Mise en consultation d'un code pénal durci

Le Conseil fédéral veut que les peines soient plus lourdes pour les délits graves (archives).
Le Conseil fédéral veut que les peines soient plus lourdes pour les délits graves (archives).
L'auteur d'un homicide par négligence devrait pouvoir être puni autant qu'un meurtrier. Le Conseil fédéral a mis mercredi en consultation un projet d'harmonisation qui durcit le droit pénal en la matière. Il propose également de supprimer les jours-amende en cas d’actes d'ordre sexuel.

Dans son rapport explicatif, le Conseil fédéral révèle que l'auteur d'un homicide par négligence ou de lésions corporelles graves par négligence devrait encourir jusqu'à cinq ans de prison au lieu de trois. Cette peine maximale coïnciderait ainsi au minimum encouru en cas de meurtre. La condamnation d'un chauffard ne devrait ainsi guère varier selon que juge statue d'une négligence consciente ou d'un dol éventuel.

Les auteurs de lésions corporelles graves seront sanctionnés plus durement. Au lieu de 180 jours-amende, ils s'exposeront à plus de deux ans de prison. La mise en danger de la vie d'autrui sera passible d'au moins six mois de privation de liberté. Les cas de brigandage devraient envoyer leurs auteurs au moins un an derrière les barreaux.

Peines durcies

Les tribunaux seront également obligés de durcir la peine en cas d'actes sexuels collectifs. Et la sanction maximale sera augmentée pour la représentation de la violence et la pornographie si elles concernent des actes de violence effectifs ou des actes d'ordre sexuel avec des enfants.

L'avant-projet ne prévoit en revanche pas de peine minimale pour les abus sexuels commis sur des enfants. Vu qu'ils peuvent être de différente gravité, l'instauration d'un plancher inciterait les tribunaux à ne plus sanctionner que les atteintes graves ou de gravité moyenne, justifie le gouvernement. Pas de changement non plus pour la peine maximale, soit cinq ans de prison.

Les abus touchant à la liberté sexuelle et à l'honneur d'un enfant peuvent en effet être assimilés à la contrainte sexuelle, au viol ou aux actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Cela les rend passibles d'au moins quinze ans de détention.

Jours-amende supprimés

Les auteurs d'actes d'ordre sexuel avec des enfants ou d'autres actes d'ordre sexuel ne pourront plus s'en tirer en s'acquittant de jours-amende. "Pour des raisons de politique criminelle et de prévention", les juges ne pourront plus infliger que des peines privatives de liberté.

Le projet prévoit par ailleurs l'abrogation de différentes dispositions pénales. Mais cela ne sera que rarement synonyme d'impunité puisque d'autres articles resteront applicables dans la plupart des cas.

Un homicide par négligence devrait être puni autant qu'un meurtre, pour le CF [KEYSTONE - KARL MATHIS]
Un homicide par négligence devrait être puni autant qu'un meurtre, pour le CF [KEYSTONE - KARL MATHIS]

Selon le gouvernement, les juges ne tirent pas pleinement parti de la fourchette des sanctions. Entre 1984 et 2006, les peines prononcées à l'égard d'adultes ne se sont situées que très rarement dans la moitié supérieure de la fourchette.

Par ailleurs, le rapport explicatif relève que "l'opinion publique et les milieux politiques remettent principalement en question la quotité des peines en cas de délits contre la vie et l'intégrité corporelle, de délits d'ordre sexuel, de violence chez les jeunes et de délits commis par des groupes".

Distorsions à corriger

Toutes ces modifications concernent la partie spéciale du code pénal. C'est la première fois que celle-ci fait l'objet d'un examen global de sa cohérence. La révision de la partie générale entrée en vigueur le 1er janvier 2007 a entraîné un certain nombre de distorsions à corriger. Les milieux concernés pourront aussi se prononcer sur une modification de cette partie générale. Le Conseil fédéral l'a mise en consultation fin juin jusqu'au 30 octobre.

Il s'agit en particulier de réintroduire les courtes peines de prison et de supprimer le sursis pour les peines pécuniaires. La révision de la partie spéciale en tient compte. La fourchette des peines privatives de liberté va à nouveau de trois jours à 20 ans. Une peine pécuniaire ne peut pas être assortie d'un sursis. Seule une peine de prison d'au moins deux ans peut donner lieu à un sursis partiel.

La peine pécuniaire est limitée à 180 jours-amende. La loi fixe le montant minimal du jour-amende à 30 francs. Enfin, la peine pécuniaire ne doit plus être exécutée en priorité par rapport à la prison.

ats/ap/bkel

Publié Modifié

RoadCross salue l’harmonisation, mais maintient son initiative

La fondation RoadCross de défense des victimes de la route salue l'harmonisation des peines proposée par le Conseil fédéral, notamment pour ce qui est du rapprochement entre la négligence et le dol éventuel. Elle n'entend pas pour autant retirer son initiative.

"Cette révision n'a pas grand chose à voir avec notre initiative", a précisé à l'ATS la directrice de RoadCross Valesca Zaugg. "Nous demandons la création d'une définition du chauffard, du délit ainsi que des peines encourues, qu'il y ait ou non des morts ou des blessés", a-t-elle ajouté.

Selon les termes de l'initiative "Protection contre les chauffards", un conducteur devrait ainsi être punissable s'il se livre à une course, s'accommode des forts risques d'accident, ou commet un excès de vitesse particulièrement important.

Pour le professeur de droit pénal à l'Université de Lucerne Felix Bommer par contre, modifier les peines dans la partie spéciale du code pénal sans adapter également la partie générale est une "grave erreur".
"Il y a une cohérence entre les deux parties", a-t-il ajouté. Pour le spécialiste, cette harmonisation est de la "poudre aux yeux": ce ne sont pas les juges qui ont demandé des peines plus élevées, mais les politiciens, note-t-il.

Dans la pratique, on s'imagine difficilement un juge ayant des années d'expérience changer du jour au lendemain le niveau des peines qu'il inflige, conclut le Pr Bommer.