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Frédéric Hainard rend son jeune tablier de ministre

Frédéric Hainard est toujours plus sur la sellette
"Je pense servir l'Etat et ne pas trahir les Neuchâtelois", a dit Frédéric Hainard.
Le Parti libéral-radical neuchâtelois a appris par la presse lundi matin la démission de son conseiller d'Etat Frédéric Hainard. Tout comme la gauche, la formation salue cette décision et se refuse encore à dire si elle entend conserver le siège vacant. Côté bourgeois-démocrate, un candidat est sur les rangs.

"Quelles que soient les conclusions de la commission d'enquête parlementaire (CEP), ce n'est plus seulement la confiance dans les élus qui est en jeu, mais la confiance dans les institutions qui est ébranlée. Dans ces conditions, j'ai pris la décision de m'en aller. Je pense ainsi servir utilement l'Etat et ne pas trahir les Neuchâtelois", explique le conseiller d'Etat libéral-radical dans une déclaration officielle destinée aux citoyens du canton et publiée en exclusivité dans "L'Express/L'Impartial".

Frédéric Hainard, 34 ans, a fait connaître sa décision dimanche au président du Grand Conseil, Olivier Haussener. Il quittera le Château le 31 octobre, soit à la date butoir prévue par la CEP pour rendre son rapport. Dans cette "déclaration destinée aux citoyens du canton", il estime ainsi servir l'Etat et être utile aux institutions. Et dénonce les petits arrangements entre amis. Il dit aussi: "Le discrédit jeté sur mon action et sur mes méthodes est trop lourd". Il a choisi de confier cette déclaration officielle en exclusivité dimanche en début de soirée à L'Express /L'Impartial, à la télévision régionale Canal Alpha et au site internet Arcinfo.ch, comme l'indiquent ces médias.

Un premier candidat PBD

Quelques ambitions électorales ont aussitôt été rendues publiques. Le premier à se lancer dans la course à la succession au Conseil d'Etat est Pierre-Alain Storrer, 63 ans. Candidat sous les couleurs de l'UDC aux dernières élections, il a depuis quitté ce parti. Le 14 octobre, il participera à la fondation de la section neuchâteloise du Parti bourgeois-démocrate (PBD). Fort de l'appui du comité provisoire, c'est sous ces couleurs qu'il se présentera à l'élection complémentaire, a-t-il indiqué, confirmant une information du site Arcinfo.

Et quelles sont les intentions du Parti libéral-radical (PLR)? "C'est trop tôt pour en parler", a dit Christian Blandenier, son vice-président. La présidence du parti cantonal va en discuter cette semaine, définir un calendrier et ce sera ensuite à la base de décider si elle lance un candidat dans l'élection complémentaire, dont la date sera fixée par le Conseil d'Etat, a expliqué Christian Blandenier.

Une assemblée générale du PLR fixée ce samedi depuis longtemps pourrait être l'occasion d'une première discussion, selon lui. Et d'affirmer que la présidence n'a pris encore aucun contact avec l'une ou l'autre personne susceptible de se porter candidate à la succession de Frédéric Hainard.

Frédéric Hainard: "J'ai probablement été parfois trop vite, trop fort et trop loin." [Keystone]
Frédéric Hainard: "J'ai probablement été parfois trop vite, trop fort et trop loin." [Keystone]

Interrogé sur la démission de ce dernier, Christian Blandenier pense qu'elle était à terme "inéluctable". "Elle n'a pas dû être facile à prendre, mais dans l'intérêt du canton et de la sérénité du gouvernement, elle est raisonnable. Nous en prenons acte et la saluons".

Selon Christian Blandenier, les premiers documents de la CEP transmis vendredi au Conseil d'Etat ont pu activer la décision de Frédéric Hainard de démissionner. Un avis partagé par les représentants des autres principaux partis du canton.

Retour de la gauche?

Le départ de Frédéric Hainard est également salué par le Parti socialiste (PS) qui avait déjà réclamé sa démission avant l'été. Quant à savoir si la gauche va profiter de l'occasion pour tenter de reprendre la majorité au gouvernement, tant les socialistes que les Verts se montrent pour l'instant prudents.

"La stratégie du PS n'est pas du tout arrêtée. Il y a beaucoup de choses qui entrent en jeu et nous devons en discuter avec nos partenaires", a dit Baptiste Hurni, président du PS. Une séance du bureau du PS est agendée mardi soir et "nous pourrions déjà en discuter".

