A l'origine des problèmes financiers des hôpitaux qui s'enfoncent de plus en plus dans le rouge, plusieurs éléments. D'abord, les établissements ne se sont toujours pas remis du Covid. Il y a eu trop de frais à supporter, trop d'opérations reportées en raison de la pandémie, et les compensations étatiques n'ont pas suffi. Ensuite, l'inflation a également joué un rôle important, avec un renchérissement des coûts de l'électricité mais aussi des salaires.
La plupart des hôpitaux ne parviennent donc pas à dégager suffisamment de bénéfices pour procéder aux investissements nécessaires. Car les nouvelles technologies médicales sont très onéreuses et les tarifs n'ont pas été revus à la hausse. Un problème qui ne date toutefois pas d'hier, d'après Luc Schenker, économiste de la santé et ancien directeur financier du CHUV.
Les hôpitaux peuvent essayer d'augmenter l'activité, c'est d'ailleurs ce qu'ils ont souvent fait, mais on est maintenant arrivé à des limites
"Un hôpital n'a jamais été rentable dans la mesure où il est régulé administrativement et où l'Etat doit mettre aujourd'hui 50% du financement", explique-t-il mardi dans La Matinale. "Une clinique privée est rentable parce qu'elle peut adapter ses prix. Les hôpitaux peuvent donc essayer d'augmenter l'activité, c'est d'ailleurs ce qu'ils ont souvent fait, mais on est maintenant arrivé à des limites. Si on n'a pas la bonne taille, on ne fonctionne pas bien", précise-t-il.
Pour ce spécialiste, il y a trop d'hôpitaux en Suisse, ce qui limite les économies d'échelle. Et puis, autre écueil, l'intervention de politiques, qui s'immiscent dans la gouvernance des institutions, ce qui complique leur gestion et grève parfois aussi leurs comptes, avec pour conséquence directe de devoir ensuite compenser le manque à gagner avec les deniers publics.
Une planification cantonale remise en question
Pour certains politiciens justement, ces pertes d'un milliard de francs calculées par le cabinet PWC et dévoilées le week-end dernier par la NZZ am Sonntag s'expliquent par une planification hospitalière cantonale défectueuse.
A Berne, certains élus estiment en effet que les cantons ne prennent pas les mesures d'économie nécessaires pour des raisons politiques, fermer un hôpital ou réduire ses prestations n'étant jamais une mesure populaire.
Si le but de la manoeuvre est de transférer la compétence à la Confédération pour que des populations cantonales ne puissent plus s'exprimer, cela me semble assez contraire à l'esprit helvétique
Plusieurs interventions parlementaires plaident donc pour une planification des hôpitaux à l'échelle suprarégionale. Un postulat socialiste propose par exemple que les cantons d'une même région s'entendent sur une offre intercantonale. Dans les faits, cela voudrait dire qu'une spécialité serait disponible dans certains hôpitaux de la région et pas dans d'autres.
Un changement de paradigme profond
Pour ces élus, l'enjeu est économique mais également qualitatif. En concentrant certaines prestations à certains endroits, les soignants seraient potentiellement plus performants.
Un avis également défendu par une motion vert'libérale qui va encore plus loin, en proposant que la Confédération ait le dernier mot sur la planification hospitalière.
Interrogé dans La Matinale, le conseiller aux Etats Baptiste Hurni (PS/NE) réfute cette idée. D'après lui, les cantons sont en mesure de trouver des solutions. "Si le but de la manoeuvre est de transférer la compétence à la Confédération pour que des populations cantonales ne puissent plus s'exprimer, cela me semble assez contraire à l'esprit helvétique", explique-t-il, en rappelant l'exemple réussi du Centre hospitalier de Rennaz, fruit d'un accord entre les cantons de Vaud et du Valais.
Des limitations des pouvoirs cantonaux qui seraient par ailleurs un changement de paradigme profond pour les cantons qui financent les hôpitaux et tiennent beaucoup à leur autonomie.
Reportage radio: Sylvie Belzer et Romain Carrupt
Adaptation web: Tristan Hertig