Le modèle de base du rapport sur l’armée transmis vendredi au Parlement par le Conseil fédéral prévoit 80'000 militaires: 22'000 serviraient pour la défense proprement dite, 35'000 seraient engagés dans les missions d'appui aux autorités civiles, 22'000 s'occuperaient des prestations dites "de base" et 1000 seraient affectés à des opérations à l'étranger.
Mot d’ordre: économiser
Le gouvernement a chargé le ministre de la Défense Ueli Maurer de mettre en évidence, d'ici un an, les possibilités d'économies permettant de respecter le plafond de 4,4 milliards. Parmi les pistes évoquées figure le renoncement au remplacement des avions de combat Tiger.
Autres possibilités d'économies: renoncement à un équipement complet et généralisé des formations prévues pour appuyer les autorités civiles, suppression de postes dans l'armée et l'administration, suppressions supplémentaires de sites et d'infrastructures, réduction de l'effectif de l'armée ou coupes dans la coopération internationale.
Les Sept sages ont par ailleurs décidé d'abandonner l'étude d'autres modèles d'armée. Ils estiment inadaptées une armée de métier, une armée composée exclusivement de militaires de milice en service long, une armée dont les cadres se composent intégralement de militaires contractuels ou professionnels, une armée de partisans et une armée incapable de se défendre contre une attaque militaire.
L'augmentation de la part des militaires en service long reste en revanche d'actualité. Cette formule aurait différents avantage dont l'accroissement de la disponibilité de l'armée ou la diminution de l'effectif de l'armée active. Mais le Conseil fédéral y voit aussi des inconvénients. Les premiers calculs n'indiquent notamment aucun effet d'économie significatif.
"Il faut s'attendre à des suppressions de postes"
Le plafond de coûts de 4,4 milliards de francs fixé vendredi par le Conseil fédéral représente le grand défi de l'armée, a estimé le ministre de la Défense Ueli Maurer. Cela correspond à l'enveloppe actuelle, mais en fait l'armée aurait besoin de 5,5 milliards.
"L'institution doit donc économiser 20 à 25%". Et le conseiller fédéral d'avertir: "il faut s'attendre à de nombreuses suppressions de postes au Département et dans l'armée". Certains sites devront être fermés et des systèmes d'armement abandonnés. Il faudra notamment des coupes dans l'entretien, des réductions du nombre de jours de service, de nouveaux modèles de prestation de service et un réexamen du service de base.
La réduction du nombre de jours de service passe par des écoles de recrue plus courtes ou moins de cours de répétition. Il est tout à fait possible que le système soit différencié selon les corps de l'armée et pour s'adapter aux besoins des autorités civiles, a précisé André Blattmann, commandant de corps de l'armée. Selon lui, il n'y a aucune raison de supprimer une arme, mais le nombre de bataillons pourrait être réduit.
André Blattmann réjoui
Le Conseil fédéral tient au remplacement des avions Tigers et a chargé le Département fédéral des finances d'étudier un financement possible d'ici à fin 2011, a rappelé Ueli Maurer. De grandes acquisitions devraient pouvoir bénéficier d'un financement extraordinaire, mais selon le conseiller fédéral, le programme d'armement devra sûrement assumer une partie des coûts, ce qui nécessite des économies.
Une armée de 80'000 personnes est petite, mais au moins la situation est claire, s'est réjoui André Blattmann. L'avenir de l'armée peut enfin être discuté sur des bases communes, c'est la première fois que le mandat à long terme de l'armée est défini si clairement. Des pistes d'économies seront étudiées, mais c'est la politique qui décidera en dernier ressort.
Une large discussion est désormais lancée, selon les souhaits d'Ueli Maurer. Le Parlement pourra empoigner le rapport dès la session d'hiver. Le Conseil fédéral lui remettra fin 2012 une révision de la loi pour concrétiser la réforme. Celle-ci pourrait entrer en vigueur dès 2015.
ats/bk
Réactions au rapport contrastées
Le rapport sur l'armée publié vendredi est bien accueilli par le PDC, le PBD, le PS, malgré quelques critiques. Le PLR est mitigé, alors que l'UDC et l'ASIN tirent à boulets rouges sur ce document, dont les Verts et le Groupe pour une Suisse sans armée se disent déçus.
La critique la plus virulente émane de l'UDC. La réduction des effectifs et la hausse massive du nombre d'hommes en service long minent le principe de la milice et l'obligation générale de servir. Le doublement des engagements internationaux est tout aussi inacceptable pour le parti, qui combattra donc le rapport et les révisions de loi qu'il suppose.
Le PDC voit ses principales revendications concrétisées dans ce rapport. La réduction des effectifs à 80'000 hommes et le plafond budgétaire sont exactement dans la ligne du papier du PDC sur l'armée, a dit son secrétaire général Tim Frey. Un gros point d'interrogation subsiste sur les effets des réductions dans les régions périphériques.
Président du PBD, le conseiller national Hans Grunder (BE) s'est dit soulagé que le rapport soit enfin publié. Le fait qu'il ait été si laborieux à réaliser est un peu un aveu d'impuissance pour le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), estime-t-il. Compte tenu de la situation financière, le rapport va dans la bonne direction, analyse Hans Grunder.
Le PS se réjouit de l'augmentation du nombre de militaires en service long, a dit la conseillère nationale Evi Allemann (BE), membre de la commission de sécurité. Le parti déplore en revanche que 35'000 personnes, soit une part importante de l'armée, puissent être engagées dans le pays. L'armée ne doit pas devenir une police d'appoint.
Quant au PLR, il se dit d'une part satisfait que le gouvernement ait tiré un coup de semonce contre le ministre de la Défense Ueli Maurer et ses projets. Mais l'exécutif empoigne le problème par le mauvais bout, selon le porte-parole Philippe Miauton. Au lieu de commencer par établir un budget, il aurait fallu définir la mission de l'armée.
Denis Froidevaux, vice-président de la Société suisse des officiers, trouve le rapport inquiétant pour l'avenir de l'armée mais logique par rapport aux objectifs du Conseil fédéral de décembre 2008. Reste à voir comment les politiciens concrétiseront ces objectifs.
Pour les Verts, le plus grand point faible du rapport réside dans le maintien du service militaire obligatoire, alors qu'un tiers déjà des conscrits potentiels ne font pas de service, a dit le conseiller national Jo Lang (ZG). Les écologistes critiquent aussi la "militarisation" de la sécurité intérieure.
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) reproche aussi au Conseil fédéral d'avoir maintenu le concept du service militaire obligatoire, alors que son initiative populaire pour le supprimer suscite actuellement un grand intérêt dans la population.
Directeur de l'Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), le conseiller national Hans Fehr (UDC/ZH) a lui aussi exprimé sa vive opposition.