Même chose chez les Verts qui ont convoqué un comité cantonal mercredi soir, a indiqué leur co-président Fabien Fivaz. Mais pour lui il est clair que récupérer le siège de Frédéric Hainard permettrait de mettre fin à la "particularité neuchâteloise" qui voit la gauche être majoritaire au Parlement et la droite au gouvernement.

"Pacifier le canton"

Fragilisé par l'affaire Hainard, le PLR espère toutefois conserver ses trois sièges au Château.
Fragilisé par l'affaire Hainard, le PLR espère toutefois conserver ses trois sièges au Château.

Pour Baptiste Hurni et Fabien Fivaz, la décision de Frédéric Hainard doit permettre de ramener un peu de "sérénité" au Conseil d'Etat. Il faut essayer de "pacifier un peu ce canton", retrouver un "fonctionnement normal" et mettre fin au "climat délétère" actuel, selon les propos du président du PS. Qui attend le rapport que doit livrer la CEP d'ici au 31 octobre.

Pour l'UDC la démission de Frédéric Hainard n'est pas suffisante. Les "inimités entre les membres du gouvernement restent et les dossiers n'avancent pas", a déclaré le porte-parole de la formation, Walter Willener. Et de réclamer la démission de l'ensemble du gouvernement.

Le parti définira sa stratégie mercredi soir, mais Walter Willener ne pense pas qu'il se lancera à la conquête du siège laissé vacant. Et un soutien au PLR ne semble pas se profiler non plus. Quitte à laisser la gauche reprendre la majorité, car de toute façon, "ça ne peut pas être pire que maintenant", selon le député UDC.

ats/ant

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La chronologie de l'"affaire Hainard"

26 avril 2009 : brillante élection
Frédéric Hainard est élu au Conseil d’Etat neuchâtelois, terminant à la troisième position derrière Jean Studer et Gisèle Ory. Néophyte en politique, le jeune libéral-radical sera chargé du Département de l’économie.

4 mai 2010 : premières révélations
Le Matin publie un article évoquant ce qu'il nomme les "dérapages" de Frédéric Hainard. Ce dernier est notamment accusé de mener lui-même des enquêtes sur des citoyens (ce qui lui vaudra son surnom de "shérif") et de faire preuve d’intimidation durant les interrogatoires.

25 mai 2010 : CEP instituée
Le Conseil d’Etat décide d’instaurer une Commission d’enquête parlementaire (CEP) pour faire la lumière sur les agissements de Frédéric Hainard. Elle s’intéressera à plusieurs abus de pouvoir et aux circonstances du recrutement d'une amie du ministre en tant qu'inspectrice dans le Service cantonal de surveillance qui dépend du conseiller d’Etat. La CEP est chargée de remettre son rapport le 31 octobre 2010.

26 mai 2010 : prérogatives retirées
Une partie des prérogatives de Frédéric Hainard lui sont retirées afin de faciliter l’enquête.

28 mai 2010 : aveux sur vidéo
Dans la tourmente depuis des semaines, Frédéric Hainard tente de reprendre la main. Dans une vidéo publiée dans les médias, le ministre avoue entretenir une relation extra-conjugale avec une employée de son département. Il avait auparavant affirmé le contraire.

31 mai 2010 : soutien vacillant
Le soutien du PLR envers son conseiller d’Etat s’effrite. "Le comportement de Frédéric Hainard a fait l'objet d'une sévère mise au point", précise le parti.

25 juin 2010 : e-mails très embarrassants
Le gouvernement neuchâtelois confirme l’existence d’un échange d’e-mails très embarrassants. Frédéric Hainard a écrit au Service des ressources humaines de l'Etat en faveur de sa maîtresse pour demander qu'elle bénéficie d'une classe de salaire supérieure à celle prévue. Selon Le Temps, le Service aurait refusé, soulignant que l'intéressée avait déjà été engagée à un poste pour lequel elle n'avait pas les qualifications requises. Après ces révélations, le PS, les Verts et l’UDC exigent la démission de Frédéric Hainard.

19 août 2010 : une suspension
La maîtresse de Frédéric Hainard est suspendue de ses fonctions d’inspectrice au Service cantonal de surveillance.

20 août 2010 : premières conclusions
Les premières conclusions de la Commission d’enquête parlementaire sont transmises au Grand Conseil. Mais aucune information ne filtre sur la teneur du rapport.

23 août 2010 : démission
Frédéric Hainard annonce sa démission pour le 31 octobre.

cer