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La police neuchâteloise sous enquête

Le conseiller d'Etat Frédéric Hainard aurait lui-même participé à des opérations de cette "brigade spéciale".
Le conseiller d'Etat Frédéric Hainard aurait lui-même participé à des opérations de cette "brigade spéciale".
Soupçonnée d’avoir collaboré avec une "brigade parallèle" conduite par Frédéric Hainard sans en référer à la hiérarchie, la police cantonale fait l’objet d’une enquête administrative demandée par Jean Studer, révèle la TSR dimanche.

Alors que Frédéric Hainard quitte officiellement le Conseil d’Etat dimanche à minuit, l’affaire qui a entraîné sa chute connaît un nouveau rebondissement. La TSR est en mesure de révéler qu’une enquête administrative, dont seul le Conseil d’Etat et la commission d’enquête parlementaire avaient connaissance, a été requise par Jean Studer.

Cette enquête, indépendante de celle menée par la commission d’enquête parlementaire (CEP) et confiée au juge genevois François Paychère au début de l’été, devait rester confidentielle. Elle porte sur les agissements de gendarmes qui auraient œuvré aux côtés d’une véritable "police parallèle". C’est ainsi que plusieurs sources appellent le Service cantonal de surveillance et des relations au travail (SSRT), conduit de facto par Frédéric Hainard.

Des pratiques troublantes

Le SSRT, placé sous la tutelle du Département de l’économie du ministre démissionnaire, est censé débusquer le travail au noir ou encore veiller à l’application de la loi sur la prostitution. Or, les collaborateurs de ce service, qui ne sont pas des policiers, vont et viennent dans les locaux de la police comme chez eux. Mieux: ils mobilisent des patrouilles de police et accèdent à des données de citoyens à leur guise, au mépris des règlements, de la protection des données et de la hiérarchie.

Jean Studer relativise: "En l’état de mes connaissances, je n’ai pas d’éléments qui me permettent de croire qu’il y avait une police parallèle. Je ne connais qu’une police, c’est la police cantonale. Peut-être que l’enquête apportera des éléments à ce sujet, mais je l’ignore pour l’instant".

Il n’en reste pas moins que, selon plusieurs sources, une brigade conduite par Frédéric Hainard aurait agi en toute impunité et à l’insu de la hiérarchie policière. La TSR a eu accès au témoignage devant la commission d’enquête parlementaire du commandant de la police cantonale. André Duvillard est troublé: "Tout le monde parle de la super-police du commerce ou de l’économie. Dernièrement j’ai demandé qui est agent de police judiciaire au sein du SSRT. (…) Je crois qu’ils n’ont jamais été assermentés."

Hainard et son "fan's club"

Le 12 février, par exemple, une opération révélée au printemps par Le Matin aurait mobilisé pas moins de trois collaborateurs du SSRT et quatre gendarmes, en présence de Frédéric Hainard. Face à la CEP, André Duvillard a dit avoir interrogé plusieurs subordonnés sur ce qui s’est passé. "De toute évidence un certain nombre de collaborateurs ont été frappés d’une amnésie complète et totale, ce qui m’inquiète. (…) Il n’y a aucune trace écrite ou électronique. (…) On laisse des traces chez nous pour des choses bien moins importantes que cela. (…) On nage là en plein délire."

Le conseiller d’Etat Hainard aurait participé à une dizaine d’opérations. Lui-même ancien policier, il aurait un véritable "fan’s club" parmi les gendarmes, qui n’ont donc pas manifesté d’opposition. Et pourtant, le commandant Duvillard dresse un constat alarmant:  "Nous avons un cadre qui est beaucoup trop flottant. (…) Pour les réquisitions de la police cantonale, on est en totale violation de la loi".

Une police hors de contrôle

La hiérarchie aurait-elle perdu le contrôle d’une partie des forces de l’ordre? Jean Studer refuse de commenter le témoignage du commandant. Il admet toutefois que c’est bien cette éventuelle perte de contrôle qui l’a conduit à ouvrir une enquête: "On a eu connaissance d’un certain nombre de collaborations entre police et SSRT, sans que l’on puisse immédiatement cadrer cette collaboration, et sans que l’on n’aie de compte-rendu au sujet de celle-ci. Ce sont ces lacunes qui nous ont amené à nous demander comment les choses se sont passées, comment les choses nous ont été rapportées ou non."

Les conclusions de l’enquête du juge Paychère sont attendues pour ces prochaines semaines. Elles pourraient déboucher sur un tour de vis, voire sur une réorganisation des procédures au sein de la police.

Ron Hochuli

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