Un an et demi après la mise en place d'un groupe de travail permanent commun, la Police judiciaire fédérale (PJF), le Corps des gardes-frontière et les cantons ont tiré un premier bilan positif devant les médias mercredi à Aarau. La lutte contre le trafic de cocaïne s'est intensifiée et la Suisse est devenue moins attractive pour les trafiquants, ont-ils déclaré.
Saisies record
Rien qu'en 2009, les douanes et la police ont saisi au total 560 kilos de cocaïne, établissant ainsi un nouveau record. Les autorités ont décidé de concentrer leurs efforts sur les réseaux criminels africains - essentiellement nigérians - qui dominent le marché de la cocaïne en Suisse avec des groupes dominicains.
La plupart des personnes arrêtées sont des dealers venus du Nigéria, de Guinée ou de Sierra Leone. Il s'agit souvent de requérants d'asile. Des bandes venant des Balkans sont également actives en terres helvétiques, mais dans une moindre mesure.
Le groupe de travail de la PJF a jusqu'à présent soutenu et coordonné 70 procédures en Suisse et à l'étranger. Le projet se poursuit encore durant six mois au moins, a précisé Michael Perler, chef de la PJF. Douze cantons y participent: VD, NE, JU, BE, BS, BL, AG, SO, LU, SG, SH et TI.
Soleure en tête de file
Grâce à la collaboration entre cantons et Confédération, la police soleuroise a réussi à arrêter ces derniers mois douze dealers africains, a-t-elle annoncé. Onze sont nigérians et un est originaire de Côte d'Ivoire. 3,5 kilos de cocaïne et 36'000 francs ont été saisis au total. Dans plusieurs cas, le Ministère public soleurois a déjà inculpé les suspects, pour infractions contre la loi sur les stupéfiants ou blanchiment d'argent.
En octobre 2009, la police soleuroise a par exemple appris par la police zurichoise qu'un dealer transportait régulièrement de la cocaïne entre Amsterdam et Soleure. Le Nigérian et deux autres dealers compatriotes ont pu ainsi être arrêtés en novembre dans un appartement. L'homme transportait dans son tube digestif 1,6 kilos de cocaïne en portions de 10 grammes.
Les trois hommes auraient entrepris 15 autres livraisons de ce type entre août et novembre 2009. Quelque 20 kilos de cocaïne ont ainsi été importés dans le canton.
Une drogue populaire
Selon l'Office fédéral de la police (Fedpol), la cocaïne est la drogue illégale la plus consommée en Suisse après le cannabis. Son trafic est particulièrement lucratif.
Mais les trafiquants ont compris que la Suisse n'était plus un "terrain" aussi "propice" qu'autrefois, s'est réjoui Urs Winzenried, chef de la police criminelle argovienne. Et de constater que les prix de la cocaïne ont augmenté ces derniers temps, alors que sa qualité diminue.
ats/bkel
Le parcours de la "blanche", du Nigéria à la Suisse
Les réseaux africains de trafiquants de cocaïne ont de nombreuses ramifications et agissent de manière suprarégionale en Suisse. Ils réagissent rapidement à la pression de la police en modifiant leurs pratiques, comme de véritables entreprises.
Itinéraires, livreurs et canaux d'exploitation changent en permanence, constate Michael Perler, chef de la Police judiciaire fédérale. En cas de contrôles douaniers ou policiers renforcés, les réseaux chargent de simples citoyens discrets de l'Union européenne d'effectuer les courses.
La cocaïne est commandée au Nigéria depuis la Suisse. La poudre blanche est ensuite livrée vers l'Europe depuis l'Amérique du Sud. Une fois arrivée en Espagne ou aux Pays-Bas, la drogue y est alors répartie en petites quantités, puis transportée vers la Suisse.
Les "mules" avalent jusqu'à 1,3 kilos de cocaïne contenue dans des boulettes de 10 grammes environ. Après son arrivée en Suisse, la drogue est répartie entre plusieurs trafiquants. Au bas de l'échelle, des requérants d'asile, frappés d'expulsion pour la plupart, jouent le rôle de dealer.
Nigérians surtout, ils mettent à profit le temps qui leur reste jusqu'à leur départ pour gagner un maximum d'argent qu'ils envoient dans leur pays. Certains vivent aussi illégalement en Suisse ou sont mariés à une personne de nationalité helvétique