Soutenu par la majeure partie de la droite, le projet proposé par le Parlement vise à assainir l'assurance chômage en l'espace de 17 ans. Il prévoit une augmentation des recettes de 646 millions de francs et des économies à hauteur de 622 millions. Une révision "nécessaire, équilibrée et pertinente", car elle "résout les problèmes financiers de l'assurance chômage", a estimé la ministre de l'Economie Doris Leuthard dans son argumentaire.
Toutefois, pour les opposants, la gauche et les syndicats notamment, les coupes qu'engendrera une adoption de ce projet sont dangereuses en période de crise. Selon eux, l'assurance ne pourra plus fournir une protection suffisante à la population et les premiers à en subir les conséquences seront les jeunes et les chômeurs âgés. Le recours à l'aide sociale sera donc décuplé.
L'alliance "Non au démantèlement de l'assurance chômage" a collecté 140'000 paraphes pour son référendum, nettement plus que les 50'000 qui étaient nécessaires. Un succès "éclatant" à leurs yeux, qui les fait partir confiant pour la votation du 26 septembre, d'autant plus que certaines voix à droite critiquent également le projet des Chambres.
Des économies de 622 millions
La révision de l'assurance chômage vise en premier lieu à économiser dans plusieurs secteurs, jusqu'à atteindre 622 millions de francs. La première mesure pour y arriver est une adaptation de la durée d'indemnisation à la durée de cotisation.
Concrètement, en cas de oui, les assurés ne pourront toucher 400 jours d'indemnités qu'après avoir cotisé 18 mois (contre 12 mois actuellement). Cotiser durant 12 mois donnera droit à seulement 260 jours d'indemnités. Le maximum de 520 jours ne sera accessible qu'au bout de 24 mois de cotisations ininterrompues pour les plus de 55 ans et ceux qui touchent une rente invalidité d'au moins 40%.
De plus, les délais d'attente pour toucher les indemnités seront aussi plus longs. Au lieu de 5 jours comme aujourd'hui, ils seront échelonnés entre 10 jours (pour un revenu entre 60'000 et 90'000 francs), 15 jours (90'000 à 125'000 francs) et 20 jours (plus de 120'000 francs).
Des recettes de 646 millions
Pour augmenter les recettes, à hauteur des 646 millions escomptés, c'est une hausse du taux de cotisation qui est proposée, de 0,2 point en l'occurrence. Il passera de 2% à 2,2%, ce qui permettra un gain de 460 millions, selon les auteurs du projet. De plus, un pourcent de solidarité sera également introduit sur les personnes dont le salaire est compris entre 126'000 et 315'000 francs. Une mesure qui amènera 160 millions de plus dans les caisses de l'assurance chômage.
Le Conseil fédéral a aussi averti que le taux de cotisation allait augmenter jusqu'à 2,5% en cas de non le 26 septembre. En effet, la loi en vigueur actuellement dit que les prélèvements doivent être réhaussés quand la dette de l'assurance chômage atteint 2,5% de la somme des salaires soumis à cotisation. Un seuil qui a été franchi ce printemps.
Les jeunes particulièrement touchés
Avec les chômeurs les plus âgés, ce sont surtout les jeunes qui sont touchés par la révision proposée. Les jeunes libéraux-radicaux neuchâtelois soutiennent d'ailleurs le référendum, et certains membres du PDC et du PLR également.
Les sans emploi de moins de 25 ans sans charge de famille ne recevront plus que 200 indemnités journalières (soit 9 mois) au lieu des 400 actuelles. Quant aux jeunes achevant leur formation (mais aussi le femmes qui ont cessé de travailler pour cause de maternité), ils n'en toucheront que 90 au lieu de 260.
En cas de oui, une autre mesure pour le moins controversée sera aussi imposée aux chômeurs de moins de 30 ans: ils seront obligés d'accepter n'importe quel travail, même s'il ne correspond pas à leurs formations ou à leurs qualifications. Ce sont les Offices régionaux de placement (ORP) qui décideront si le poste correspond ou non.
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Une 5e votation sur l'assurance chômage
Le 26 septembre, le peuple suisse va se prononcer pour la cinquième fois depuis 1976 sur une révision de la loi sur l'assurance chômage.
Le 24 novembre 2002, malgré la morosité économique et le refus de quatre cantons romands, les Suisses avaient accepté de réduire les prestations.
Ils n'ont ainsi pas confirmé le vote du 28 septembre 1997. Ce dimanche-là, la baisse des indemnités journalières des chômeurs projetée pour améliorer le financement de l'assurance a échoué de peu: le non l'a emporté par 50,8% grâce au refus massif des cantons romands.
Lancé par l'association de défense des chômeurs de La Chaux-de-Fonds (NE), le référendum n'avait pas reçu tout de suite le soutien des syndicats et du PS. On lui donnait même peu de chance d'aboutir. Or non seulement les 50'000 paraphes avaient été réunis, mais la votation gagnée.
Le 26 septembre 1993, le peuple a approuvé par 70,4% des voix un arrêté fédéral urgent déjà en vigueur depuis six mois. Il portait de 300 à 400 jours la durée maximale d'indemnisation, mais réduisait les montants journaliers de 80 à 70% du dernier salaire pour les chômeurs sans charge de famille. Le PS et l'Union syndicale avaient combattu cette dernière par référendum.
Le 13 juin 1976, le peuple et les cantons (à l'exception de Schwyz) ont approuvé par 68,3% des voix un nouvel article constitutionnel sur l'assurance chômage. Celle-ci devenait obligatoire, avec un financement paritaire. La plupart des partis politiques et organisations économiques soutenaient le projet.
Un report des coûts sur l'aide sociale
Le Conseil fédéral a commandé un rapport évaluant les conséquences de la révision de l'assurance chômage pour les cantons et communes. D'après des calculs actualisés du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), le transfert des charges vers l'aide sociale se chiffrerait à 98,5 millions de francs par an.
Ce montant équivaut à environ 16% des économies réalisées dans le cadre de la réforme, précise le Seco dans ce document.
Les conclusions du rapport ont provoqué le mécontentement de l'Union des villes suisses, qui dénonce "un jeu à somme nulle, par lequel la Confédération veut économiser sur le dos des cantons et des communes".
Dans les cantons où le taux de sans emploi est élevé, la grogne monte aussi. Genève, Neuchâtel, Vaud, le Jura ou Bâle-Ville sentiront tout particulièrement passer la pilule en cas de réduction des prestations. Leurs services sociaux devront en effet faire face à un afflux de personnes qui, n'ayant plus droit à des indemnités chômage, se trouveront dans une situation précaire.