Le rapport épingle notamment Hans-Rudolf Merz et Micheline Calmy-Rey. Le premier est critiqué pour être parti en Libye signer un accord sans avoir obtenu l'autorisation de ses collègues. La seconde elle est épinglé pour ne pas avoir voulu céder son secrétaire d'Etat adjoint à l'Appenzellois pour son voyage à Tripoli (lire les détails dans l'article ci-joint intitulé "Affaire libyenne - Le Parlement tire à boulets rouges sur Hans-Rudolf Merz et Micheline Calmy-Rey"). Le Conseil fédéral s'est contenté vendredi de prendre acte du document publié par la commission de gestion. Il s'exprimera sur ses conclusions dans le délai imparti, soit d'ici fin avril 2011.
L'élection de Calmy-Rey pas compromise
Si le rapport sur la crise libyenne publié vendredi est pour beaucoup le signe qu'une réforme du gouvernement est indispensable, les avis divergent quant aux contours de cette réforme. L'élection à la présidence de la Confédération de Micheline Calmy-Rey fait en revanche la quasi unanimité.
Même si la ministre des Affaires étrangères est fortement écornée par les documents de la commission de gestion des Etats, "il ne sert à rien de montrer du doigt certaines personnes", a déclaré la cheffe du groupe PLR au parlement. Le parti donnera certainement ses voix à la socialiste lors de l'élection de mercredi prochain, selon Gabi Huber.
La conseillère fédérale sera "probablement élue, mais mal élue, par manque d'alternatives", a pour sa part souligné le président du PDC Christophe Darbellay. Et d'avertir que "c'est une année de présidence difficile qui attend" Micheline Calmy-Rey. Tout comme celui du PLR, le groupe PDC arrêtera sa consigne de vote mardi.
Du côté du groupe UDC, la décision a déjà été prise: ses parlementaires voteront pour la Genevoise. Malgré les conclusions du rapport, qui confirment l'image que le parti avait déjà de la ministre, l'UDC a en effet choisi de respecter l'ancienneté et la concordance, selon le président du parti Toni Brunner.
Nourrissant l'espoir que Micheline Calmy-Rey tire rapidement les leçons de la critique, les Verts ont eux aussi choisi d'accorder leur scrutin à la socialiste. Leur président Ueli Leuenberger lui prédit néanmoins un mauvais score. Une prévision qui rallie son homologue du PBD Hans Grunder: la conseillère fédérale passera, non sans s'être fait préalablement sermonner par le Parlement.
Réviser le système de concordance
Enfin, sans surprise, les socialistes serrent les rangs autour de leur ministre de tutelle. "Il n'y a pas d'élément saillant dans le rapport de la commission laissant supposer qu'elle n'est pas capable d'assumer la fonction de présidente de la Confédération", a noté le conseiller national et membre de la commission de politique extérieure Carlo Sommaruga. Et le député d'inviter à se pencher sur une révision du système de concordance.
Les commentaires sur l'autre grande cible des critiques du rapport, l'ex-président de la Confédération Hans-Rudolf Merz, semblent en revanche s'essouffler. Si Carlo Sommaruga dénonce "des erreurs d'évaluation et de compréhension", Christophe Darbellay relève plutôt une "extraordinaire naïveté" de la part de l'ancien ministre des finances, couplée de bonnes intentions.
Pour ce qui est des 14 recommandations listées dans le rapport de la commission, elles font mouche auprès de la plupart des partis politiques. Elles constituent un bon premier pas en avant, commente le président du PDC. Ueli Leuenberger, lui, invite le gouvernement à les suivre à la lettre, car il ne "peut plus se permettre d'erreurs".
Tout en saluant lui aussi ces propositions, Hans Grunder se "demande néanmoins si elles apporteraient quelque chose, alors même que la collégialité n'est pas mise en pratique". Carlo Sommaruga abonde dans le sens du président du PBD et invite à se pencher sur une réforme de la composition politique du gouvernement. Pour le président du PLR, c'est plutôt la nécessité d'un leadership stratégique qui est urgente. Une présidence de deux ans serait une piste à suivre, souligne-t-il. Au contraire, Toni Brunner ne voit aucun besoin de réforme du gouvernement. "Ce sont les personnes au Conseil fédéral qui ont amené le problème", pas le système, dit-il.
Satisfaction à Genève
Le gouvernement genevois a de son côté pris connaissance du rapport de la commission de gestion du Conseil des Etats sur l'affaire Kadhafi avec "satisfaction". L'action du canton n'a pas été remise en cause. Le commission estime que "les autorités genevoises ont agi de manière adéquate", a fait savoir le Conseil d'Etat genevois dans un communiqué diffusé vendredi.
L'exécutif cantonal avait été auditionné à plusieurs reprises dans le cadre de cette affaire, pour la rédaction de ce rapport. Le service de presse de la justice genevoise a de son côté indiqué que le procureur général de Genève Daniel Zappelli ne ferait aucune commentaire sur le rapport de la commission de gestion.
ats/ap/hof
Rachid Hamdani reste reconnaissant
Rachid Hamdani, l'un des deux otages de la crise libyenne, ne ressent aucune colère à la lecture des conclusions de la commission parlementaire pourtant sévères à l'égard du gouvernement. De son point de vue, les autorités ont tout fait pour les tirer d'affaire.
Rachid Hamdani estime ne pas disposer de toutes les données pour porter un jugement sur le rapport de la commission de gestion du Conseil des Etats.
"En tant qu'ancien otage, je n'ai pas vu de relâchement ou de mauvaise volonté de la part des gens qui s'occupaient de notre cas", a-t-il déclaré vendredi.
Il s'estime toujours autant reconnaissant envers les autorités, médias, ONG et amis qui les ont soutenus durant presque deux ans de détention.
"C'était une situation très compliquée et de notre point de vue, les responsables du dossier ont travaillé selon les règles".
Eviter le tribunal arbitral?
Le rapport parlementaire sur la crise libyenne pourrait permettre à la Suisse d'éviter le tribunal arbitral, estime le directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen, Hasni Abidi. Selon lui, l'image du pays n'en ressort toutefois pas grandie dans le monde arabe.
"Ce rapport est une chance pour la Suisse de montrer aux Libyens qu'elle a fait son propre examen et reconnaît ses limites", a indiqué Hasni Abidi vendredi.
Si ce document est "bien vendu" à Tripoli, il pourrait être considéré comme un "mini-tribunal" pouvant mener à une autre résolution de la crise.
Selon cet expert du monde arabe, Tripoli tient au Tribunal arbitral et y est préparé, mais ne considère pas l'accord qui y fait mention comme un texte sacré. "Rien n'empêche les deux parties de trouver autre une solution", dit-il.