En mars 2009 déjà, le chef du service juridique de la Défense avait tiré la sonnette d'alarme. Dans un message électronique, il en souligne le caractère délicat, du point de vue politique et juridique, étant donné le rôle joué par le chef de l'armée. Et il conclut: "il faut éviter de poursuivre cette affaire sous cette forme, étant donné son potentiel d'escalade sur le plan politique".
Pourtant, les paiements se poursuivent: 61'977 francs fin mars, 48'420 francs début mai et ainsi de suite. Au final, les factures, contresignées de la main d’André Blattmann, totalisent 494’848 francs pour 2009. C’est plus que le traitement d’un conseiller fédéral.
Selon des documents que la TSR a pu consulter, le chef de l'armée en vient à conclure des contrats, toujours avec ce même conseiller, de manière rétroactive. La signature est datée du 27 mai 2009, pour des prestations fournies fin 2008 et d'ailleurs déjà payées. Il signe ainsi le même jour quatre contrats, portant sur la période allant de décembre 2008 à avril 2009.
Deuxième avertissement
Au mois de septembre, on prépare un nouveau contrat-cadre pour le gestionnaire-informaticien. A nouveau, le service juridique maison met en garde: "cela ne changera rien à l’attribution incorrecte de ce mandat".
Il y a aussi cette curieuse lettre datée du 3 juillet 2009. Le conseiller écrit: "Cher André, comme convenu, j'ai modifié mon rapport de travail de manière à ce que la valeur facturée n'aille pas au-delà de 50'000 francs." Il signale avoir travaillé durant le mois précédant 288 heures, alors qu'il en facture 231.
Grand silence du côté de l'armée
Suite aux révélations de la TSR jeudi, le commandant de corps a admis que ce mandat avait été attribué sans appel d’offres, ce qu'exige pourtant la loi, étant donné le volume financier du contrat. "Le mandat a été attribué par une procédure de gré-à-gré", avait admis jeudi soir le service de presse d’André Blattmann. "La collaboration a donc été dénoncée le 17 mai 2010 et le contrat résilié avec effet au 30 juin 2010".
Reste à savoir pourquoi le conseiller a été employé jusqu'à mercredi passé malgré ces avertissements. Réponse du service de presse d'André Blattmann: "Aujourd'hui samedi, il ne nous est pas possible de répondre à vos questions. Nous en prenons note et nous vous répondrons au début de la semaine prochaine". Pas d'interview non plus avec le chef de l'armée. Un commandant de corps qui a décidé, visiblement, de se faire tout petit.
Pierre Gobet/cab