Devant la base logistique de l’armée suisse à Grolley (FR), ce ne sont pas des soldats qui montent la garde, mais des agents de sécurité privés. Depuis 2006, les hommes de l'entreprise GPA (Guardian Protection SA) surveillent les bâtiments 24 heures sur 24. Des aéroports militaires aux dépôts de munitions en passant par les centres logistiques, la surveillance des infrastructures militaires passent peu à peu en mains privées.
Mesures d'économies avancées
Interrogé par la TSR sur ses pratiques en matière de protection de certaines des bases, le porte-parole de l'armée justifie cette sous-traitance du travail de sécurité par le manque de moyens financiers: "Dans le principe, l’armée effectue avec ses propres moyens la surveillance de ses bâtiments. Toutefois, ceci n’est plus possible à cause des coupes budgétaires, respectivement de la réduction du personnel", écrit Christian Burri dans un message électronique. Avant de conclure que le recours à des agences de sécurité privées permettrait de faire des économies. De quelle ampleur? Aucun chiffre n'est mentionné.
Une pratique que le conseiller national Eric Voruz (PS/VD) combat sur le principe: "Je suis contre la privatisation de la sécurité, ceci tout particulièrement au sein de l’armée. C’est le travail de la police militaire et non d’agences privées que d'assurer ces tâches. Par ailleurs, je ne pense pas qu'il y ait un avantage financier à privatiser la surveillance des bâtiments militaires."
La ronde puis le centre ultra-sensible
Son collègue de la commission de la sécurité du Conseil national Yvan Perrin (UDC/NE) conteste ce dernier point: "Pour garder un parking, ou des bureaux administratifs, c’est souvent plus économique de passer par des agences de sécurité privée." Mais l'élu neuchâtelois met également en garde: "On ne peut pas tout confier à des agences privées. Il y a un risque de sécurité et de confidentialité, surtout avec des bases comme celle de Spiez."
La garde de la base atomique-bactériologique-chimique (ABC) de Spiez doit justement passer en mains privées, comme en témoigne l'appel d'offres no 75130000 émis par l'armée en 2010. On apprend entre autres dans ce document que "pour obtenir le mandat (…) le soumissionnaire doit disposer sur le site concerné de la société d’au minimum 30 collaborateurs. Une personne accompagnée d’un chien doit également effectuer des contrôles chaque nuit, 365 jours par année." L'armée a lancé des appels d'offres de ce type dans six régions l'an dernier.
Un brigadier relais de la sécurité privée
L’armée a commencé à faire appel à des sociétés de sécurité privée en 2002. Dans un premier temps uniquement pour le service de ronde. Puis en 2006 c’est le contrôle d’accès des entrées qui est passé en mains privées. Depuis 2009, le système informatique d’accès sécurisé (Informationssystem Swiss Defence Public Key Infrastructure SD-PKI) est géré également par des agences externes.
Les sociétés de sécurité privée, qui emploient 14'000 personnes en Suisse, bénéficient de relais importants dans les administrations publiques, au premier rang desquels figure le commandant de la sécurité militaire Urs Hürlimann.
Le brigadier Hürlimann est responsable depuis 2004 de tout ce qui touche au travail de police militaire, y compris la surveillance de bâtiments (voir sur le site de l'armée). En parallèle, il était jusqu'en 2009 le vice-président de l’association des entreprises suisses de service de sécurité (VSSU), qui regroupe la quasi-totalité des agences comme Securitas, Protectas ou encore Python. Sollicité pour obtenir le point de vue du brigadier, le Département fédéral de la défense n’a pas donné suite à la demande de la TSR.
François Ruchti/gax
Un rapport pour fin 2011
Selon son porte-parole Christian Burri, l’armée examine actuellement la possibilité d’étendre le recours à des agences privées de sécurité pour assurer les différentes tâches de surveillance de ses sites.
Un rapport devrait voir le jour d’ici la fin de l’année.