"Chaque mois, vous puisez 300 francs dans vos économies." Sabine Alder est assistance sociale à Genève, et depuis deux ans, elle aide Marina Piucci à s'en sortir.
Pour cette retraitée de 78 ans, la dégradation de la santé de son mari et son entrée dans un EMS ont fait plonger le budget. "Il était de plus en plus handicapé, et je m'en suis occupé jusqu'au mois de septembre dernier. On a convenu de lui trouver un lieu adapté. Mais il a fallu payer 5000 francs de notre poche, chaque mois", a-t-elle confié à la RTS. "C'est une angoisse quotidienne de ne pas pouvoir payer".
Sabine Alder travaille pour Cogeria, une antenne de Pro Senectute qui vient en aide aux personnes âgées. "Avec l'augmentation des loyers et des primes maladie, ça devient de plus en plus compliqué. Les femmes sont particulièrement touchées". Elle souligne: "Cette 13e rente AVS pourrait clairement les aider; ces retraités n'ont pas d'autres moyens d'augmenter leurs revenus".
"3000 francs de plus par an? Je n'en ai pas besoin!"
Henry Fauche a longtemps travaillé dans la banque, et il a une retraite confortable. Dans son appartement de Champel (GE), les meubles sont anciens et les tableaux représentent ses ancêtres: une longue lignée d'agents de change et de banquiers. Sa crainte? Voir les réserves de l'AVS s'épuiser.
"Si on veut donner une 13e rente, ce n'est pas 2 ou 3 milliards de francs qui vont manquer d'ici 2030, mais 8 milliards!", s'indigne-t-il. D'autant que pour des retraités aisés comme lui, cette somme n'a qu'un intérêt accessoire. "C'est une initiative qui arrose tout le monde sous prétexte d'aider les plus démunis, qui effectivement ont besoin d'aide. Donc moi je trouve que cette initiative est injuste".
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"La politique, ça consiste à savoir où on prend le fric et où on le donne!"
A la bergerie du Pré-la-patte, sur les hauts de Péry (BE), Françoise Häring aime citer l'Abbé Pierre. Fraîchement retraitée, elle continue pourtant d'exercer dans la ferme, désormais entre les mains de sa fille, Jeanne. "On gagnait entre 8 et 12 francs de l'heure, aujourd'hui l'AVS me verse 1380 francs, si on ajoute le bonus éducatif, ça fait à peu près 1850", calcule Françoise Häring. "Si on ne venait pas travailler à la ferme, il nous faudrait demander les prestations complémentaires". Elle votera oui à cette initiative pour une 13e rente AVS.
Les entreprises à contribution?
Pour pouvoir financer cette 13e rente AVS, les actifs, les consommateurs et les entreprises seront mis à contribution, selon les opposants et la Confédération.
"Pour garder des employés motivés, c'est important de cotiser suffisamment pour leurs retraites", soutient Jeanne Häring, qui exploite la ferme familiale et soutiendra le texte.
Mais ce n'est pas l'avis de la majorité des milieux économiques. A Belmont-sur-Lausanne (VD), Jacqueline Montandon-la-Longe Moser a repris il y a 15 ans l'entreprise familiale de son père, Presto Café. "Cette 13e rente AVS risque d'être une charge à terme, que ce soit par un relèvement des cotisations ou par un relèvement de la TVA, donc une baisse du pouvoir d'achat", s'inquiète-t-elle, "et une charge supplémentaire va directement impacter l'entreprise".
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Reportage: Gabriela Cabré, Cédric Guigon