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Viol: le difficile parcours des victimes vers la reconstruction

Que se passe-t-il après un viol? Du choc initial à la justice, en passant par les soins médicaux et psychologiques, le parcours d'une victime est semé d'embûches. Décisions médicales, défis psychologiques, choix de porter plainte ou non: voici le chemin souvent difficile, mais aussi porteur d'espoir, que doivent emprunter celles qui se battent pour se reconstruire.

En Suisse, une femme sur cinq est victime de violences sexuelles. Mais derrière cette statistique, il y a des parcours individuels marqués par le choc, la douleur et la lutte pour se reconstruire. Comment une victime de viol est-elle prise en charge? Quel rôle joue le système judiciaire? Et surtout, quelles ressources existent pour l'aider à retrouver une forme de sérénité?

De la prise en charge médicale dans les heures suivant l'agression à l'accompagnement psychologique, en passant par la procédure judiciaire, chaque étape est cruciale, mais éprouvante. Le viol laisse des traces profondes, tant physiques que psychologiques. Immédiatement après l'agression, la victime peut ressentir un état de choc et de sidération. La prise en charge médicale est cruciale dans les premiers jours. C'est une véritable course contre-la-montre qui débute.

Il est rare qu'une personne vienne spontanément pour dire "je souhaite faire un constat d'agression sexuelle"

Dre Jasmine Abdulcadir, responsable des urgences gynéco-obstétricales aux HUG

Pourtant, pour la Dre Jasmine Abdulcadir, responsable des urgences gynéco-obstétricales aux HUG, "il est rare qu'une personne vienne spontanément pour dire "je souhaite faire un constat d'agression sexuelle"". Généralement, elle vient à la recherche d'une contraception d'urgence ou par peur d'infections sexuellement transmissibles ou à la suite d'un manque de souvenir en lien avec le trauma.

Aux HUG, une équipe spécialisée accueille les victimes 24h/24. La personne peut décider ou non de réaliser un constat d'agression sexuelle, c'est-à-dire un recueil de preuves archivées dans un rapport destiné aux autorités judiciaires. Elle peut consulter les urgences sans engager de procédure judiciaire. "On effectue des prélèvements, un examen clinique et on administre des traitements préventifs", détaille la Dre Jasmine Abdulcadir. Les preuves sont conservées pendant un an.

Faire le premier pas

Tout un réseau de spécialistes existe comme les centres LAVI. LAVI c'est l'acronyme pour la loi d'aide aux victimes d'infractions. C'est une loi fédérale, valable dans toute la Suisse qui offre un service gratuit et confidentiel. Dans chaque canton, il y a un centre LAVI. Par exemple à Genève, c'est sous forme d'associations où des psychologues interviennent. "Je pense que l'important, c'est de faire le premier pas et d'aller contacter un des membres de ce réseau qui va normalement, lui ou elle, se charger d'aller activer le reste", explique Céline Vock, psychologue et intervenante LAVI à Genève.

Vient ensuite la question de porter plainte ou non. "On explique à la victime les enjeux et le déroulement d'une procédure pénale", indique Céline Vock. Car le parcours judiciaire est long et éprouvant: multiples auditions, confrontation possible avec l'agresseur, jugement incertain.

Le temps de la justice n'est pas celui de la reconstruction

Camille Perrier Depeursinge, professeure de droit pénal à l’Unil et présidente de l’Association pour la Justice restaurative en Suisse (Ajures) 

Mais concrètement, quel est le rôle du système pénal? Il existe un fossé entre les personnes qui demandent de l'aide après un viol et celles qui se lancent dans une procédure judiciaire. En 2022, 5800 personnes ont consulté un centre d'aide aux victimes pour des actes qui pourraient être condamnées pour viol ou contraintes sexuelles. Dans la même année, on compte seulement 214 condamnations.

"Le temps de la justice n'est pas celui de la reconstruction", souligne la professeure de droit pénal à l'Unil et présidente de l'Association pour la Justice Restaurative en Suisse (Ajures) Camille Perrier Depeursinge. La procédure peut durer des années, obligeant la victime à replonger dans son traumatisme. De plus, "le procès se focalise sur l'accusé, pas sur la victime".

Une alternative: la justice restaurative

D'autres voies existent, comme la justice restaurative qui favorise le dialogue entre victime et agresseur. Si les deux parties sont prêtes, une rencontre peut être organisée en présence de médiateurs formés, dans un cadre sécurisé. La victime peut exprimer son ressenti et poser des questions, tandis que l'auteur peut expliquer ses actes ou présenter des excuses. Un suivi est proposé pour accompagner les participants et participantes après la rencontre. L'objectif est de permettre un dialogue constructif, restaurer une certaine sérénité et, parfois, trouver des solutions de réparation symboliques.

Mais quelle que soit l'option choisie, la reconstruction passe avant tout par un accompagnement psychologique. "C'est un long processus, mais c'est possible", assure Céline Vock.

Hélène Joaquim

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Besoin d’aide, qui contacter?

Les Centre LAVI
Genève : 022 320 01 02 ou https://centrelavi-ge.ch/
Vaud : 021 631 03 00 (centre de Lausanne)
Fribourg : 026 322 22 02 ou https://www.solfemmes.ch/
Valais : 027 607 31 00
Neuchâtel : 032 889 66 49
Jura : 032 420 81 00
Berne : 032 322 56 33 ou https://www.victimepasseule.ch/lavi

. D’autres associations
- Viol-secours à Genève : 022 345 20 20
- CTAS (Centre Thérapeutiques Traumatismes Agression Sexuelles, GE): 022 800 08 50
- ESPAS (Espace de soutien et de prévention – abus sexuels, VD) : 0848 515 000
- L’Association pour la Justice Restaurative en Suisse (Ajures) : info@ajures.ch

Numéros d'urgence en Suisse
Ambulance : 144
La Main Tendue (soutien téléphonique 24/7) : 143
Ligne d'aide pour enfants et jeunes (Pro Juventute) : 147
Police : 117