Dans un communiqué diffusé vendredi soir, le Département fédéral de justice et police d'Eveline Widmer-Schlumpf indique avoir "pris connaissance des critiques de la commission de gestion du Conseil national".Cette dernière avait dans l'après-midi demandé la récusation d'Urs von Daeniken, jugeant sa responsabilité dans le fichage illégal effectué par le SAP est "trop grave".
Le feu a été mis aux poudres mercredi avec la publication par la délégation des commissions de gestion d'un rapport accablant, montrant que durant des années, le SAP a fiché des dizaines de milliers de personnes sans procéder aux contrôles légaux d'usage.
Chef montré du doigt
Selon ce document, Urs von Daeniken, qui a répondu de manière lacunaire voire trompeuse à la délégation, était au courant. Dans ces conditions, la commission de gestion dit avoir appris "avec stupeur" la nomination annoncée mardi d'Urs von Daeniken à la tête du groupe de travail chargé de la réorganisation du Ministère public de la Confédération (MPC). Elle a demandé au DFJP de trouver une solution "à même d'obtenir la confiance nécessaire du Parlement dans cette délicate procédure", ont indiqué les Services du Parlement.
Si le DFJP "ne partage pas les réserves de la commission", il se dit néanmoins disposé à rechercher avec elle "une solution à même d'obtenir sa confiance". "A cet effet, Urs von Daeniken va quitter ses fonctions à la tête du projet et sera remplacé, à titre transitoire, par le procureur général suppléant", écrit le DFJP.
Les services d'Eveline Widmer-Schlumpf annoncent également qu'il répondront "en détail" aux questions de la commission dans les délais prévus, d'ici au 15 août 2010. Cette dernière souhaite notamment savoir pour quelles raisons Urs von Daeniken a été nommé, avec quel mandat et quel salaire.
Premières explications
En guise de premiers éléments, le DFJP rappelle qu'Urs von Daeniken a quitté ses fonctions à la tête du SAP début 2009 lors de la réorganisation des services de renseignement suisses. Depuis, il travaillait au sein du secrétariat général du DFJP "sans lien avec des données ou des systèmes d'information sensibles". C'est dans ce cadre qu'il a été appelé à diriger le groupe de travail chargé de la réorganisation du MPC, sous la responsabilité du procureur général. Le DFJP souligne qu'Urs von Daeniken exécute ses tâches "sans aucun problème", "conformément au mandat qui lui est confié" et que son poste au secrétariat général est limité à la fin de 2011.
Interrogée par la presse, la ministre de la justice et police Eveline Widmer-Schlumpf avait estimé mercredi qu'il n'était pas problématique de continuer à employer Urs von Daeniken. Comme expert, il fait très bien son travail, avait-elle déclaré.
ats/cab
Christoph Blocher minimise l'affaire
Egalement mis en cause par le rapport de la délégation des commissions de gestion, Christophe Blocher, à la tête du DFJP à l'époque, a pour sa part éludé les reproches selon lesquels le gouvernement n'a pas assez bien maîtrisé la situation.
S'exprimant pour la première fois vendredi sur l'affaire dans son émission sur internet "TeleBlocher", il a expliqué qu'il voulait analyser dans le détail le rapport avant de prendre position. Mais selon lui, les activités illégales du SAP ne sont "pas si graves" et peuvent être corrigées.
Christoph Blocher estime que les problèmes engendrés par le fichage de dizaines de milliers de personnes sans contrôles d'usage ne sont "pas si graves".
Les erreurs - comme le fait que des personnes décédées soient restées enregistrées - peuvent être corrigées, souligne l'ancien conseiller fédéral. Il explique toutefois qu'il veut analyser dans le détail le rapport de la délégation des Commissions de gestion avant de prendre position.
Selon le président de cette dernière, Claude Janiak (PS/BS), alors qu'il était en fonction, Christoph Blocher avait connaissance des problèmes mais n'a pas cherché à les résoudre.
Christoph Blocher critique par ailleurs le fait que la délégation ne l'ait pas auditionné quand il était encore en fonction. Et s'en prend directement à Claude Janiak. Aux yeux du vice-président de l'UDC, ce dernier veut détourner l'attention de l'affaire libyenne.
Contrôles lacunaires
Le SAP n'a pas effectué les contrôles prescrits pour plus de la moitié des 200'000 personnes enregistrées dans le système d'information relatif à la protection de l'Etat (ISIS).
Ces prescriptions avaient pourtant été édictées dans les années 1990 après le scandale des fiches afin que "seules les données pouvant effectivement fournir des renseignements sur les dangers menaçant la sûreté intérieure et extérieure" soient traitées.
Les raisons qui ont amené à cette situation tiennent principalement à une mauvaise définition des priorités lors de la migration au début 2005 des données ISIS dans le nouveau système ISIS-NT.
Au lieu d'être éliminées, les informations qui avaient perdu de leur pertinence ont été transférées dans le nouveau système et adaptées au prix d'un travail énorme.
Le SAP a détourné pendant quatre ans, soit jusqu'à fin 2008, le personnel dévolu aux contrôles pour l'affecter à la saisie de données.
Le nombre d'informations a augmenté de manière constante, passant de 100'000 à 200'000 entre 2006 et 2010, au détriment de l'effacement de celles ne présentant plus de pertinence.