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Drame de l’A1: témoignages des policiers impliqués

Une des voitures a pu prendre la fuite et reste recherchée.
La tragédie s'est déroulée dans le tunnel de Sévaz (FR) durant la nuit du 17 au 18 avril 2010.
Au mois d’avril, un policier vaudois tirait sur une voiture volée, sur l’autoroute A1, provoquant la mort de Sébastien, 18 ans. Alors que l’enquête judiciaire touche à sa fin, la TSR a eu accès aux procès verbaux d’audition. Le témoignage des deux agents impliqués en dit long sur le déroulement des faits.

Légitime défense ou pas? Il appartiendra à la justice de trancher. Le procès aura lieu en 2011. Il se penchera sur les décisions prises dans la nuit du 17 au 18 avril par deux policiers vaudois. Pour rappel, cette-nuit là, les agents ont dressé un barrage dans le tunnel de Sévaz (FR), entre Morat et Yverdon.

A l’approche du véhicule volé, l’un d’eux a tiré sept coups de feu. Sébastien, 18 ans, qui occupait le siège passager, a été tué. La TSR a soumis les procès verbaux d’audition des agents vaudois impliqués à d’autres policiers et spécialistes de la sécurité. Ces observateurs le confirment: certains choix des deux policiers sont contraires aux procédures habituelles.

Pourquoi un barrage dans un tunnel?

Les standards policiers laissent une certaine marge de manœuvre.  En l’occurrence, le lieu: un tunnel a l’avantage de ne pas offrir de possibilité de contournement. C’est le coéquipier de Bruno* qui décide d’installer un barrage, avant la sortie d’Estavayer, pour éviter tout risque de fuite.

De plus, "le lieu est illuminé ce qui est important pour notre visibilité et notre sécurité", a souligne-t-il face aux enquêteurs. Néanmoins, un barrage dans un tunnel présente un danger majeur, reconnaît Bruno: "L’inconvénient (…), c’est qu’on n’avait pas de voie échappatoire"

Placé pour tirer?

Les policiers que nous avons interrogés le confirment: l’arme ne doit être utilisée qu'en dernier recours. Il existe un principe de base: minimiser les risques. Ainsi, en cas de danger supposé lors de l’installation d’un barrage, il faudrait, si possible, se mettre à couvert, en attendant que la voiture à intercepter franchisse la herse et ralentisse sa course.

Or, cette nuit-là, lorsque la voiture volée est entrée dans le tunnel, Bruno, muni d’une mitraillette, s’est décalé vers le centre de la route. Une position qui, selon ses propres dires, lui permettait de "bénéficier d’une bonne visibilité et d’une meilleure ligne de tir". La règle veut pourtant que l’on fasse tout pour éviter d’engager son arme.

Une cible problématique

C’est un principe largement répandu, guidé par la jurisprudence du Tribunal fédéral: ne pas tirer sur un véhicule en mouvement. Il est en effet impossible de viser de façon précise, le risque de blesser ou de tuer un occupant est trop élevé et, enfin, si le conducteur est touché, la voiture, incontrôlable, devient dangereuse pour les agents eux-mêmes.

Bruno a tiré sept coups de feu en une seconde et demie, selon le rapport balistique. C’est le premier tir, à environ 40 mètres de la voiture volée, qui a été fatal. Face aux enquêteurs, Bruno a justifié son geste: "Le fait de ne rien faire et de laisser le véhicule nous percuter à haute vitesse comportait plus de risques. (…) Dans mon optique, il s’agissait de jeunes de la banlieue prêts à tout, même à percuter des véhicules de police (…)."

Stress extrême

Les deux policiers ont vécu une situation de stress extrême. "Selon moi, nous avons eu une minute trente pour mettre en place le dispositif", témoigne le coéquipier de Bruno.  Et de renchérir: "Je sentais un danger de mort."

Reste un traumatisme que Bruno n’a pas caché aux enquêteurs: "Je suis effondré par l’issue tragique qui ne correspondait nullement à mon but. (… ) Je suis atterré par le résultat de ma décision. Je transmets mes sincères condoléances à la famille."

Après le drame, son arme lui a été retirée, et il a été assigné à des tâches administratives. Son avocat, qui a refusé de s’exprimer, va plaider la légitime défense.

*prénom fictif

Gilles Clémençon, Ron Hochuli

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