Le parcours du combattant après un accident, quand l'assurance n'assume pas
De nombreux assurés découvrent avec amertume la complexité du système d'assurance accident en Suisse. C'est le cas de Sergio, 62 ans, brancardier à Genève. Après une chute dans les escaliers, il est opéré du genou et de l'épaule.
L'expert a interprété les choses comme bon lui semblait, son rapport est un ramassis de balivernes
Mais, après avoir mandaté l'avis d'un expert, l'assurance refuse de prendre en charge son épaule, arguant qu'il s'agit d'arthrose préexistante. Le cas de Sergio passe alors sous le régime de l'assurance maladie. Avec des répercussions importantes en raison de la franchise et de la quote-part. La facture se monte à 11'000 francs dans le cas de Sergio.
"L'expert a interprété les choses comme bon lui semblait, son rapport est un ramassis de balivernes", dénonce Alexandre Lädermann, le chirurgien qui a opéré Sergio. Selon lui, les assurances jouent sur la confusion entre vieillissement naturel et état pathologique préexistant.
Des expertises contestées
L'émission Temps Présent s'est intéressée à cet expert, car d'autres assurés, aussi examinés par lui, ont connu les mêmes déconvenues que Sergio. Selon plusieurs médecins et avocats, le docteur D. aurait pour habitude de délivrer des expertises biaisées en faveur des assurances. Contacté, le sexagénaire n'a pas voulu répondre aux questions de Temps Présent, indiquant par téléphone que "le tribunal médiatique ne l'intéressait pas".
Rachel, enseignante vaudoise, a vécu une expérience similaire à celle de Sergio. Après s'être cassé la jambe, elle souffre de douleurs neuropathiques. Mais l'expert mandaté par l'assurance, à nouveau le docteur D., conclut qu'elle peut retravailler à 100%. "Il m'a dit d'arrêter de faire semblant", témoigne-t-elle, révoltée.
Un système remis en question
Sous la Coupole fédérale, la question de ces expertises sera débattue. Est-il juste que les assurances engagent et donc paient directement un expert? Le conseiller aux États Baptiste Hurni (PS/NE) a déposé une motion pour créer un centre neutre d'expertises. "Il y a une suspicion de conflits d'intérêts qui se vérifie parfois", affirme-t-il.
De son côté, l'Association Suisse d'assurance (ASA), faitière de la branche, a fait savoir par courrier que "nous attendons que les experts évaluent les faits de manière impartiale. L'ASA ne voit aucune raison de remettre cela en question et rejette ce reproche comme étant sans fondement."
Un combat de longue haleine
Face à ces difficultés, les assurés doivent s'armer de patience. Rachel a obtenu une rente AI après des années de procédure. Sergio a gagné son recours au Tribunal fédéral au bout de quatre ans.
Sabine Pirolt