuadée d'une urgence très claire à Gaza
"C'est un ensemble de décisions qui ont été prises, qui tiennent compte autant de l'urgence et des capacités d'aide humanitaires disponibles aujourd'hui, que d'une réalité plus globale", résume l'élu PLR. "La majorité de la commission a quand même été persuadée d'une urgence très claire à Gaza."
Le montant de la contribution partielle à l'UNRWA n'est pas chiffré par la commission. Le Conseil fédéral devra en décider seul.
Des appels toujours plus pressants de la société civile
Des appels de la société civile se multiplient ces derniers jours pour que la Suisse maintienne son soutien à cette agence, garante de la subsistance de centaines de milliers de réfugiées et réfugiés palestiniens et principale pourvoyeuse d'aide humanitaire dans la bande de Gaza, menacée de famine et confrontée à un "risque de génocide", selon la Cour internationale de justice.
Plusieurs dizaines de personnalités suisses, dont les anciennes conseillères fédérales Micheline Calmy-Rey et Ruth Dreifuss, se sont jointes à cet appel. "Il n'y a aucune évidence attestant" que l'agence de l'ONU "ait joué un rôle néfaste dans ce conflit", écrivent-elles.
Parmi ces personnalités figurent également l'ex-directeur du CICR Yves Daccord, l'ancienne procureure de la Confédération Carla Del Ponte, les ex-secrétaires d'Etat Jacques de Watteville et Jean-Daniel Gerber ou encore l'ancien conseiller national Jean Ziegler (PS/GE).
jop avec ats
Des accusations "sans preuves" par Israël
Initialement, la Suisse devait verser 20 millions de francs pour 2024, mais cette contribution a été suspendue fin 2023 sur la base d'accusations israéliennes concernant des employés de l'agence, accusés d'être liés au Hamas.
Selon un rapport indépendant mené par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, l'UNRWA manque de "neutralité politique", mais Israël n'a pas encore fourni la "preuve" de ses allégations.
Interrogé lundi dans le 19h30, le patron de l'UNRWA Philippe Lazzarini a rappelé que la "porosité" avec le pouvoir existe inévitablement "pour toutes les agences des Nations unies et les autres ONG internationales". Toutefois, l'enquête de Catherine Colonna dit " très clairement que nos systèmes sont beaucoup plus robustes que n'importe quelle autre agence sur les questions de neutralité", souligne-t-il. "Mais comme (...) on a beaucoup plus d'employés, il faut essayer de faire plus", poursuit-il.
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Par ailleurs, le rapport a également souligné que "l'UNRWA demeure cruciale pour apporter une aide humanitaire vitale" aux réfugiés palestiniens à Gaza mais aussi en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Cisjordanie occupée.
Aide plus générale en faveur de l'aide humanitaire au Proche-Orient
La commission a avalisé à l'unanimité une première tranche de 56,2 millions de francs du crédit "Actions humanitaires" à une quarantaine d'autres organisations actives en faveur de la paix et l'aide humanitaire au Proche-Orient, dont la Croix-Rouge suisse ou le CICR.
"C'est un élément très important et un montant non négligeable", qui "démontre" l'attachement à la tradition humanitaire de la Suisse, estime Laurent Wehrli. Selon lui, il s'agit de la décision "la plus importante" prise par sa commission mardi.
Une décision "incompréhensible" et "jeu de dupes" pour la gauche
Dans la foulée de l'annonce de sa décision, le PS et les Vert-e-s ont dénoncé ces recommandations de la commission de politique extérieure. La situation humanitaire est "catastrophique" dans la bande de Gaza, rappellent les deux partis. La population risque sa vie et est confrontée à un manque de nourriture, d'eau et d'accès aux soins médicaux, ajoutent les Vert-e-s.
Le parti écologiste regrette que la majorité bourgeoise de la commission n'ait "pas pu se résoudre à débloquer l'intégralité des fonds" destinés à l'UNRWA, alors même "qu'une enquête indépendante a levé les soupçons qui pesaient" sur elle. Il parle de "jeu de dupes".
Le PS critique quant à lui une décision "incompréhensible" et demande au ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis d'agir rapidement pour débloquer les fonds destinés à l'UNRWA. Il demande aussi des mesures spécifiques pour s’assurer que les fonds ne soient pas utilisés de manière indue. L'objectif est d'éviter de nouveaux retards.