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Drame de Bochuz: non-lieu pour les six prévenus

Bochuz VD Vaud
Les événements se sont déroulés dans la nuit du 10 au 11 mars 2011 au pénitencier de Bochuz
Aucune responsabilité pénale ne sera retenue contre les 6 personnes de service lors du drame du pénitencier de Bochuz, où le détenu Skander Vogt est mort, indique jeudi l'ordonnance de l'enquête du juge d'instruction du canton de Vaud. Les inculpés - employés de la prison et équipes de secours - répondaient d'homicide par négligence, sur plainte de la soeur aînée du prisonnier décédé.

La cause principale du décès de Skander Vogt, qui avait mis le feu au matelas de sa cellule la nuit du 10 au 11 mars 2010, est à mettre sur le compte du détenu lui-même, indique l'ordonnance d'enquête. Le juge d'instruction Daniel Stoll indique qu'"à aucun moment il n'a été question de laisser mourir volontairement Skander Vogt".

Les négligences retenues à l'encontre du personnel du pénitencier ne présentent quant à elles pas de lien de causalité naturelle avec le décès sur le plan pénal, raison pour laquelle l'infraction d'homicide par négligence n'a pas été retenue à l'encontre du personnel médical, du gardien et de la directrice de piquet la nuit du drame.

Le comportement de certains des prévenus n'a pas toujours été adéquat et conforme aux directives ou aux règles de l'art en matière médicale et a justifié une enquête approfondie et des expertises. Les prévenus devront par conséquent participer aux frais pour des sommes comprises entre 500 et 3500 francs.

Succession d'événements

Dans un fort état d'énervement, Skander Vogt avait bouté le feu à son matelas. Après avoir maîtrisé le sinistre, deux gardiens ont ensuite refermé la cellule sans en extraire le détenu. Le système de ventilation a été activé, mais aucun gardien n'a réalisé qu'il ne fonctionnait pas et que Skander Vogt restait dans la fumée.

Le personnel a ensuite découvert Vogt inanimé environ une demi-heure plus tard et a avisé les secours ainsi que l'unité d'intervention spéciale (DARD), ne sachant pas s'il s'agissait d'une réelle alerte ou d'une simulation du prisonnier.

Philippe Leuba dénonce une initiative inapplicable et contre-productive. [KEYSTONE - CHRISTIAN BRUN]
Philippe Leuba dénonce une initiative inapplicable et contre-productive. [KEYSTONE - CHRISTIAN BRUN]

Le personnel du pénitencier n'a malgré tout pas accordé l'accès à la cellule aux équipes de secours une fois sur place, prétextant la nécessité d'attendre le DARD en cours de mobilisation. Mais 40 minutes plus tard, après qu'un ambulancier a constaté l'arrêt respiratoire du détenu, l'autorisation d'ouvrir la cellule a été donnée. La tentative de réanimation n'a toutefois pas porté ses fruits.

Pas de commentaire de Philippe Leuba

Le conseiller d'Etat Philippe Leuba, en charge du service pénitentiaire, a pris acte de l'ordonnance du juge cantonal, mais se refuse à tout commentaire "s'agissant d'une décision de justice", selon le communiqué publié par le Département vaudois de l'intérieur.

Il rappelle toutefois que la cheffe du service pénitentiaire, Catherine Martin, a quitté ses fonctions suite au rapport très critique de l'ancien juge fédéral Claude Rouiller sur cette affaire en juillet dernier et que toutes les directives de sécurité sont en train d'être revues pour d'éviter qu'un tel drame se reproduise.

Jérôme Zimmermann et ats

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Un recours annoncé

Me Nicolas Mattenberger, avocat de la soeur de Skander Vogt, va faire recours contre le non-lieu du juge d'instruction.

Il s'étonne que le magistrat n'ait pas renvoyé l'affaire devant un tribunal. "Cette affaire ultra sensible méritait une instruction cohérente", a déclaré jeudi à l'ATS l'avocat, joint en Thaïlande. "C'est un peu une mascarade de justice. Le juge d'instruction reconnaît qu'il y a un certain nombre d'erreurs mais il blanchit tout le monde".

Il y avait des éléments suffisants pour renvoyer le dossier à un tribunal indépendant, a-t-il ajouté. "Le juge n'a même pas entendu le directeur de la prison de Bochuz. J'ai l'impression qu'on a voulu vite blanchir tout le monde".

Erreurs en chaîne évoquées par le juge

Première erreur: avoir refermé la porte de la cellule après avoir éteint le feu, au lieu d'en sortir le détenu. Mais, reconnaît le juge, personne n'a réalisé que le système de ventilation ne fonctionnait pas et que le prisonnier restait dans la fumée.

La directrice et le gardien de piquet sont épinglés pour ne pas avoir autorisé immédiatement les ambulanciers à entrer dans la cellule. Certes, admet le juge, ils craignaient que le prisonnier simule un état d'inconscience et qu'il devienne agressif dès qu'on ouvre la porte.

Skander Vogt avait été condamné début 2001 à vingt mois pour voies de fait notamment. En prison, il était considéré comme dangereux et séjournait depuis le 12 août 2005 en régime de haute sécurité.

Enfin, le juge estime que l'équipe médicale aurait dû mieux informer les gardiens des risques létaux encourus par Skander Vogt.

Le personnel de la prison est entré dans la cellule sans attendre le DARD, les forces spéciales, lorsque l'urgence a été réellement comprise.

La responsable de piquet aurait dû venir sur place plus tôt, ajoute le juge. Elle aurait pu mieux se rendre compte de la situation, même si cela aurait probablement été trop tard pour éviter le décès.