Les documents, publiés par le quotidien allemand Der Spiegel, montrent que le gouvernement néo-conservateur du président George W.Bush n'était en aucun cas intéressé par des négociations avec la république islamique concernant le dossier nucléaire. Washington jugeait le zèle de Berne embarrassant. La cheffe de la diplomatie suisse Micheline Calmy-Rey n'a pas relâché ses efforts, comme l'indiquent des rapports de l'ambassade américaine à Berne, cités par Der Spiegel.
Inquiétudes américaines
Après l'adoption de la résolution 1737 de l'ONU sur les sanctions contre l'Iran en décembre 2006, il y a eu plusieurs contacts aussi bien avec Téhéran qu'avec la diplomatie américaine. Michael Ambühl, qui était alors secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, s'est rendu en janvier 2007 à Téhéran, pour proposer ses services comme médiateur.
L'ambassadeur américain à Berne Peter Coneway avait ensuite écrit à Washington: "Nous ne doutons pas que Michael Ambühl connaisse le point de vue du gouvernement américain sur une telle 'serviabilité'." L'administration Bush craignait en effet que l'initiative suisse à Téhéran donne l'impression d'une volonté de négocier de la part de Washington.
Les câbles indiquent clairement que Michael Ambühl a dû exécuter les directives de Micheline Calmy-Rey, lorsqu'il s'est rendu à Téhéran. L'ambassadeur américain a ainsi commenté: "Il était perceptible que, pour Michael Ambühl, agir contre l'avis des Etats-Unis était désagréable. Mais sa décision de maintenir ce voyage a peu surpris, étant donné le mandat clair qu'il a reçu de la ministre suisse des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey".
Signature d'un contrat gazier
Micheline Calmy-Rey et Michael Ambühl se sont rendus à Téhéran en mars 2008 afin d'assister la signature d'un contrat de fourniture de gaz iranien à la compagnie d'électricité de Laufenburg (EGL) et s'entretenir avec le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki.
Le contrat de gaz n'a pas été explicitement pointé du doigt par Washington ou d'autres capitales occidentales, mais il contrevenait à la politique de sanctions à l'encontre de l'Iran.
La Suisse remplit les bons offices entre Téhéran et Washington depuis l'occupation de l'ambassade américaine à Téhéran en 1979. Une situation qui l'a d'ailleurs amenée à traiter d'autres dossiers en lien avec les Etats-Unis. La mission suisse a par exemple été en contact, selon WikiLeaks, avec un ressortissant américain d'origine iranienne retenu 7 mois en Iran où il était venu en visite (lire ci-contre un rappel des principales révélations de WikiLeaks concernant la Suisse).
ats/hof
Principales révélations sur la Suisse
9 décembre - Le soutien américain dans l'affaire Kadhafi
Les télégrammes diplomatiques américains révélés par le site WikiLeaks confirment que les Etats-Unis étaient prêts à soutenir la Suisse - bien que discrètement - dans l'affaire Kadhafi. Et que les restrictions aux visas Schengen ont irrité les Etats européens.
8 décembre - L'affaire libyenne vue par Londres
Des télégrammes américains rapportent que l'ambassadeur britannique à Tripoli a "exprimé son soulagement" en apprenant la libération imminente d'al-Megrahi: "Ils (les Libyens) auraient pu nous couper les jarrets, tout comme ils l'ont fait aux Suisses", aurait déclaré l'ambassadeur britannique, Vincent Fean, en référence à la violente réaction libyenne après l'arrestation à Genève du fils du dirigeant libyen, Hannibal Kadhafi.
6 décembre - Les sites suisses que Washington protège
Selon les documents révélés par WikiLeaks, le groupe pharmaceutique Roche, producteur du Tamiflu, un vaccin contre la grippe porcine, figure sur la liste des sites dits sensibles que Washington veut protéger. La société Berna Biotech, productrice de vaccins contre la fièvre typhoïde, et le groupe CSL Behring, qui produit de l’immunoglobine intraveineuse.
1er décembre - Ressortissant américain retenu en Iran
WikiLeaks publie une page dans laquelle on apprend que l'ambassade de Suisse à Téhéran, qui représente les intérêts américains en Iran, a été en contact avec un ressortissant américain d'origine iranienne venu en visite en Iran en 2008 et retenu 7 mois avant de fuir en Turquie.
30 novembre - Une "démocratie alpine frustrante"
Parmi les documents américains secrets concernant la Suisse, on peut lire dans un protocole écrit en 2008 par l’ancien ambassadeur américain en Suisse, Peter Coneway, que la Suisse est "une démocratie alpine frustrante". Les relations entre la Suisse et les Etats-Unis sont certes cordiales, mais pas vraiment émotionnelles, nous apprenait Radio Basel. L’actuel représentant américain en Suisse, Donald S.Beyer, a réagi, relevant que son prédécesseur représentait l’administration Bush, notant que c'était "un autre temps, un autre contexte".
30 novembre - Les politiciens suisses
Dans plus de 500 télégrammes en provenance de Genève et Berne, les diplomates américains s'intéressent aussi à certains politiciens suisses. Après son élection, Ueli Maurer est qualifié de fidèle suiveur de Christoph Blocher. Ce dernier est par ailleurs désigné comme étant le "gourou" du parti par l’ambassadeur américain dans une autre note.
30 novembre - L’antiaméricanisme des services secrets
Dans une dépêche datant de 2006, les Etats-Unis se sont plaints de la coopération défaillante avec la Suisse, notait Radio Basel. Le patron des services secrets suisses, Urs von Däniken, est décrit comme peu coopératif. Son attitude est considérée comme antiaméricaine.
30 novembre - Les relations avec Téhéran
Les relations helvético-iraniennes ont été l'un des thèmes principaux des deux dernières années. La plus grande tension est née en 2008 de la conclusion d’un contrat de livraison de gaz. La conseillère fédérale en charge des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey était présente à Téhéran lors de la signature de cet accord.
30 novembre - La Libye et le secret bancaire
Parmi les autres thèmes évoqués dans les notes diplomatiques américaines concernant la Suisse révélées ce jour-là, on retrouve en vrac l’affaire libyenne et les tensions entre Washington et Berne au sujet du secret bancaire sans que rien de notable ne puisse en être dit.
29 novembre - Les comptes suisses d'Erdogan
WikiLeaks a révélé que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan détenait des comptes bancaires en Suisse, comme l’affirme une des 250'000 notes diplomatiques américaines que le site fondé par Julian Assange a commencé à divulguer. Dans une note diplomatique classée "secrète" du 30 décembre 2004, l’ambassadeur de l'époque en poste à Ankara, Eric Edelman, écrivait: "Nous avons entendu de deux contacts qu’Erdogan a huit comptes dans des banques suisses". Le Premier ministre turc a vivement réagi, démentant avec véhémence ces informations.