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Le "double de Moubarak" a fait fortune à Genève

La situation à la tête de l'Etat est de moins en moins confortable pour Hosni Moubarak. [Amr Abdallah Dalsh]
Hosni Moubarak s'est réfugié à Sharm el-Sheikh, dans un hôtel bâti par son "double" Hussein Salem. - [Amr Abdallah Dalsh]
Un mandat d’amener pour escroquerie et détournement de biens publics vient d’être lancé contre Hussein Salem en Egypte où il était considéré comme le "double" du président déchu Hosni Moubarak. La TSR a retrouvé sa trace à Genève, d'où il a bâti sa fortune dans l'immobilier, l'armement, le gaz et le pétrole.

C’est peut-être à Genève que résident les secrets de la fortune des Moubarak. Car si la Suisse n’a pas été le seul pays à accueillir dans ses banques les milliards du clan, elle a en tout cas abrité durant des décennies celui qui est aujourd’hui considéré comme l’"âme damnée" du président égyptien déchu le 11 février, Hosni Moubarak.

Cet homme, c’est Hussein Salem, l’un des businessmen les plus mystérieux du Moyen-Orient, ami de longue date du président déchu, qui a bâti sa fortune dans l’immobilier, les armes, le gaz et le pétrole. En Egypte, un mandat d’amener vient d’être lancé contre lui pour détournements de fonds publics et escroquerie, alors que les médias égyptiens le décrivent comme le "double" de l'ex-président Moubarak.

Passage éclair

Or c’est depuis Genève, dans un bureau de la rue du Rhône, que Hussein Salem, 82 ans, a piloté ces dernières années son empire, le Hussein Salem Group (HSG). Dès les années 1980, il y a ouvert deux sociétés financières, la Maska SA et la Galaxy Hôtels SA, faisant de fréquents allers et retours entre l’Egypte, la Suisse et l’Espagne, pays où il réside officiellement. Et laissant derrière lui le souvenir d’un redoutable homme d’affaires, très discret sur ses liens avec Hosni Moubarak.

La TSR a appris de plusieurs sources que c’est sur les bords du Léman qu’Hussein Salem s’est rendu, quelques jours avant la chute du régime Moubarak, alors qu’il avait déjà fui l’Egypte. Arrivé le matin de Dubaï, il est reparti le même jour vers 23 heures pour l’Allemagne, annulant sa réservation au Kempinski, le palace genevois où il descend habituellement. Les raisons de ce passage éclair sont obscures.

Sollicités à plusieurs reprises, les administrateurs de ses sociétés genevoises, deux avocats d’affaires de l’étude Croisier Gillioz & Associés, ont refusé de s’exprimer.

Absent de la liste

"Je crains qu’en quelques heures Hussein Salem n’ait réussi à vider certains comptes et à effectuer des transferts", avance l’avocat tunisien Ridha Ajmi, réfugié politique en Suisse depuis 20 ans. A la tête d’une étude ouverte à Fribourg, Ridha Ajmi se démène depuis un mois pour fournir des informations sur la fortune des Moubarak, épaulé par un réseau d’avocats et de journalistes égyptiens.

Le 10 février, agissant pour l’association genevoise "Droit pour tous", il a envoyé à Berne une dénonciation pénale, requérant le gel immédiat des avoirs de 21 personnes. Outre la famille Moubarak, y figurent les hommes d’affaires les plus riches du pays dont le fameux Hussein Salem.

Le 11 février, jour de la chute du régime, le Conseil fédéral a ordonné le gel des avoirs de Moubarak et de ses proches, mais n’a pas inclu Hussein Salem dans sa liste de 12 noms.

Le "parrain" de Sharm el-Sheikh

Le profil d’Hussein Salem et sa proximité avec Hosni Moubarak ont pourtant de quoi retenir l’attention. Les deux hommes, issus d’une famille modeste, sont tous deux nés en 1928. Ils se seraient connus lors de leur service militaire ensemble et ne seraient jamais quittés.

Dès la fin des années 1970, Hussein Salem se lance dans l’immobilier. Il s’impose comme le "parrain" de Sharm el-Sheikh. Son groupe HSG, y  construit une usine de désalinisation, une mosquée et deux complexes hôteliers de grand luxe, en partenariat avec la chaîne suisse Mövenpick. C’est dans l’une de ces résidences qu’Hosni Moubarak s’est aujourd’hui réfugié...

Agathe Duparc et Yves Steiner/gax

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Les affaires de Hussein Salem

Outre l'immobilier, Hussein Salem s'est aussi enrichi avec le commerce des armes. En 1983, il est accusé d’avoir surfacturé au Pentagone, à hauteur de 8 millions de dollars, des équipement militaires américains vendus à l’Egypte. Il plaide coupable, et ses affaires continuent à fleurir. A la fin des années 1990, il est le premier Egyptien à obtenir le feu vert pour faire des affaires avec Israël. En 1999, la East Mediterranan Gas Company (EMG) voit le jour, en partenariat avec un Israélien, Yosef Maiman, un proche de Shimon Peres. Son but est d’approvisionner en gaz l’Etat hébreux. La TSR a appris que ce projet avait été précédemment conçu par d’autres, mais qu’au dernier moment le président Moubarak avait imposé Hussein Salem. En 2008, alors que les livraisons de gaz commencent, le parlement égyptien accuse EGM de vendre le gaz à des prix inférieurs à ceux pratiqués sur le marché mondial. Hussein Salem passe à travers les gouttes, ayant pris soin de revendre en 2007 et 2008 37% de ses parts (sur 65%) dans EGM à des Américains et des Thaïlandais, encaissant ainsi 4,2 milliards de dollars, selon le quotidien israélien Globes.

La question du blocage des "fonds Moubarak"

- Suisse: une demi-heure après l'annonce de la démission d'Hosni Moubarak le 11 février, le Conseil fédéral communiquait qu'il bloquait les fonds appartenant au clan Moubarak, évalués au total à plusieurs dizaines de milliards de francs. L'ordonnance du gouvernement vise douze personnalités égyptiennes: Hosni Moubarak, son épouse Suzanne Thabet, ses deux fils et les épouses de ceux-ci, son beau-frère, ainsi que quatre anciens ministres et l'ex-secrétaire de l'Organisation au Parti national démocratique.

- Union européenne: la décision de geler les avoirs de certains anciens dirigeants égyptiens relève de la compétence des chefs de diplomatie des pays de l'Union européenne qui se réuniront le 21 février pour plancher sur cette question. La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a par ailleurs fait savoir mardi que le ministère égyptien des Affaires étrangères avait demandé de bloquer les avoirs en Europe de certains anciens dirigeants, mais "pas ceux de l'ex-président Hosni Moubarak ni de sa famille".