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Affaire Kadhafi: un 3e Suisse retenu en Libye

L'ambassade suisse à Tripoli.
Le 3e Suisse empêché de quitter la Libye s'était réfugié à l'ambassade de Suisse.
Un 3e homme de nationalité suisse a été empêché de quitter le sol libyen juste après l’arrestation d’Hannibal Kadhafi, révèle Le Matin Dimanche. Interviewée par différents journaux, Micheline Calmy-Rey apporte de son côté quelques précisions à l’affaire Kadhafi, de l’arrestation à la libération.

Un troisième homme de nationalité suisse a été empêchés de quitter le territoire libyen trois jours après l’arrestation d’Hannibal Kadhafi le 15 juillet 2008 à Genève. Mais, contrairement à Rachid Hamdani et Max Göldi, il n’a pas été emmené en prison et a pu se réfugier à l’ambassade de Suisse à Tripoli.

"Blond, athlétique, 35 ans, il a presque toujours vécu en Allemagne et ne parle pas un mot de suisse allemand", indique Le Matin Dimanche, qui révèle l’affaire. Il travaille dans le pays comme spécialiste pour une société allemande qui construit un pipeline. Il a finalement pu rentrer fin septembre 2008, après d’âpres négociations. Son visa de sortie a été obtenu contre un visa pour un dignitaire libyen, assure le quotidien romand.

En avril dernier, le journal Sonntag avait déjà révélé qu'un binational Suisse et Algérien avait passé 3 mois et demi en prison, dans des conditions difficiles et sans aucune charge retenue contre lui. Cette affaire, qui s'était déroulée avant l'arrestation d'Hannibal Kadhafi, avait été confirmée par le Département des affaires étrangères.

Une task force le jour de l'arrestation

Micheline Calmy-Rey a répondu dans la presse dominicale aux reproches que ses services aient sous-estimé au début la crise. "Nous avions averti Genève au préalable des suites politiques que pourrait entraîner une arrestation d'Hannibal Kadhafi." Elle a indiqué que le DFAE "a mis sur pied une task force le jour même de cette arrestation - c'est-à-dire avant l'arrestation de MM. Göldi et Hamdani".

Par ailleurs, Micheline Calmy-Rey rejette les reproches d'un manque de communication avec Hans-Rudolf Merz dans l'affaire libyenne. "La coopération lors de l'année présidentielle de M.Merz a été intensive", a-t-elle déclaré au journal Sonntag. Néanmoins, la conseillère fédérale estime inutiles les excuses de Hans-Rudolf Merz envers le colonel Kadhafi. "M. Merz avait déjà fait des excuses pour l'arrestation, et il était pour moi hors de question, que nous nous excusions à nouveau. Cela n'a servi à rien".

Appel à la décence

Quant aux excuses de la Suisse pour la publication des photos d'Hannibal Kadhafi par la Tribune de Genève, la ministre des Affaires étrangères les a justifiées en arguant que le vol de ces photographies constitue également un délit en Suisse. Concernant la non-participation de Genève à la somme de 1,5 million de francs mise en dépôt par Berne dans le cas où l'enquête sur ce vol de photos ne donnait rien, la conseillère fédérale répond: "Nous n'avons pas demandé quoi que ce soit à Genève pour l'instant".

Et l'ex-ministre genevoise des finances d'ajouter que, "vu le coût exorbitant, en termes de mobilisation, de travail, de souffrances, qu'a occasionné cette crise, la décence voudrait que l'Etat de Genève et La Tribune de Genève s'abstiennent de tout commentaire".

Retour sur la libération

Le 10 juin 2010, Max Göldi est libéré, après avoir purgé sa peine de 4 mois. Mais les incertitudes demeurent. "Les choses auraient pu déraper pour un petit détail", note la cheffe de la diplomatie, en confiant que les Libyens avaient préparé deux nouveaux chefs d'accusation, au cas où…

Le moment-clé ce jour-là aura été la réunion sous la tente du colonel libyen. Une soixantaine de personnes était présente et la conseillère fédérale était l’unique femme. Pas un mot sur Max Göldi n’a été soufflé. "J’ai compris l’invitation du leader comme un geste qui mettait fin aux hostilités". Ce qui n’a cependant pas empêché Mouammar Kadhafi de clamer, une nouvelle fois, que la Suisse francophone devait être rattachée à la France…

Finalement, le Libyen a invité la ministre à manger. Et comme elle déclinait l’offre, il lui a proposé des sandwich. "C’est vraiment à ce moment-là et à ce moment-là seulement que j’ai eu la certitude que nous allions pouvoir rentrer avec Max Göldi" , a raconté Micheline Calmy-Rey au Matin Dimanche.

bri avec l'ats

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Une affaire sous haute tension

Retour sur quelques événements cités dans Le Matin Dimanche, qui s'arrête aussi sur les conditions de vie des deux otages à Tripoli : Max Göldi et son épouse japonaise (qui ne quittera la Libye qu’en novembre 2008) loge dans l’appartement d’un consulaire. Rachid Hamdani, qui a loué un petit appartement, reçoit de temps à autre la visite de son fils, tunisien.

Août 2008, l’ambassadeur Daniel von Muralt, en poste à Tripoli, est "en violent désaccord" avec Berne sur la stratégie à adopter. L’ancien coordinateur du renseignement Jacques Pitteloud est envoyé sur place. Sa première mission consiste à retrouver la mère de l’un des deux domestiques battus par Hannibal Kadhafi pour qu’il retire sa plainte, condition pour que Tripoli entre en matière pour des négociations.

Le 2 octobre 2008, un téléphone est censé avoir lieu entre Pascal Couchepin et Mouammar Kadhafi.
Le 29 janvier 2009, en marge du WEF, Micheline Calmy-Rey signe un accord avec Saif al-Islam, le fils pro-occidental du colonel Kadhafi. Mais, après une conversation d'une quarantaine de minutes avec son père, Saif al-Islam échoue. Et Khaled Kaim, le négociateur officiel, se fâche.

20 août 2009 : cavalcade solitaire de Hans-Rudolf Merz, qui présente les excuses de la Suisse et rendre bredouille.

Le 17 septembre 2009, des visas Schengen sont suspendus à des dignitaires libyens. Le lendemain, les deux Suisses sont convoqués pour une visite médicale à l'hôpital, d’où ils sont emmenés dans une résidence, où ils resteront 53 jours.

Le 4 novembre 2009, le Conseil fédéral adopte la stratégie de l’asticotage, la «Piesacken Strategie», qui consiste à déranger au maximum les Libyens, sans les blesser, via la restriction de visas ou le gel de comptes bancaires.

Début 2010, la Suisse obtient, entre autres, le soutien de la secrétaire d'Etat américaine. Hillary Clinton a appelé le ministre des Affaires étrangères libyen pour faire part de son inquiétude.

Le 10 juin 2010, Max Göldi est libéré, après avoir purgé sa peine de 4 mois.