Victime du "cyberharceleur en série" Freddy C., deux Romandes témoignent de l'inaction de la justice
En 15 ans, de MSN à Instagram, le cyberharceleur en série vraisemblablement basé à La Chaux-de-Fonds (NE) a fait au moins 73 victimes attestées à travers toute la Suisse romande. Des femmes nées entre entre 1995 et 1999, surtout neuchâteloises mais aussi vaudoises, jurassiennes, fribourgeoises ou valaisannes.
Une première plainte a été déposée il y a plus de dix ans et une dernière, collective, date de 2023. Mais le champ d'action de la justice est limité et Freddy C. continue de sévir.
À l'appel de l'une de ses cibles, prénommée Sarah, plusieurs victimes se sont organisées dès 2021 et ont monté un dossier qu'elles ont transmis à la police. Une cinquantaine d'entre elles ont détaillé à Blick leur calvaire, qui a parfois duré plusieurs années.
"Aucune prise au sérieux"
"A ce moment-là, on a remarqué qu'on était un nombre énorme de filles victimes de cette même personne", témoigne-t-elle dimanche dans Forum. "C'est pour cela que j'ai récolté plus d'une centaine de témoignages de personnes en contact avec lui et une septantaine de captures d'écran", poursuit la jeune femme, qui trouve "aberrant que rien ne soit fait".
On est sûrement beaucoup plus que 70 je pense, peut-être même 200 personnes
"Suite à l'article de Blick, il y a en tout cas une quinzaine de personnes qui sont venues m'écrire sur Instagram, j'étais hyper surprise", raconte Mathilde, une autre cible du harceleur. "On est sûrement beaucoup plus que 70 je pense, peut-être même 200 personnes."
Je ne vais pas attendre qu'il arrive quelque chose à l'une d'entre nous pour que ce soit pris au sérieux!
À la suite des plaintes, Freddy a été condamné à plusieurs amendes. "Selon moi, il n'y a aucune prise au sérieux de toute cette affaire, parce que ça ne va pas l'arrêter", fustige Sarah. "On m'a dit qu'il n'avait rien fait, qu'il n'était pas passé à l'acte, donc qu'on ne pouvait rien faire. Je trouve cela très aberrant, parce que je ne vais pas attendre qu'il arrive quelque chose à l'une d'entre nous pour que ce soit pris au sérieux."
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Je n'ai pas porté plainte, parce que j'ai une amie qui a été harcelée et qui a été mal reçue par la police. Mais maintenant je regrette et j'encourage toutes les filles qui se font harceler à aller porter plainte
Contrairement à Sarah, Mathilde n'a pas porté plainte. "Malheureusement, j'avais un peu une mauvaise image de la police, dans le sens où j'ai eu une amie qui a été harcelée et qui a été mal reçue par les forces de police. Ils se sont moqués d'elle. C'est vrai que cela ne m'a pas motivé à aller vers la police", explique-t-elle.
"Mais maintenant je regrette, parce que j'aurais dû", poursuit la jeune femme. "J'encourage les filles qui se font harceler à aller porter plainte, parce que ça va quand même amener du poids au dossier."
Contacté par Blick, le harceleur admet les faits. Se revendiquant misogyne et "incel", il dit souffrir du rejet "à cause de son physique" et de "l'attitude (...) des femmes." Il affirme bénéficier d'un suivi psychologique, mais Mathilde dit avoir recueilli des témoignages de victimes "il y a quelques semaines" sur Facebook.
Propos recueillis par Coraline Pauchard
Texte web: Pierrik Jordan