Arrivés à l'aéroport de Zurich en fin de matinée, Abdullah Gül et son épouse Hayrünissa, y ont reçu les honneurs militaires avant de se rendre à Berne par le rail, dans un convoi spécial. Dans la capitale fédérale, placée sous sécurité maximale, c'est sous la bonne garde de dizaines de policiers que le couple présidentiel turc a été solennellement accueilli par le Conseil fédéral in corpore.
"La visite d'un chef d'Etat turc en Suisse est une première", s'est réjouie la présidente de la Confédération, saluant les plus de 80 ans de relations diplomatiques entre la Suisse et la Turquie" dans une allocution au Palais fédéral. "Malgré les apparences, nos pays ont de multiples points communs, en matière de politique étrangère notamment, comme redéfinir leur rôle dans des contextes en pleine mutation", a relevé Doris Leuthard.
"Ne reculer devant aucun effort"
Dans ce domaine, la suspension de la ratification de l'accord historique signé à Zurich l'an dernier entre la Turquie et l'Arménie, sous médiation suisse et américaine, afin de rétablir leurs relations diplomatiques a été évoqué. Ankara lie cette étape à la résolution du conflit du Nagorny-Karabakh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ce que rejette Erevan (lire encadré).
"La Suisse est persuadée qu'il ne faut reculer devant aucun effort pour poursuivre sur la voie du dialogue et de la coopération", a affirmé Doris Leuthard. Abdullah Gül a salué les efforts de la Suisse pour la normalisation des relations avec Erevan. Plus globalement, il a présenté la Suisse comme source d'inspiration. "Nous poursuivons les efforts pour la consolidation de la paix et la stabilité", a-t-il aussi déclaré.
Le président turc a en outre déclaré qu'il fallait absolument "parvenir à la stabilité dans la région du Caucase". Pour y parvenir, "la Turquie accepte les contributions de tous les pays qui veulent trouver une solution", a-t-il assuré, n'écartant ainsi pas la possibilité de faire recours à une nouvelle médiation suisse.
"Des progrès pour s'intégrer"
Lors de leurs entretiens, les deux chefs d’Etat ont également évoqué la candidature de la Turquie à une adhésion à l'Union européenne (UE). "Nous sommes deux pays proches de l'UE et qui aimerions faire des progrès en matière d'intégration", a estimé la présidente.
La Suisse et la Turquie se sont en outre entendues pour renforcer leur coopération au sein des instances internationales afin de faire face aux grands défis actuels, tels que le terrorisme, les migrations ou la crise économique mondiale.
Les deux présidents ont par ailleurs mis en avant les liens culturels étroits entre la Turquie et la Suisse, en raison notamment de la forte communauté turque établie sur sol helvétique, qui compte près de 120'000 membres.
"La Suisse est un pays multiculturel, où l'on peut s'intégrer, c'est une richesse", a estimé Abdullah Gül. Concernant l'initiative anti-minarets qu'il avait qualifiée de "honte" l'an dernier, le président turc a déclaré qu'il regrettait tout simplement "qu'il n'y ait pas eu assez de confiance entre les communautés. "Ce n'est qu'un symbole architectural, qui ne devrait pas faire peur", a-t-il ajouté.
agences/os
Un processus semé d'embûches
L'Arménie et la Turquie ont conclu en octobre 2009 un accord historique, sous la médiation de la Suisse et des Etats-Unis, pour établir des relations diplomatiques et rouvrir leur frontière commune, après des décennies d'hostilité ayant pour origine les massacres d'Arméniens en 1915 à la fin de l'empire ottoman, qu'Erevan qualifie de génocide.
Mais la ratification de cet accord n'a pas encore eu lieu, la Turquie la liant à la résolution du conflit du Nagorny- Karabakh (région de l'Azerbaïdjan peuplée majoritairement d'Arméniens) entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Ankara a fermé sa frontière avec l'Arménie en 1993, en solidarité avec son voisin et allié azerbaïdjanais, après la prise de contrôle par l'Arménie du Nagorny-Karabakh.
L'Arménie a déclaré en avril surseoir elle aussi à la ratification de l'accord, dans l'attente d'une évolution de la position d'Ankara. Malgré tous ces obstacles, "puisse le processus de normalisation se poursuivre entre les deux Etats", a souligné Doris Leuthard.
Renforcer le partenariat économique
La Suisse et la Turquie se sont en outre entendues pour renforcer leur coopération au sein des instances internationales afin de faire face aux grands défis actuels, tels que le terrorisme, les migrations ou la crise économique mondiale.
A cet égard, Doris Leuthard a notamment salué le travail des pays du G20, auquel la Suisse n'appartient pas, mais dont la Turquie est membre.
Doris Leuthard et Abdullah Gül ont souligné le "grand potentiel" d'un partenariat économique renforcé entre leurs pays respectifs. "La Suisse a un rôle prépondérant en Turquie" en tant que sixième investisseur dans le pays, a fait valoir la conseillère fédérale. Le président turc a pour sa part salué la signature en juin d'une convention de double imposition entre Berne et Ankara.
Dans le domaine énergétique, "la Turquie est un pont entre les pays producteurs de l'Ouest et les pays consommateurs de l'Est", a rappelé Doris Leuthard, soulignant l'importance d'un partenariat. Fin 2009, à Istanbul, la Suisse a signé un accord pour l'acheminement des ressources énergétiques depuis la Caspienne et l'Iran via la Turquie.