Président ad interim du Syndicat de la police jurassienne, Antonio Dominguez a confirmé samedi à l'ATS l'existence d'un tel fichier, révélé par "L'Impartial" et repris par le "Journal du Jura" et "L'Express".
Précisant que le syndicat n'est en aucun cas à l'origine de l'information, il a dit sa surprise. "Nous n'avons pas à contrôler la légalité d'un outil de travail que nos chefs mettent à notre disposition. On fait ce qu'on nous demande", a ajouté le président du syndicat.
La procureure générale du canton du Jura, Geneviève Bugnon aussi confirmé à l'ATS l'existence de ce fichier. Le ministère public l'a appris dans le cadre de l'instruction pour abus d'autorité ouverte fin août contre Henri-Joseph Theubet (lire encadré).
Démarche illégale?
"Précédemment on ne le savait pas". L'instruction ne se focalise pas sur ce fichier mais devra examiner s'il est légal ou non de donner des avertissements, a expliqué la procureure.
"Il s'agira aussi de déterminer si la loi autorise la police à donner des avertissements dans certains cas peu importants. La magistrate souligne qu'il est nécessaire d'améliorer les relations entre le ministère public et la police.
De son côté, le porte-parole du Gouvernement jurassien Pierre-Alain Berret a dit samedi ne pas être au courant d'un tel fichier. Tout comme le ministre de la police Charles Juillard à la Radio Fréquence Jura. Quant à l'officier de police responsable et au juge d'instruction, Jean Crevoisier, ils ont invoqué le secret de l'enquête pour ne pas répondre aux questions de l'ATS.
Les automobilistes ainsi fichés ont tout au plus reçu un avertissement après une infraction mineure à la loi sur la circulation routière. Or la LCR ne prévoit pas d'avertissement. Une mesure sans caractère légal ne peut dès lors donner lieu à un enregistrement, a expliqué Jean Moritz, président de la commission cantonale de la protection des données.
Celui-ci a également appris l'affaire par les médias samedi. Selon lui, un fichage ne serait possible que si la notion d'avertissement dispose quand même d'une base légale, par exemple sous la forme d'une directive de la Confédération. Mais de toute façon sa commission aurait dû en être nantie, de même que chacune des personnes enregistrées, ce qui n'a pas été le cas.
Admonestations verbales répertoriées
Dans les médias qui ont révélé l'affaire, on donne comme exemple un automobiliste qui se fait pincer sans ceinture de sécurité. L'agent lui dit que c'est bon pour cette fois et le laisse aller. Ce qui ne pose pas de problème. Mais une fois de retour au poste et afin de justifier son emploi du temps, le policier est obligé d'établir une fiche avec tous les détails sur l'infraction non dénoncée.
Quand un policier est d'avis qu'un avertissement suffit, il doit appeler la centrale qui, sur la base du fichier, peut lui dire si l'automobiliste a déjà été averti. L'avertissement se transforme alors en dénonciation. Si le policier omet d'appeler la centrale, l'automobiliste peut se retrouver avec plusieurs avertissements. Dans un tel cas, une surveillance toute particulière serait exercée sur lui.
Des policiers se sont opposés en vain à la méthode de leur chef. Celle-ci détaille les amendes d'ordre en trois couleurs, alors que la loi fédérale ne prévoit aucun échelonnement. Le rouge pour "une dénonciation", le bleu "selon entente d'après les circonstances" et le vert pour "un avertissement".
ats/os
Un chef de la police plongé dans la tourmente
Cette nouvelle affaire impliquant la police jurassienne et en particulier son commandant, Henri-Joseph Theubet, intervient entre les deux tours des élections au Gouvernement.
Ce dernier a suspendu de ses fonctions le chef de la police, fin août, avec effet immédiat, après l'ouverture d'une instruction pour abus d'autorité par le Ministère public.
La suspension est prononcée jusqu'à la fin de l'enquête en cours contre le commandant de la police. Agé de 50 ans, celui-ci était en arrêt maladie pour une période indéterminée au moment de cette décision.
Cette enquête secoue le canton du Jura depuis l'été, et divise même le corps de police entre partisans et détracteurs de Henri-Joseph Theubet.
Elle a éclaté après de graves accusations d'abus de pouvoir et de mobbing lancées par l'ancien procureur Arthur Hublard.