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Berne veut assouplir les règles d'entraide

Widmer Schlumpf [Ruben Sprich]
L'adaptation sera soumise au Parlement, a précisé Eveline Widmer-Schlumpf. - [Ruben Sprich]
Le Conseil fédéral souhaite lâcher un peu de lest concernant l'entraide administrative en matière fiscale. La Suisse ne devrait pas exiger dans tous les cas le nom et l'adresse de la personne et de la banque concernées. But affiché mardi: éviter de figurer sur une liste noire de l'OCDE.

La pratique suisse est actuellement sous la loupe des experts internationaux, dans le cadre d'un examen par les pairs ("peer reviews"), dont la première étape se terminera début juin. Or les premiers signaux montrent que les critères fixés jusqu'ici sont trop restrictifs, a expliqué la ministre des finances Eveline WidmerSchlumpf devant la presse.

L'exigence du nom et de l'adresse pourrait constituer un obstacle à une échange efficace de renseignements. Des adaptations sont nécessaires, faute de quoi la Suisse pourrait rater la première phase de l'examen. Et le Conseil fédéral ne veut pas la voir figurer sur une liste noire de l'OCDE. Ce qui serait dommageable pour la place économique helvétique.

Nouvelle règle

Le gouvernement propose une règle moins formaliste sans céder en rien sur le refus de toute pêche aux renseignements ("fishing" expedition") et d'un échange automatique d'informations. Il sera donné suite une requête si l'Etat qui l'a posée identifie le contribuable. Cette identification pourra être établie non seulement sur la base du nom et de l'adresse, mais aussi, exceptionnellement, sur la base d'un numéro de compte en banque.

L'Etat doit en outre indiquer, dans la mesure où il en a connaissance, le nom et l'adresse de la banque. Si ces dernières données font défaut, les principes de proportionnalité et de praticabilité s'appliqueront à la recherche de ces indications par la Suisse.

Par exemple, il devrait être possible d'obtenir des renseignements sur la base d'un numéro IBAN se référant à des versements réguliers et douteux d'une même origine en Suisse mais pas sur la base d'une liste de numéro IBAN.

Le nombre de demandes ne devrait pas augmenter, selon Eveline Widmer-Schlumpf, qui voit dans la mesure proposée par le Conseil fédéral une adaptation technique.

Thème sensible

"J'espère vraiment que cela ne deviendra pas un nouveau thème de campagne électorale", a dit la grande argentière. Reste que la question concerne le secret bancaire, un dossier politiquement sensible et que le Parlement devra se prononcer.

Formellement, la Suisse doit assurer d'ici fin février que douze conventions de double imposition répondent au standard de l'OCDE. Sur le plan externe, une déclaration d'intention générale suivie de déclarations aux pays contractants devraient suffire. Sur le plan interne, les choses se corsent.

Toutes les conventions de double imposition reformulées pour supprimer la distinction entre fraude et évasion fiscale, passées ou futures, devront contenir la nouvelle interprétation proposée par le Conseil fédéral. Pour les accords signés mais pas encore ratifiés, l'adaptation pourra être conclue via une procédure à l'amiable ou un échange de notes diplomatiques.

Au Parlement de trancher

Les Chambres fédérales devraient se prononcer sur plusieurs textes. Un premier arrêté devrait concerner les dix accords encore pendants devant le Parlement (Pays-Bas, Turquie, Japon, Pologne, Inde, Allemagne, Kazakhstan, Canada, Uruguay, Grèce). Un autre visera les conventions avec les Etats-Unis (approuvée mais pas encore en vigueur) et avec la Corée du Sud (signée mais pas encore devant le Parlement). Le troisième arrêté concernera les accords déjà en vigueur (Danemark, Finlande, France, GrandeBretagne, Qatar, Luxembourg, Mexique, Norvège, Autriche).

Puis les Chambres pourront se prononcer à chaque fois dans le cadre de l'examen d'une nouvelle convention. Toutes ces décisions seront soumises au référendum facultatif.

Le Conseil national devrait franchir la première étape lors de sa session spéciale entre le 11 et le 14 avril. Lundi, sa commission de l'économie a décidé, par 16 voix contre 9, d'évaluer les conséquences de la proposition du Conseil fédéral et d'auditionner les milieux concernées avant de se prononcer. Le Conseil des Etats devrait suivre en juin.

ats/cer

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Réactions diverses des partis

Le Conseil fédéral a du pain sur la planche s'il veut convaincre les Chambres fédérales d'accepter sa proposition d'assouplir les règles de l'entraide administrative en matière de double imposition.
La droite est clairement contre. La gauche critique moins le fond que la forme.

Les partis bourgeois s'en prennent violemment à la proposition présentée mardi. L'UDC évoque une "tactique du salami" pour affaiblir la place financière suisse. L'UDC s'inquiète pour la sphère privée de la clientèle bancaire. Dans un communiqué publié mardi, elle s'oppose dès lors à une nouvelle adaptation et à la réinterprétation des accords de double imposition tels qu'ils ont été décidés.

Le PLR n'est guère plus tendre face à la pression d'un organe de l'OCDE qu'il juge "prématurée et inutile". Qu'Eveline Widmer-Schlumpf "surréagisse dangereusement" n'en est pas moins inquiétant, écrit le Parti libéral-radical. Selon le PLR, le nom et l'identification concrète de la banque doivent continuer d'apparaître dans les demandes d'entraide d'autorités étrangères.

Sur la même longueur d'onde, le PDC veut surtout empêcher que l'OCDE introduise par la petite porte l'échange automatique d'informations. Il rejette catégoriquement d'étendre la possibilité d'identification au moyen du seul numéro du compte bancaire, a dit le conseiller national Pirmin Bischof (SO).

Le Conseil fédéral aurait dû dès le départ proposer des solutions répondant aux exigences internationales, estime pour sa part le PS. La conseillère nationale Susanne Leutenegger Oberholzer ne comprend pas qu'on en soit arrivé à la solution proposée mardi.

Pour les Verts, les propositions de la conseillère fédérale vont dans la bonne direction. Il est juste de concentrer tous les moyens possibles pour empêcher la soustraction fiscale, aussi longtemps que la protection des données est garantie.

Bruxelles tient à l'échange automatique d'informations

La commission européenne salue le pas de la Suisse vers un échange plus efficient en matière fiscale. "Cela va dans la bonne direction", a déclaré en soirée à l'ATS la porte-parole du commissaire européen à la fiscalité Algirdas Semeta.

Il est positif "que la Suisse reconnaisse le besoin de suivre les standards internationaux". Mais la commission doit examiner de plus près les intentions de Berne avant de se prononcer définitivement.