Les demandes d'asile peuvent déjà être traitées sur l'île italienne de Lampedusa, a déclaré à la SonntagsZeitung la conseillère d'Etat saint-galloise Karin Keller-Sutter, présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police. Celle-ci estime également que les réfugiés "économiques" doivent être logés dans les centres de la Confédération et non attribués aux cantons.
A la Confédération d’agir
On aurait ainsi plus de capacités pour accueillir les "authentiques" réfugiés s'ils devaient venir de Libye en Suisse, a-t-elle expliqué. Pour elle, la Confédération doit donc veiller à ce que l'Italie reprenne les réfugiés venus en Suisse mais déjà enregistrés dans la Péninsule, comme le prévoient les accords de Dublin. Très peu de candidats à l'asile ont été récemment renvoyés en Italie.
Aux Grisons, la conseillère d'Etat Barbara Janom Steiner a lancé un appel à la Confédération afin qu'elle trouve une solution avec l'UE. Selon elle, les réfugiés d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient doivent voir leurs demandes d'asile traitées déjà aux frontières de l'UE et la Suisse peut apporter son aide.
Moyens supplémentaires attendus
En outre, si des réfugiés pour raisons économiques venaient à être attribués aux cantons, il serait alors très difficile de les renvoyer dans leurs pays, a-t-elle expliqué à la Südostschweiz am Sonntag.
Pour sa part, le directeur de Frontex Ilkka Laitinen attend des moyens supplémentaires mis à disposition par la Suisse. Le chef de l'organisation de protection des frontières de l'Union européenne (UE) a expliqué au journal dominical qu'ils seraient engagés dans des opérations aux frontières entre la Grèce et la Turquie, entre la Pologne et l'Ukraine, ainsi qu'entre la Slovaquiie et l'Ukraine.
Ilkka Laitinen estime que moins de 10% des réfugiés arrivés sur l'île de Lampedusa entrent en considération pour une demande d'asile.
Aide suisse aux frontières libyennes
La Suisse a envoyé deux équipes d'intervention humanitaire aux frontières de la Libye, côtés égyptien et tunisien. Avec l'aval des pays concernés, ces experts doivent notamment clarifier les besoins sur le terrain et engager les premières mesures d'urgence, a annoncé le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Une somme d'un demi-million de francs a également été versée au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour l'aide médicale d'urgence. "De nombreuses personnes qui ont fui les troubles et les violences en Libye arrivent épuisées en Egypte et en Tunisie et ont besoin de soutien", a expliqué le DFAE. La Suisse va donc apporter sa contribution pour soulager les souffrances de ces personnes.
Les deux équipes d'intervention rapide (EIR) devaient arriver ce week-end sur le terrain. Elles sont composées respectivement de quatre et de deux membres du Corps suisse d'aide humanitaire (CSA). Sur le terrain, les experts vont déterminer les besoins et engager les premières mesures d'urgence en collaboration avec les autorités locales et les organisations partenaires.
Il s'agira également d'examiner les canaux de transport et les structures de distribution pour l'aide humanitaire. "La situation humanitaire en Libye et dans les régions frontalières est précaire, il est toutefois difficile à l'heure actuelle d'en évaluer l'ampleur", a reconnu le DFAE. La Suisse a également dépêché un spécialiste du CSA à Tunis et un autre au Caire afin de renforcer le personnel de ses ambassades.
ap/ats/bkel
Des réfugiés par dizaines de milliers
"Près de 100’000 personnes", des travailleurs égyptiens et tunisiens principalement, ont fui la Libye dans les pays voisins où le Haut commissariat aux Réfugiés (HCR) tente de leur venir en aide, selon un communiqué qui parle de "crise humanitaire" et appelle à l'aide internationale.
"Les équipes de secours du Haut commissariat aux Nations unies oeuvrent avec les autorités tunisiennes et égyptiennes et les ONG pour apporter un soutien à près de 100’000 personnes ayant fui la violence en Libye la semaine dernière", a indiqué le HCR. Selon son communiqué à Genève, il s'agit majoritairement d'immigrants étrangers, principalement des Egyptiens et des Tunisiens.
Le Croissant-Rouge avait auparavant indiqué que plus de 10’000 personnes avaient fui la Libye vers la Tunisie par le poste frontière de Ras Jedir, pour la seule journée de samedi, des Egyptiens pour la plupart, créant une situation qualifiée de "crise humanitaire".
Ces arrivées sont venues s'ajouter aux 40’000 réfugiés recensés par le gouvernement tunisien depuis le 20 février et aux 55’000 recensé depuis le 19 février par le gouvernement égyptien, a précisé le HCR.
"Nous apportons une assistance à la Tunisie et l'Egypte pour aider toute personne fuyant la Libye sans exception", a souligné le Haut commissaire aux réfugiés, Antonio Guterres. "Nous appelons la communauté internationale à répondre rapidement et généreusement pour permettre à ces gouvernements de répondre à cette crise humanitaire", a-t-il ajouté, dans le communiqué.
L'Office des migrations se dit prêt
La Confédération peut gérer actuellement 1200 demandes de requérants d'asile par mois, pour lesquels elle dispose de places. Ces demandes peuvent être traitées rapidement. Ensuite, les requérants sont répartis sur les cantons, rappelle la vice-directrice de l'Office des migrations (ODM).
Cette infrastructure peut être étendue à 1800 places au maximum, précise Eveline Gugger Bruckdorfer dans une interview au journal dominical Sonntag. Il sera difficile d'aller au-delà en cas d'afflux plus important de réfugiés en provenance des pays arabes en révolte.
"Nous nécessiterions alors des bâtiments dont nous ne disposons pas actuellement. Mais nous cherchons des solutions. Au final, il appartient aux cantons de développer leurs structures".
En cas d'arrivée très importante de réfugiés, la Suisse serait dans une situation d'urgence absolue: il faudrait alors recourir temporairement à des installations de la protection civile, explique la vice-directrice de l'ODM, qui rappelle que personne ne veut "vendre" publiquement ses réserves trop tôt. De plus, les installations de la protection civile ne permettent pas d'héberger des familles pendant des mois.
Selon Eveline Gugger Bruckdorfer, l'expérience montre qu'il faut quatre à cinq semaines avant que les réfugiés n'arrivent en Suisse. "Les autorités impliquées savent que quelque chose les attend. Et elles entendent prendre leurs responsabilités", souligne-t-elle.