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Criminels étrangers: le droit actuel suffit

L'UDC est à l'origine de l'initiative soumise au vote le 28 novembre. [keystone]
L'UDC est à l'origine de l'initiative soumise au vote le 28 novembre. - [keystone]
Pour la Commission fédérale pour les questions de migration, le nombre de délinquants étrangers renvoyés ces dernières années est sous-estimé et une hausse des renvois se dessine. L'initiative et le contre-projet soumis au peuple le 28 novembre sont donc inutiles.

Au moins 750 étrangers délinquants ont été renvoyés l'an dernier et 650 ont connu le même sort en 2008, selon une enquête réalisée auprès de 20 cantons, qui sont compétents pour décider si un ressortissant étranger condamné en Suisse doit quitter le pays.

Ces chiffres concernent des personnes ayant le droit de séjourner en Suisse, mais la grande majorité des expulsions prononcées - plusieurs milliers par année - touche cependant des requérants d'asile dont la demande a été rejetée et des personnes qui ne sont pas domiciliées en Suisse, a indiqué jeudi à Berne le président de la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM), l'ancien conseiller d'Etat neuchâtelois Francis Matthey.

Ces chiffres contrastent pourtant avec ceux de la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf. En présentant le contre-projet à l'initiative de l'UDC pour le renvoi des criminels étrangers, la ministre de justice et police évoquait 400 expulsions en moyenne par an, à l'instar de l'Association des services cantonaux de migration (ASM).

L'initiative a créé la polémique. Ici, la réaction des jeunes socialistes. [KEYSTONE - SANDRO CAMPARDO]
L'initiative a créé la polémique. Ici, la réaction des jeunes socialistes. [KEYSTONE - SANDRO CAMPARDO]

Pas de statistiques fiables

"Il n'existe pas de statistiques fiables sur le nombre de délinquants étrangers renvoyés", a relevé Elisabeth Steiner, cheffe suppléante de la CFM. De nombreuses données manquent. Les statistiques nationales sur la criminalité ne fournissent pas d'informations sur le statut en matière de séjour. Et les chiffres sur les expulsions ne font pas la distinction entre délinquants renvoyés et requérants d'asile déboutés.

Les chiffres de la Commission fédérale pour les questions de migration sont issus d'une étude commandée au Forum suisse pour l'étude des migrations et de la population (SFM) et au Centre de droit des migrations de l'Université de Neuchâtel (UNINE).

"Climat politique"

Le climat politique influence la hausse des renvois constatée ces deux dernières années, selon Christin Achermann, de l'UNINE. Par ailleurs, une tendance à l'augmentation des renvois se dessinait déjà depuis 2004. La CFM voit là une confirmation de l'appréciation qu'elle a émise en 2008, selon laquelle les dispositions légales actuellement en vigueur sont suffisantes pour pouvoir renvoyer des étrangers criminels.

En cas de délits graves, notamment de crimes violents ou de trafic de stupéfiants en kilos, presque tous les étrangers sont renvoyés, indépendamment de leur provenance ou statut. Si le délit est moins grave, l'appréciation des cas diffère d'un canton à l'autre. Mais il apparaît que la pratique des cantons a tendance à s'harmoniser pour des raisons de jurisprudence nationale et internationale et surtout aussi à cause des débats politiques de ces dernières années.

ap/ats/cem

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Problèmes d'application

Francis Matthey, président de la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM), a souligné que le rapport montre par ailleurs clairement qu'une acceptation de l'initiative provoquerait des difficultés avec l'Union européenne.

En effet, les clauses de l'accord de libre circulation ne permettent un renvoi qu'en cas de menace actuelle et grave à la sécurité et à l'ordre publics. Une disposition constitutionnelle exigeant aussi le renvoi d'une personne ayant commis un délit moins grave n'est pas conciliable avec l'accord.

Selon la législation actuellement en vigueur, les autorités compétentes examinent dans chaque cas les intérêts en jeu: l'intérêt pour le pays à un renvoi ou l'intérêt de la personne concernée à rester en Suisse. Par exemple, un étranger de la deuxième génération qui a grandi en Suisse aura, dans la plupart des cantons, une seconde chance si son acte délictueux n'est pas jugé grave.

En vertu de l'automatisme que voudrait instaurer l'initiative, cette personne devrait être renvoyée au même titre que l'étranger entré en Suisse dans le seul but d'y commettre un délit. La CFM considère dès lors qu'il n'est pas justifié de renoncer à l'appréciation des intérêts en jeu.