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Le potentiel du plurilinguisme sous-estimé en Suisse

Le sociologue Sandro Cattacin a notamment analysé la communication au quotidien de l'équipe suisse de football des moins de 18 ans. [Lukas Lehmann]
Le sociologue Sandro Cattacin a notamment analysé la communication au quotidien de l'équipe suisse de football des moins de 18 ans. - [Lukas Lehmann]
La Suisse gère "étonnamment bien" la diversité des langues parlées sur son territoire, estime un programme de recherche du Fonds national. Par contre, elle n'exploite pas assez le potentiel, notamment économique, de cette richesse linguistique.

"Le plurilinguisme pratiqué en Suisse est souple et
pragmatique. Et il fonctionne bien", selon les conclusions du projet de
recherche "Diversité des langues et compétences linguistiques" (PNR
56). Les chercheurs ont présenté jeudi à Berne leurs recommandations à l'issue
de ce vaste programme lancé en 2005 à la demande du Conseil fédéral.

"Les personnes de langues maternelles différentes
parviennent à communiquer étonnamment bien lorsqu'elles poursuivent un but
commun", a expliqué Walter Haas, président du Comité de direction du PNR
56. Sandro Cattacin, de l'université de Genève, l'a montré dans deux enquêtes,
l'une menée au sein de l'équipe nationale de football des M18 et l'autre parmi
une unité de grenadiers.

Les groupes multilingues comblent spontanément l'absence de
règles formelles et communiquent efficacement au quotidien. Selon les
chercheurs, ces solutions pragmatiques sont possibles car les Suisses ont des
compétences linguistiques supérieures à la moyenne. Ils maîtrisent souvent deux
langues étrangères.

Bonnet d'âne aux employeurs

Les connaissances en langues étrangères sont essentiellement
acquises à l'école, a précisé Walter Haas. Selon les chercheurs, les
employeurs, tant privés que publics, n'encouragent pas assez la formation
continue de leurs collaborateurs dans ce domaine.

"On peut, et doit, améliorer ses compétences linguistiques
après avoir quitté les bancs d'école", a insisté Walter Haas. Mais les
coûts de formation ne devraient pas être pris en charge uniquement par les
collaborateurs.

La migration et l'internationalisation des contacts
professionnels représentent de nouveaux défis pour les écoles, l'économie et
l'administration, notent encore les scientifiques. En plus des quatre langues
nationales, l'espagnol, l'albanais, l'anglais, le portugais ou le turc sont
fréquemment parlés en Suisse.

Certes, le plurilinguisme demande du temps, de l'énergie et
de l'argent. Mais il a aussi une utilité culturelle, intellectuelle et surtout
économique, a souligné Walter Haas. Les milieux politiques et économiques n'ont
pas encore assez pris conscience du capital que représentent les langues,
notamment pour le tourisme ou les multinationales.

Quotas linguistiques

Le plurilinguisme relève de l'intérêt général, a ajouté Walter Haas. Dans l'administration fédérale, par exemple, il sert à la cohésion
nationale. Or une étude du PNR 56
a montré en 2009 que les quatre langues nationales n'y
sont pas représentées de manière équitable, en particulier chez les cadres.

Suite aux recommandations des chercheurs, des quotas ont été
fixés dans l'ordonnance sur les langues entrée en vigueur le 1er 1et 2010.
Celle-ci prévoit que les départements et la chancellerie fédérale veillent à
employer 70% de germanophones, 22% de francophones, 7% d'italophones et 1% de
romanchophones.

Quelque 200 chercheurs ont participé aux 26 projets du
programme national. Disposant d'un budget de 8 millions de francs, ils se sont
penchés sur les bases de la conservation, de l'encouragement et de
l'utilisation de la diversité des langues en Suisse.

ats/os

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