Après cinq ans de gestation, le projet de forage AGEPP (Alpine Geothermal Power Production) a été mis à l'enquête publique en novembre. Deux oppositions ne provenant pas d'organisations environnementales ont été déposées. Mais le chef du projet Pascal Vinard a bon espoir de les résoudre d'ici la fin janvier.
L'avancement des travaux en dépend, a-t-il expliqué. Le planning prévoit une autorisation de construire en février ou mars 2011, et un premier coup de pioche en mai. L'étape la plus importante - le forage - pourrait démarrer en été, puis le chauffage à distance alimenter les foyers de Lavey et St-Maurice (VS) dès 2012.
Une tour de 35 mètres
Prévue à 2,5 kilomètres de Lavey, la plate-forme de forage sera dotée d'une tour d'environ 35 mètres. Pour mémoire, l'installation de Noville (VD), qui a permis de forer un puits de 5,5 kilomètres pour rechercher des hydrocarbures dans le lac Léman, culminait à 58 mètres.
Dans une première phase, la roche sera sondée jusqu'à 2300 mètres. Si les objectifs fixés - trouver de l'eau à 110 degrés avec un débit de 40 litres/seconde - ne sont pas atteints, le forage sera prolongé jusqu'à 3000 mètres, puisque la chaleur de l'eau augmente de trois degrés par cent mètres dans des contextes géologiques standard. L'investissement est pour sa part estimé entre 11 et 16 millions, tandis que la Confédération participe à la couverture des risques jusqu'à 50% des coûts engagés et selon l'utilisation possible du puits, a précisé Pascal Vinard.
Une première dans la zone
Même si les chances de découvrir de l'eau à haute température sont bonnes, l'expérience est une première dans cette partie des Alpes. Pour qu'elle soit probante, la présence de failles et fissures permettant à l'eau de circuler dans la roche est indispensable. Les géologues disposent de bons indices dans ce sens, explique Pascal Vinard. Les eaux des Bains de Lavey sont les plus chaudes de Suisse avec une température de 55 à 65 degrés. Cela signifie que l'eau chaude des profondeurs peut circuler jusqu'à la surface par le biais de fissures et fractures.
On peut se représenter le puits comme une piqûre d'insecte dans un énorme réservoir d'eau chaude contenue dans le massif rocheux fissuré, composé par du gneiss, relate Pascal Vinard. Etant donné la dureté de cette roche, qui ressemble à du granit déformé, le forage avancera lentement, à raison de deux à trois mètres par heure.
Si le débit et la température sont suffisants, une petite centrale électrique qui fonctionnera en circuit fermé produira de l'électricité pour environ 500 ménages. L'eau chaude à la sortie de cette centrale alimentera en chaleur les communes et entreprises avoisinantes via un système de chauffage à distance.
Elevage de poissons
En fin de boucle, l'eau chaude résiduelle pourra chauffer les bâtiments des bains de Lavey, alimenter la serre tropicale projetée sur les lieux, voire une pisciculture où pourraient être élevés des esturgeons, comme c'est le cas à Frutigen, dans l'Oberland bernois. Le projet de Lavey est de type doux, explique le chef de projet. Il n'est pas question d'aller "exciter artificiellement la roche" comme lors de la réalisation qui a mal tourné à Bâle. En clair, il ne provoquera pas de secousses sismiques. Par précaution, un suivi de la sismicité sera assuré.
Pour chapeauter le tout, une société anonyme sera créée au début de l'année. Son actionnaire majoritaire est la Ville de Lausanne par le biais de la société SI-REN. Ses partenaires, EOS Holding, Romande Energie, CESLA SA (Etat de Vaud), les communes de Lavey et de Saint-Maurice entreront également dans le capital.
ats/jzim
Un marché en pleine expansion
Le marché de la géothermie profonde se développe très fortement, notamment en Allemagne où cinq à six forages sont en cours dans la région de Munich.
En Suisse, un gros projet de centrale basée sur deux puits profonds à 150 millions a reçu l'aval du peuple fin novembre à St-Gall. A Schlattingen, dans le canton de Thurgovie, un forage de 1500 mètres a démarré en octobre. Visant à découvrir de l'eau à 70 degrés à 1500 mètres sous terre pour chauffer des serres, il devrait être achevé en février.
Sur la Côte vaudoise, le projet GP La Côte entre Nyon et Etoy en est au stade d'analyse de faisabilité. Les premiers résultats sont très encourageants. La présence de fractures régionales a été confirmée, de même que des indices de circulation d'eau à température intéressante.
La géothermie est une voie intelligente pour fabriquer de l'énergie sans pollution, ni déchets, ni CO2, souligne Pascal Vinard, chef du projet de géothermie à Lavey (VD). En outre, elle n'est pas tributaire de la météo comme le solaire. Le scientifique estime que dans dix ans, la Suisse connaîtra un boom de la géothermie profonde, comme cela a été le cas avec les pompes à chaleur.