La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a apporté lundi devant le Conseil des droits de l'homme son soutien aux transitions en cours dans les pays arabes. Elle a affirmé que Kadhafi et son entourage devront rendre des comptes et a dénoncé "la tyrannie" en Iran. "Il est temps pour Kadhafi de partir, sans autre violence ou retard", a-t-elle dit. Elle n'a pas exclu des mesures supplémentaires de la communauté internationale.
"Un impératif stratégique"
Soutenir les transitions en cours vers la démocratie dans le monde arabe est "un impératif stratégique", a affirmé la secrétaire d'Etat américaine. "Les Etats-Unis sont prêts à soutenir une transition dans l'ordre, pacifique et irréversible", a déclaré la responsable américaine. "Nos valeurs et nos intérêts convergent, car soutenir ces transitions n'est pas seulement une affaire d'idéal, c'est un impératif stratégique", a-t-elle dit, en promettant une aide économique.
Hillary Clinton a plaidé pour une très large ouverture démocratique dans le monde arabe. "Nous espérons que les dirigeants militaires en Egypte vont lancer un processus de réformes incluant tous les représentants de la société", a-t-elle affirmé. "Les Egyptiens demandent des mesures concrètes avant les élections, des réformes constitutionnelles, la libération des prisonniers politiques et la levée de l'état d'urgence", a-t-elle souligné.
Hillary Clinton a enchaîné en dénonçant "la tyrannie" en Iran et accusé les autorités de Téhéran d'avoir ordonné des tirs contre des manifestants pacifiques et d'attaquer des militants des droits humains. Elle a annoncé que son pays va présenter au Conseil des droits de l'homme un projet de résolution demandant la création d'un poste de rapporteur spécial sur l'Iran, un poste qui avait été supprimé il y a quelques années.
"Pourquoi les gens en Libye ont-ils surmonté la peur, et pas à Téhéran?" a demandé la secrétaire d'Etat. Elle a invité le Conseil des droits de l'homme de maintenir la pression et à envoyer un "message fort". Hillary Clinton a cité en exemple le résultat de la session spéciale sur la Libye, vendredi, et sa recommandation de suspendre la Libye comme membre du Conseil.
Micheline Calmy-Rey à la tribune
Ce matin, en ouvrant la session régulière du Conseil des droits de l'homme aux côtés de la Haut Commissaire Navi Pillay et du président de l'Assemblée générale de l'ONU et ex-conseiller fédéral Joseph Deiss, la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey a affirmé que des crimes contre l'humanité ont été commis et continuent à être commis en Libye.
"Le nombre de morts et de blessés parmi les manifestants pacifiques résultant de l'usage excessif de la force par les autorités est choquant. Que cela soit au Moyen-Orient, en Afrique du Nord ou dans toute autre région du monde, ces développements sont inacceptables. La Suisse les condamne avec fermeté", a affirmé la présidente de la Confédération.
"La Suisse condamne particulièrement les exécutions extrajudiciaires de manifestants par les forces de sécurité libyennes. Les informations dont nous disposons aujourd'hui laissent à penser que des crimes contre l'humanité ont été commis et continuent à être commis par le gouvernement libyen", a poursuivi la cheffe du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). "Ces violences doivent cesser immédiatement. Les auteurs de ces crimes doivent être poursuivis. A cet égard, la Suisse salue la décision prise par le Conseil de Sécurité de saisir la Cour pénale internationale pour qu'elle enquête sur la situation en Libye".
"L'usage de la violence indiscriminée face à des populations éprises de liberté et de démocratie, face à des populations qui expriment pacifiquement leur désir de justice sociale, est inadmissible et ne restera pas impuni. La communauté internationale ne permettra pas que de tels actes se produisent et réagira fermement", a-t-elle ajouté.
La cheffe du DFAE a aussi loué "le courage et la détermination" des manifestants pacifiques dans les pays arabes. "Nous ne sommes qu'au début d'un processus. La tâche reste immense si nous voulons faire des droits tant économiques, sociaux et culturels que civils et politiques une réalité quotidienne pour les populations du monde", a proclamé la conseillère fédérale.
Joseph Deiss: "La situation est choquante"
De son côté, le président de l'Assemblée générale de l'ONU, Joseph Deiss, a qualifié la situation en Libye de "profondément choquante". Il s'est exprimé à l'ouverture des débats du Conseil des droits de l'homme aux côtés de Micheline Calmy-Rey.
"Les foules se sont levées. Elles attendent de la communauté internationale, de l'Assemblée générale de l'ONU, du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l'homme qu'ils défendent les droits de l'homme avec rigueur morale et sans compromission", a déclaré l'ex-conseiller fédéral. "Elles attendent que nous disons clairement aux régimes pervers que leur temps est terminé, qu'ils doivent s'en aller et rendre des comptes", a lancé Joseph Deiss.
"La situation en Libye est profondément choquante" et nous avons "le devoir moral au nom de l'humanité de ne pas laisser impunies ces violations", a ajouté le Fribourgeois. Il a précisé que l'Assemblée générale de l'ONU discutera mardi après-midi à New York de la suspension de la Libye du Conseil des droits de l'homme, décidée vendredi à l'unanimité par le Conseil lors d'une session extraordinaire.
agences/cht/hof
Sanctions de l'UE contre la Libye
Les gouvernements de l'Union européenne ont adopté lundi un train de sanctions contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi et son gouvernement.
Il comprend notamment une interdiction de se rendre sur le territoire de l'UE et un embargo sur les livraisons d'armes.
Les Etats de l'UE ont aussi décidé de bloquer les avoirs de Kadhafi, de sa famille et de son gouvernement et d'interdire la vente de produits tels que les gaz lacrymogènes et le matériel antiémeutes susceptibles d'être utilisés contre des manifestants.
La liste des personnes visées par les gels d'avoirs et les interdictions de voyager "est plus longue que celles des Nations unies", qui comportaient respectivement six et seize noms, a précisé un diplomate européen.
La décision, approuvée lors d'une réunion ministérielle à Bruxelles, a été avancée pour permettre son application la plus rapide possible. Les mesures devraient pouvoir entrer en vigueur dès lundi.
La CPI se penche sur le cas libyen
Le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a commencé lundi à examiner les violences commises depuis mi-février contre la population civile en Libye afin d'établir si elles constituent des crimes contre l'humanité.
L'examen préliminaire mené depuis lundi est l'étape préalable à toute ouverture d'enquête et à l'émission de mandats d'arrêt par la CPI, premier tribunal international permanent chargé de juger les auteurs de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide.
Saisi samedi par le Conseil de sécurité des Nations unies, le procureur doit dans un premier temps établir s'il existe "une base raisonnable de croire qu'un crime relevant de la compétence de la Cour a été ou est en voie d'être commis", selon le statut de Rome, texte fondateur de la CPI.
Lors de cette première étape, le bureau du procureur collecte et analyse des informations obtenues auprès de sources variées. Des contacts avec des organisations internationales, telles que la Ligue arabe et l'Union africaine, vont ainsi être pris.
Le bureau du procureur souhaite également examiner des photos et des vidéos confirmant que des crimes présumés ont été commis.
C'est la deuxième fois dans l'histoire de la CPI, entrée en fonction en 2002, que le bureau du procureur est saisi directement par le Conseil de sécurité des Nations unies. En 2005, le Conseil de sécurité avait demandé à Luis Moreno-Ocampo d'enquêter sur les violences commises au Darfour, conduisant à la délivrance de mandats d'arrêt contre le président soudanais Omar el-Bechir pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, en mars 2009 et juillet 2010.