Le projet vise à enfouir des déchets nucléaires à 800 mètres de profondeur dans un site souterrain à Stadel, à cheval entre les cantons de Zurich et d’Argovie. Ce lieu a été sélectionné par l’Office fédéral de l’énergie comme le plus adapté après des études géologiques approfondies. Les déchets, encapsulés dans des galeries bétonnées, seraient entreposés pour une période d’un million d’années, selon les prévisions de la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (Nagra).
Cette dernière déposera mardi prochain sa demande d’autorisation auprès de la Confédération, accompagnée de treize documents basés sur 200 rapports scientifiques d'un total d'environ 30'000 pages. L’objectif est de sécuriser les matières radioactives produites par l’industrie nucléaire suisse. Les premières étapes du stockage ne commenceraient pas avant 2050 pour les déchets faiblement radioactifs, et 2060 pour les plus dangereux.
Un appel à la prudence et à la réflexion
Si l’initiative est saluée pour sa volonté de gérer durablement les déchets, des experts et associations jugent que certaines questions restent en suspens. Une coalition, réunie sous le nom "Décharge nucléaire en profondeur devant le peuple!", demande un débat national. Elle souhaite qu’une votation populaire soit organisée, jugeant que le projet, par son ampleur et ses impacts, nécessite une légitimité démocratique.
Harald Jenny, physicien et membre d’un comité d’experts, souligne des incertitudes géologiques. "Il est impossible de garantir que la géologie du sous-sol restera stable sur une si longue période. Il faut envisager d’autres solutions et ne pas se précipiter." Les opposants proposent de poursuivre les recherches pour transformer les déchets en matériaux moins toxiques ou même réutilisables, au lieu de simplement les enfouir. "Enterrer et oublier n’est pas une solution", insistent-ils.
Les inquiétudes autour du site
Le choix de Stadel, dans une région proche de l’aéroport de Zurich, du Rhin et de zones densément peuplées, suscite également des préoccupations. Selon Karin Joss, de l’association LoTI, "un problème d’envergure nationale ne devrait pas être concentré dans un site localement vulnérable". Les opposants pointent également le risque pour les eaux souterraines et l’absence de solutions techniques éprouvées pour garantir la récupération des déchets si nécessaire.
Pour cette coalition, une décision aussi engageante nécessite de temporiser. "Nous devons attendre d’avoir une vision complète des déchets à gérer après la sortie du nucléaire", ajoute Karin Joss. Les experts estiment qu’un délai supplémentaire permettrait aussi d’intégrer de nouvelles avancées scientifiques.
Vers une consultation en 2029
Le Conseil fédéral et le Parlement examineront la demande de la Nagra à partir de 2029. Si le projet est accepté, un référendum facultatif pourrait être lancé, et les travaux commenceraient dès 2045. Les opposants promettent d’utiliser tous les moyens démocratiques pour obtenir une consultation populaire.
En attendant, le débat se cristallise autour de la sécurité, de la faisabilité et de l’éthique d’un tel projet. La Suisse, confrontée à une responsabilité unique par l’ampleur temporelle du stockage, devra peser chaque choix avec soin.
ther avec ats