Selon ces travaux menés au CHUV et à l'Université de Lausanne et publiés dans "Swiss Medical Weekly", 13,5% des jeunes de 15 à 24 ans jouent au moins une fois par semaine. Et 34,8% l'avaient fait entre une et 51 fois au cours de l'année précédente. Au total, près d'un jeune sur deux (48,3%) avait donc joué de l'argent au cours de l'année considérée.
L'équipe de Joan-Carles Surís, responsable du Groupe de recherche sur la santé des adolescents à l'Institut de médecine sociale et préventive, a analysé les données de 1116 jeunes tirées de l'Enquête suisse sur la santé 2007.
Alors qu'on dispose de chiffres sur les joueurs à problèmes (2,2% de joueurs problématiques toute leur vie et 1,1% de joueurs pathologiques), on ignorait la prévalence du jeu d'argent chez les jeunes établis en Suisse.
Les chercheurs ont donc comblé cette lacune, partant du principe que jouer fréquemment peut être un stade préliminaire à l'addiction.
Divergences régionales
Le questionnaire soumis aux participants évoquait seize différents types de jeux d'argent, loteries, casinos, paris sportifs, cartes à gratter, jeux illégaux, poker ou encore jeux sur internet.
Il portait également sur diverses variables, tabagisme, consommation d'alcool, de cannabis ou d'autres drogues illégales, ainsi que sur la santé mentale des sondés et leur environnement social.
Résultats: les jeunes hommes jouent plus que les jeunes filles. Ils sont 58% chez les joueurs occasionnels et 75% chez les joueurs fréquents, contre 41% chez les non-joueurs. En outre, les Romands sont les plus joueurs des Suisses: on compte 40% de non-joueurs de ce côté-ci de la Sarine, contre 53% en Suisse alémanique et 80% au Tessin.
Les Romands remportent également la palme des joueurs fréquents (15% contre 13% en Suisse alémanique et 10% au Tessin) et occasionnels (45%/33%/10%). Dans leur commentaire, les chercheurs soulignent que la Suisse romande compte la plus forte densité de casinos, ce qui pourrait expliquer cela.
De manière plus générale, ils évoquent l'accroissement de l'offre en matière de jeux d'argent, sur internet en particulier, ainsi que la mode actuelle du poker.
Manque de prévention
Dans leurs conclusions, les chercheurs soulignent la nécessité d'une prise de conscience de la part des services de santé. Les joueurs fréquents devraient être suivis de près afin d'éviter le développement d'une dépendance. Enfin, des messages de prévention et des interventions auprès de la jeunesse semblent nécessaires.
ats/jeh
Addictions cumulées
L'étude a également mis en évidence une association du jeu avec le tabagisme, l'usage de cannabis et le "binge drinking", ou biture express, la plus forte prévalence ayant été relevée chez les joueurs fréquents.
On trouve par exemple chez ces derniers 34% de fumeurs quotidiens de cigarettes, contre 12% chez les non-joueurs, respectivement 13% contre 5% pour le cannabis.
Et 29% de joueurs fréquents s'adonnent tout aussi fréquemment au "binge drinking", contre 17% chez les jeunes non-joueurs.
Enfin, ils sont également plus nombreux à consommer des drogues illégales autres que le cannabis.
Pour le Dr Surís, une conclusion s'impose: "Quand on fait le dépistage des comportements à risque chez les adolescents, il faut y inclure le jeu", a-t-il indiqué.
Car l'étude a confirmé une tendance déjà mise en évidence par d'autres travaux: avec la fréquence du jeu augmentent également les problèmes de dépression et de détresse psychologique.
Une problématique qui pourrait être sous-estimée compte tenu du fait que les trois quarts des joueurs fréquents sont des hommes, connus pour minimiser leurs soucis de santé mentale.