C'est dans une atmosphère tendue et émotionnelle que les députés ont eu à se prononcer sur la question du voile, étant entendu qu'il s'agissait bien du voile couvrant les cheveux et non d'un voile intégral masquant le visage. Ce dernier n'est déjà pas admis dans les écoles fribourgeoises.
"Quel que soit le sort que vous réserverez à ma motion, le débat ne fait que commencer", a lancé Erika Schnyder. Selon cette dernière, il est bon que l'Etat veille à la liberté de conscience et de culte, mais pas à n'importe quel prix et en particulier pas à celui de la discrimination de la femme. "Le voile n'a pas sa place à l'école", a-t-elle affirmé avec vigueur et une certaine solennité. Provoquant ainsi quelques applaudissements vite réprimés sur les bancs de l'UDC.
"Dignité et égalité"
C'est effectivement dans cette formation que sa motion a reçu le soutien le plus clair; à une exception près, le groupe devait voter en bloc la motion, suivi par quelques très rares radicaux-libéraux et socialistes, et un PDC. Par 70 voix contre 24 et deux abstentions, le Grand Conseil a suivi le Conseil d'Etat qui recommandait le rejet de la motion Schnyder.
Parmi les partisans de l'interdiction du voile, plusieurs ont souligné qu'ils ne se battaient pas au nom de la laïcité mais de la dignité humaine. "L'égalité est-elle réservée aux seules femmes suisses", a dit Christian Ducotterd (PDC).
D'autres ont stigmatisé l'adaptation de l'école aux demandes issues de milieux très minoritaires et radicaux. "Vous le faites pour avoir la paix, vous n'aurez ni la paix ni la cohérence", a dit Stéphane Peiry (UDC). Ce dernier a rappelé que les crucifix étaient interdits dans les classes et qu'un collège à Bulle (FR) a banni les T-shirts à croix suisse.
"Pas un problème majeur"
Avec l'élection de Joseph Deiss à la tête de l'assemblée générale de l'ONU et sa récente réception dans le canton, Fribourg a montré son ouverture au monde, a rappelé André Ackermann (PDC). Selon lui, la motion Schnyder montre un "visage frileux, voire craintif" d'un canton faisant le hérisson.
Il a souligné comme d'autres que les chiffres prouvent que le voile n'est pas un problème majeur pour l'école. Seules une dizaine le porte à l'école obligatoire sur 40'000 élèves et également une dizaine sur les 5000 jeunes que comptent les collèges.
"Voulons-nous vraiment d'un espace public aseptisé?", a demandé le démocrate-chrétien. Une telle interdiction va placer ces enfants dans un grave conflit de loyauté, a argumenté de son côté Benoît Rey de l'Alliance centre gauche.
ats/cab
La position du Conseil d'Etat
"Gardons ces enfants avec nous dans l'école publique", a plaidé la conseillère d'Etat Isabelle Chassot.
Elle a réaffirmé la règle de base de l'école fribourgeoise: tous les enfants suivent tous les cours et toutes les activités.
Quelques exceptions peuvent être tolérées pour autant qu'elles ne contrecarrent pas la mission de l'école qui est d'éduquer, de former et d'intégrer.
Isabelle Chassot s'est également élevée contre certains amalgames faits en cours de débat. Les musulmanes ne sont pas toutes étrangères.
L'Etat n'a pas à défendre la laïcité de l'école mais la neutralité confessionnelle de celle-ci. En clair: la religion a sa place dans la sphère publique mais doit éviter tout prosélytisme.