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La Suisse se prépare à un possible afflux de migrants

Des Égyptiens qui travaillaient en Libye passent un point de contrôle à la frontière tunisienne. [Lefteris Pitarakis]
Des Egyptiens qui travaillaient en Libye passent un point de contrôle à la frontière tunisienne. - [Lefteris Pitarakis]
Pour faire face à un éventuel afflux de migrants en provenance d'Afrique du Nord, la Confédération veut évaluer au cours des deux prochaines semaines tous les scénarios et élaborer des mesures concrètes. De son côté, Simonetta Sommaruga est à Bruxelles pour participer à une table ronde européenne.

Cette réunion entre l'Office fédéral des migrations, les cantons, les Affaires étrangères et les garde-frontière intervient alors que la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga participe à une rencontre sur le sujet à Bruxelles avec les ministres de l'intérieur de l'Union européenne (lire ci-contre).

Première des mesures envisagées pour faire face à un possible afflux de migrants, la surveillance de la frontière sera renforcée à Genève et au Tessin. Les différentes autorités qui ont participé jeudi à la première séance spéciale du comité "Procédure d'asile et hébergement" ont estimé qu'il faut s'attendre à une augmentation du nombre de requérants d'asile en provenance d'Afrique du Nord et des Etats du Maghreb.

La situation étant encore très incertaine, il n'est toutefois pas possible, pour l'heure, d'évaluer l'ampleur de cette hausse, a indiqué l'Office fédéral des migrations (ODM). Actuellement, les structures dans le domaine de l'asile sont conçues pour faire face à environ 15'000 demandes par an. Les cinq centres d'enregistrement et de procédure de la Confédération permettent de traiter jusqu'à 1300 demandes d'asile par mois, un nombre qui peut être porté à 1800 avec l'aide des cantons.

Si les demandes devaient connaître une forte augmentation, les autorités veulent traiter en priorité les demandes d'asile de personnes dont on peut présumer qu'elles ont uniquement migré vers l'Europe pour des raisons économiques. Car dans ce cas, elles devront quitter la Suisse aussi rapidement que possible.

Le débat en Suisse touche donc à la capacité des structures d'accueil, mais aussi à la participation de Berne à la force de sécurisation des frontières extérieures de l'UE, Frontex. L'Administration fédérale des douanes a mis à disposition trois experts. Jeudi, ceux-ci étaient encore en Suisse, dans l'attente d'un appel de Frontex. Deux d'entre eux seront envoyés en Italie dès lundi prochain pour aider à gérer l'afflux de réfugiés d'Afrique du nord, a annoncé jeudi l'Administration fédérale des douanes. Il s'agit du premier engagement de ce genre à la frontière extérieure de Schengen.

Simonetta Sommaruga a indiqué la semaine dernière que des préparatifs étaient déjà en cours, notamment pour trouver de nouveaux lieux d'hébergement. Karin Keller-Sutter juge au contraire les structures d'accueil existantes suffisantes, a déclaré le weekend dernier la conseillère d'Etat saint-galloise et présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police.

Des réfugiés politiques ou des immigrés économiques?

La question du statut des migrants, réfugiés politiques ou immigrés économiques, soulève la controverse au niveau politique. Pour Géraldine Savary, conseillère aux Etats (PS/VD), les Libyens sont des réfugiés politiques qui "risquent la persécution tant que Kadhafi n'est pas tombé", indique-t-elle dans le quotidien "24 Heures" jeudi.

De son côté, Yves Nidegger, conseiller national (UDC/GE), estime qu'il s'agit d'immigrés économiques, "pour preuve, ce sont de jeunes hommes sans famille". Dans "24 Heures" également, le Genevois ajoute que pour faire face à la venue des migrants, il faut développer le contrôle des frontières européennes extérieures.

La séance a réuni des représentants de la conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales, de la conférence directeurs des départements cantonaux de justice et police et des autorités fédérales compétentes, à savoir l'ODM, les départements fédéraux des affaires étrangères et de la défense ainsi que le Corps des gardes-frontière.

L'Italie alarmiste

Le chef italien de la diplomatie Franco Frattini a évoqué mercredi "jusqu'à 300'000 réfugiés" pouvant arriver en Europe. La Commission européenne ainsi que plusieurs Etats-membres estiment ces chiffres "très spéculatifs".

L'Italie redoute un afflux massif sur son île de Lampedusa et espère trouver à Bruxelles un soutien de la part de ses partenaires européens. Plus de 5700 Tunisiens résidant en Libye et des Libyens ont fui depuis le début de la semaine la Libye par la route pour se réfugier en Tunisie, a annoncé mercredi le Croissant rouge qui évoque déjà un "risque catastrophique" d'exode massif.

Le flot d'arrivées s'est encore accentué mercredi avec toujours davantage de Libyens en provenance de Tripoli. La Commission européenne a envoyé des experts aux frontières concernées pour évaluer les besoins effectifs en cas d'exode de la population.

ats/ant/hof

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Adopter une politique commune avec l'UE

La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga est arrivée jeudi à Bruxelles pour une réunion des 27 ministres de l'Intérieur de l'Union européenne (UE). Au coeur des discussions: l'arrivée de réfugiés libyens, tunisiens voire égyptiens aux portes de l'Europe après les révoltes populaires.

"C'est très important de montrer que la Suisse est aussi clairement concernée" par cette question des réfugiés, a déclaré la ministre de la Justice à son arrivée dans la capitale européenne. Elle s'est dite très intéressée à un échange d'informations et à une bonne coordination en matière d'asile lors de cette table ronde.

Personne n'est en mesure de savoir aujourd'hui quel sera l'importance de l'afflux de réfugiés ces prochaines semaines ou ces prochains mois.

"Nous ne devrions pas agir sous la panique, mais nous concerter les uns et les autres", a expliqué Simonetta Sommaruga. Mais vu le nombre de réfugiés qui pourraient être tentés de fuir vers l'Europe et les différents chiffres avancés dans l'UE, la conseillère fédérale socialiste va élaborer avec ses collègues une politique commune. La Suisse travaille sur divers scénarios possibles, selon elle.

Nouvelles condamnations en Suisse

Le Parti socialiste (PS) a condamné jeudi le recours à la violence du régime libyen et appelle la Suisse à prendre des mesures.

Les socialistes helvétiques demandent au Conseil fédéral de réagir en bloquant immédiatement les éventuels avoirs du clan Kadhafi en Suisse. Le PS invite aussi le Conseil fédéral à intervenir auprès de l'ONU afin que "la Cour pénale internationale (CPI) soit saisie d'une plainte pour crimes contre l'humanité".

"La Suisse doit, plus que jamais, s'engager en faveur de populations en lutte pour se libérer du joug que leur infligent dictateurs et tyrans. Et revoir d'urgence les relations qu'elle entretient avec des potentats de tout acabit", écrit le parti dans un communiqué publié jeudi.

Le PS se dit "consterné par l'escalade dramatique actuellement en cours en Libye dont le peuple subit depuis plusieurs jours les exactions du clan Kadhafi". "Les massacres froidement orchestrés par ce sinistre despote et toute sa clique sont particulièrement révoltants", écrit encore le parti.

Dans un communiqué conjoint, l'Action Place Financière Suisse (APF) et la Déclaration de Berne ont aussi exigé jeudi que la Suisse bloque les éventuels fonds restants du clan Kadhafi dans les banques helvétiques.