Le Code pénal suisse réprime formellement l'accomplissement du dernier geste envers une personne souffrant d'une maladie incurable qui demande une assistance au suicide.
Dans le cas examiné par le tribunal, la patiente était paralysée au point de ne pouvoir passer elle-même à l'acte. L'accusée a ouvert le dispositif de perfusion létale après avoir reçu le signal convenu - un mouvement du pied - qui était le seul possible pour la patiente.
Le médecin venu constater le décès a dénoncé au Ministère public les conditions dans lesquelles s'est déroulée la procédure d'assistance au suicide.
Situation exceptionnelle
Membre du comité d'Exit, l'ancienne médecin cantonale a déclaré au tribunal qu'elle avait été prise de court devant l'impossibilité de faire exécuter le geste fatal. Elle a actionné le dispositif après s'être assurée de la conviction de cette dernière, qui a prononcé les mots "c'est maintenant" en faisant le signal convenu.
La prévenue a souligné le désir de mourir exprimé sans équivoque par la patiente. Elle a rappelé le caractère incurable de la sclérose latérale amniotrophique dont elle souffrait. Il aurait été indécent de tergiverser et remettre en cause devant elle une décision à laquelle elle n'a jamais renoncé.
Appel à la dépénalisation
De leur côté, les avocats de la prévenue ont rappelé la révision du Code pénal à l'ordre du jour en Suisse pour décriminaliser l'assistance au suicide. Ils ont souligné l'écart entre les situations réelles et les distinctions juridiques dépassées entre procédures actives ou passives, directes ou indirectes.
Les professionnels des soins intensifs, tout comme les demandeurs d'assistance et leurs proches, auraient à répondre régulièrement de leurs actes devant les tribunaux si le Code pénal était appliqué à la lettre, ont encore déclaré les mandataires de la prévenue. Ils ont par conséquent demandé l'acquittement de leur cliente.
Pas de réquisitoire
Le Ministère public n'a pas participé à l'audience et s'est abstenu de tout réquisitoire. La défense s'est étonnée du refus du procureur de classer l'affaire malgré son peu d'empressement à soutenir l'accusation.
Auparavant, le Ministère public avait proposé à l'accusée une condamnation par voie d'ordonnance pénale à une peine de 45 jours-amende avec sursis. La prévenue ayant refusé pareille procédure, l'autorité judiciaire a été contrainte de porter l'affaire devant le tribunal.
ats/lan
Une réforme urgente
Plusieurs médecins et responsables d'Exit ont assisté à l'audience du tribunal correctionnel. Un neurologue cité comme témoin a mentionné le consensus médical pour ne pas encourager les moyens de survie et considérer surtout la détermination du patient en situation de sclérose latérale amniotrophique.
Le pronostic vital est de deux à quatre ans dans le cas de cette maladie incurable, où le patient conserve sa lucidité mais devient totalement enfermé en lui-même par suite de perte de sa motricité et de sa possibilité de s'exprimer. La mort constitue la seule échappatoire à ce cauchemar, a indiqué à ce sujet l'accusée.
Ce genre de débat ne devrait plus avoir lieu devant les tribunaux, a indiqué pour sa part à l'ATS le docteur Jérôme Sobel, président d'Exit, qui a assisté à l'audience du procès. Il a insisté sur l'urgence d'une réforme du Code pénal accordant à la personne le droit de mourir dans la dignité.