Anne-Lise Grobéty s'est éteinte mardi, quasiment un an après un autre auteur romand majeur, Jacques Chessex, mort le 9 octobre 2009. La nouvelle du décès de la Neuchâteloise n'était connue mercredi que de son entourage proche, annonce L'Express-L'Impartial jeudi.
Considérée comme l'une des auteures les plus importantes de Suisse romande et connue pour ses réflexions sur la condition de la femme, l'auteure a reçu de nombreux prix littéraires en Suisse et à Paris. Elle obtenu en l'an 2000 le Grand Prix Charles-Ferdinand Ramuz pour l'ensemble de son œuvre.
"C'était une grande dame de la littérature romande", a dit jeudi à l'ATS son éditeur Bernard Campiche, qui s'apprête à publier en poche son premier roman. "Ce week-end, je lui avais envoyé des mails restés sans réponse. J'étais très inquiet". Pour Bernard Campiche, elle avait "un peu pris la place de Corinna Bille, qu'elle avait d'ailleurs connue".
Un premier prix à 19 ans
L'écrivaine est née le 21 décembre 1949 à La Chaux-de-Fonds, où elle a vécu jusqu’à l’âge de 18 ans. Son premier roman, Pour mourir en février, lui a valu le Prix Georges-Nicole en 1969. Mais malgré ce succès, la jeune femme se lance dans le journalisme après avoir mis fin prématurément à ses études à la Faculté des Lettres de Neuchâtel.
"J'ai abandonné l'Uni parce que j'avais l'impression d'être à côté de la vie", confiait-elle à L'Express en 2000. Et c'est justement dans ce journal, alors nommé La Feuille d'Avis de Neuchâtel, qu'Anne-Lise Grobéty a réalisé son stage de journalisme.
Ecrivaine et politicienne
La Chaux-de-Fonnière se relancera un peu plus tard dans l'écriture, avec un roman ("Zéro positif", 1975, Prix Schiller) et des poésies ("Maternances", 1979). Avec "Le Temps des mots à voix basse" (2001), elle a fait une incursion remarquée dans le domaine de la littérature de jeunesse tout en abordant l’Histoire, celle de la Deuxième Guerre mondiale et de l'extermination des Juifs. En 2006, elle renoue avec le roman avec "La Corde de mi", l'un des romans les plus importants de ces dernières années en Suisse romande, selon Bernard Campiche.
Son travail d'écriture a été légèrement freiné par ses autres activités: la Neuchâteloise est mère de trois filles et s'est engagée en politique en 1973. Elle a été députée socialiste au Grand Conseil neuchâtelois pendant neuf ans.
"Elle a eu trois vies: une vie de femme, une vie de mère et une vie d'écrivaine. Elle laissait parfois passer huit à dix ans entre ses livres. Prise par ses autres activités, elle mettait un peu l'écriture en réserve", a expliqué Bernard Campiche à l'ATS.
Entre Neuchâtel et Evolène
Ces dernières années, Anne-Lise Grobéty partageait son temps entre son travail au département des manuscrits de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel, sa vie à La Chaux-du-Milieu et sa retraite d'Evolène, dans le val d'Hérens, indique le quotidien neuchâtelois.
Elle travaillait sur un roman intitulé "Des nouvelles de la Mort et de ses petits: Mémoires intestines d’Islo Pers", peut-on lire sur le site Culturactif.
Interrogée sur la mort dans 24 heures en juin 2008, Anne-Lise Grobéty avait déclaré: "Notre seule certitude. Il est bon que la mort existe, elle nous oblige à donner une orientation à notre vie, à nous faire naître à chaque pas."
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Extraits
"Aujourd'hui 17 février, je voudrais tomber avec la neige, me coucher sur la route et rester là, y fondre, disparaître, froide et insoluble, confondue avec l'asphalte..." ("Pour mourir en février").
"C'est dans la pénombre, dans le chuchotement des siècles, dehors tout avril flamboie de la terre aux couronnes de feuillage, Mongarçon croit avancer alors qu'il perd pied, les dalles s'enfoncent tant il est amoindri par la beauté de la voix." ("La Corde de mi").
Ses écrits principaux
ROMANS
Pour mourir en février, 1970 (réédité deux fois et traduit en allemand et en italien)
Zéro positif,1975 (réédité et traduit en allemand)
Infiniment plus, 1989 (réédité et traduit en allemand)
La Corde de mi, 2006 (réédité)
RECITS ET NOUVELLES
La Fiancée d’hiver, 1984 (réédité trois fois et traduit en allemand)
Contes-gouttes, 1986 (réédité)
Jours et contre-jours, 1990
Belle Dame qui mord, Yvonand, 1992 (réédité)
Défense d’entrer, 1996.
Amour mode majeur, 2003.
Jusqu’à pareil éclat, 2007.
L’Abat-jour, 2008.