Résumé de l’article
Les pompiers volontaires sont-ils vraiment trop portés sur la bouteille?
C’est un cliché que tous les pompiers et pompières ont déjà entendu: qui dit compagnie de volontaires, dit importante consommation d’alcool. Cette réputation ne viendrait pas de nulle part, ont affirmé les pompiers romands contactés par la RTS. Elle serait même historique et remonterait à l’époque où les hommes avaient le choix entre faire un service obligatoire en caserne ou payer une taxe d'exemption (appelée communément "taxe pompier").
Avant, comme beaucoup de gens venaient seulement pour ne pas payer la taxe, ils n’étaient pas grands volontaires. Ils s'arrangeaient pour boire l'apéro
Les compagnies n’étaient alors pas uniquement composées de motivés, estime Gérard Grau. Cet ancien président de l’Amicale des Sapeurs-Pompiers du Landeron (NE) se souvient des exercices du début de son service dans les années 70 : "Comme beaucoup de gens venaient seulement pour ne pas payer la taxe, ils n’étaient pas grands volontaires. Ils s'arrangeaient pour boire l'apéro. Par exemple, le groupe motopompe - c'est un moteur avec un système d'aspiration – avait caché la réserve de bouteilles dans un des quatre tuyaux pour l'exercice au bord du lac. C'était toléré."
Les sapeurs-pompiers volontaires étaient alors vus comme un prolongement des jeunesses campagnardes. "On y allait plus pour la camaraderie et passer du bon temps que par envie d’éteindre des feux", se rappellent certains.
"On se doit d’être irréprochables"
Comme ailleurs dans la société, la consommation d'alcool est petit à petit devenue moins banale chez les pompiers. Une évolution encouragée par plusieurs changements au sein des casernes : la "taxe pompier" a disparu dans de nombreuses communes et les compagnies de village se sont regroupées, devant ainsi gérer davantage d’interventions. La mission est également devenue plus technique. Dès lors, il a fallu apprendre à porter des respirateurs ou manipuler des produits chimiques, ce qui demande une pleine concentration.
On se doit de montrer une image à la population qui correspond à ce qu’on attend d’un sapeur-pompier
En parallèle de cette spécialisation, les compagnies ont eu une réelle volonté de redorer l’image du pompier volontaire. "On se doit de montrer une image à la population qui correspond à ce qu’on attend d’un sapeur-pompier", argumente Thierry Charrey, président de la Fédération Vaudoise des Sapeurs-Pompiers. "Quand on est de permanence ou quand on prend le volant d'un véhicule lourd, on se doit d'être à 0‰. On a une mission de sécurité publique importante, nous sommes les primo-intervenants au même titre que la police ou les ambulanciers. Et nous allons chez les particuliers, dans l’intimité de leurs appartements. On se doit d’être irréprochables."
Depuis une quinzaine d'années, beaucoup de casernes instaurent des règles sur la consommation d'alcool. Il est par exemple interdit d’aller au restaurant ou au bar avec des habits de pompiers. La gestion de buvettes et l’organisation de fêtes sont laissées aux amicales, ces associations qui rassemblent pompiers en fonction et retraités et qui fonctionnent avec leur propre comptabilité.
Quant au taux d'alcool dans le sang, chez les pompiers de milice, seuls les conducteurs sont restreints par la loi fédérale (0.1‰ ou 0.5‰ selon les situations). Mais de plus en plus de compagnies demandent à leurs membres de refuser tout verre d'alcool quand ils sont de piquet.
L’importance du verre de l’amitié
Ces règles autour de la consommation d’alcool ne signifient toutefois pas que la boisson a disparu des casernes. Dans les compagnies de volontaires, il y a toujours un frigo avec vins et bières, confirment tous les pompiers romands contactés. La caserne est souvent un lieu où l'on se rassemble après les exercices ou des interventions qui peuvent parfois être traumatisantes.
On se retrouve en intervention avec des gens qu'on ne côtoie pas forcément en dehors des pompiers. Ça reste donc très important d’avoir ces instants de cohésion, sans aller dans des excès et consommer de l'alcool à outrance
"Ces moments autour de bières ou de verres de vin blanc nous permettent de passer au-dessus de moments difficiles", estime Thierry Charrey. "Cette cohésion est primordiale et fait que notre travail est efficace. On se retrouve en intervention avec des gens qu'on ne côtoie pas forcément en dehors des pompiers. Ça reste donc très important d’avoir ces instants de cohésion, sans aller dans des excès et consommer de l'alcool à outrance."
Un pompier fribourgeois ajoute que l'alcool servait parfois de soupape de décompression. Mais là aussi, il y a du changement. A l'époque, on gérait l'après-intervention avec une tape sur l'épaule et une bouteille de vin. Aujourd'hui, les casernes mettent en place debriefings et soutien psychologique.
Anouk Pernet