Une commission fédérale présente 100 recommandations pour la sécurité suisse de demain
Marquée par la guerre en Ukraine et des régions en crise déstabilisées, la situation en Europe s'est fortement dégradée, constate la commission dans son rapport. Ses recommandations portent sur la neutralité, la coopération internationale, l'orientation des instruments de la politique de sécurité et la politique d'armement.
A une large majorité, la commission recommande de porter le budget de l'armée à 1% du PIB d'ici à 2030, comme le souhaitent les partis bourgeois. Ces recommandations seront intégrées dans les travaux relatifs à la stratégie de politique de sécurité 2025. La commission propose aussi de renforcer les effectifs, notamment avec l'obligation de servir pour les binationaux.
Neutralité assouplie
La commission propose d'appliquer la politique de neutralité avec plus de souplesse et de se concentrer davantage sur sa fonction de sécurité, qui n'est plus garantie aujourd'hui. Le simple fait d'être neutre ne protège pas la Suisse d'une attaque, pointe Katja Gentinetta, rédactrice du rapport. Il s'agit d'un "instrument et non d'une finalité de l'Etat".
La neutralité révisée doit s'aligner sur la Charte des Nations unies et distinguer agresseur et victime, qui a le droit de se défendre. Dans ce cadre, la commission veut également revoir la loi sur le matériel de guerre et ses règles restrictives en matière de réexportation. Les exportations devraient être adaptées aux évolutions géopolitiques.
Coopération internationale avec l'Otan et l'UE
En outre, la coopération avec l'Otan et l'UE doit être approfondie afin de développer une capacité de défense commune. La Suisse est le seul pays qui a renoncé à une obligation d'assistance réciproque. La Suisse ne peut pas "représenter une faille de sécurité" en Europe, et sa situation géographique rend évidente une coopération au niveau de la défense.
Pour la commission, la neutralité n'est pas un obstacle à une collaboration avec l'Otan. Mais seule une minorité est favorable à une adhésion à l'organisation. La Suisse a besoin d'une conception de défense globale, y compris contre la désinformation et les influences. L'armée doit être réorientée vers sa capacité de défense et maîtriser le combat interarmes. Les infrastructures critiques doivent être mieux protégées.
Composition de la commission dénoncée
La commission d'étude est composée de six parlementaires qui représentent les principaux partis. Mais 14 autres acteurs s'y trouvent également, dont l'organisation patronale Economiesuisse, des expertes en sécurité et en politique internationale et des militaires.
Mais cette composition a elle-même fait l'objet de critiques. Le socialiste Pierre-Alain Fridez en est sorti avant la fin du rapport, écrivait Le Temps la semaine dernière. Selon les Vert-e-s, le rapport "est une farce" et la commission conforte la ligne de la conseillère fédérale Viola Amherd. "Une commission arbitrairement choisie, le refus du dialogue, un choix thématique unilatéral": les éléments sont réunis pour faire hérisser le poil du parti écologiste.
Un rapport critiqué de gauche à droite
Le Département fédéral de la défense n’était pas prêt à dialoguer avec des voix différentes ou d'autres idées, indique dans le communiqué Marionna Schlatter (ZH), qui a représenté les Vert-e-s au sein de la commission. Ceux-ci estiment s'être impliqués de manière constructive, proposant leurs propres thématiques et points de vue. Selon elle, "une politique de sécurité n'est visionnaire que si elle comprend également la promotion de la paix civile, la prévention des conflits et la protection climatique".
L'UDC critique pour sa part un rapport qui vise un rapprochement avec l'Otan et la politique de sécurité de l'UE. Ce pas vers l'Otan et l'UE signerait la fin de la neutralité suisse, estime le parti. Et de rappeler la tactique du salami utilisée par le gouvernement en préparant l'adhésion au European Sky Shield, en participant aux exercices militaires de l'UE ou en collaborant avec le Luxembourg pour les exercices militaires.
Pour le Parti socialiste, les conclusions du rapport sont erronées et contradictoires. "Bien que la probabilité d’une attaque conventionnelle contre la Suisse soit faible, c'est précisément pour ce scénario improbable que le budget de l'armée doit être augmenté à 1% du PIB d'ici à 2030 déjà." Pour Pierre-Alain Fridez, "c’est une grande erreur de dépenser de l’argent là où il ne sera très certainement jamais nécessaire".
Le Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA) est indigné que Viola Amherd refuse un véritable dialogue pour imposer son cap en matière de politique de sécurité, indique-t-il jeudi dans un communiqué. Ce faisant, elle sert avant tout les désirs de réarmement de l'armée et les intérêts du lobby de l'armement et tente de légitimer son orientation vers l'Otan.
ats/itg