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Le National ne veut pas imposer les bonus

Le Conseil national le 28 février 2011. [Peter Schneider - Keystone]
L'UDC, le PLR et une partie du PDC ont fait pencher la balance en faveur d'une non-entrée en matière. - [Peter Schneider - Keystone]
Le National veut présenter une alternative à l'initiative populaire "contre les rémunérations abusives" mais pas imposer les bonus. Saisi de deux contre-projets indirects du Conseil des Etats, il a rejeté mercredi celui qui prévoyait un volet fiscal et décidé d'examiner l'autre. L'initiant Thomas Minder a réagi, critiquant le Parlement.

Après un vote d'entrée en matière acquis par 100 voix contre 88, ce texte retourne à la commission préparatoire pour l'examen de détail. L'imposition des bonus dès 3 millions de francs a en revanche eu raison de l'autre variante qui était sinon en tous points identique à la première.

Par 97 voix contre 92, l'UDC, le PLR, le PBD et quelques PDC ont fait pencher la balance en faveur d'une non-entrée en matière. La limite de 3 millions est arbitraire et on ne peut pas introduire un nouvel impôt dès qu'il y a un problème, a argumenté Pirmin Schwander (UDC/SZ). Quant à l'initiant, Thomas Minder, il a fustigé la lenteur du Parlement (lire ci-contre).

L'initiative de Thomas Minder a trouvé du soutien sous la coupole fédérale.
L'initiative de Thomas Minder a trouvé du soutien sous la coupole fédérale.

L'UDC préférerait encore ne pas proposer d'alternative à l'initiative Minder, a-t-il ajouté. Le "projet combiné" est inacceptable, a renchéri la cheffe du groupe libéral-radical Gabi Huber (UR).

Transformer les bonus en bénéfice imposable serait unique au monde, même l'initiative ne le réclame pas. Il faut renforcer les droits des actionnaires en examinant l'autre projet sans réglementation fiscale.

Aucun progrès

La gauche a plaidé en vain pour la solution inverse. Trois ans après le dépôt de l'initiative, aucun progrès n'a été fait et les abus de rémunération se poursuivent, a critiqué Susanne Leutenegger Oberholzer (PS/BL). "Les partis bourgeois préfèrent les manoeuvres tactiques qui ne font que couvrir les profiteurs." Pirmin Bischof (PDC/SO) a soutenu le camp rose-vert.

Il ne s'agit pas d'introduire un nouvel impôt, les entreprises resteraient libres de verser les rémunérations qu'elles veulent, mais au-delà de 3 millions, elles seraient considérées comme des parts de bénéfices. "Si on veut lutter contre les abus, on ne peut pas les favoriser sur le plan fiscal."

Situation très complexe

La situation n'a jamais été aussi complexe, a constaté Simonetta Sommaruga. Un nouveau renvoi de la balle au Conseil des Etats ne serait pas compris par la population, a-t-elle averti. Il serait interprété comme une incapacité du Parlement à adopter un contreprojet meilleur que l'initiative, a estimé la cheffe de justice et police.

Faute d'accord entre les deux conseils, l'initiative Minder sera soumise seule au peuple et selon le Conseil fédéral, elle a de fortes chances d'être acceptée. Seul le contre-projet indirect incluant l'imposition des bonus est une vraie alternative: elle renforce les droits des actionnaires en matière de rémunération en leur laissant la flexibilité nécessaire pour agir conformément au marché, a estimé la conseillère fédérale.

Actionnaires renforcés

Selon le projet de la Chambre des cantons, les actionnaires devraient se prononcer chaque année sur les indemnités du conseil d'administration et sur le règlement de rémunération. Le texte prévoit d'interdire aussi les indemnités de départ - les "parachutes dorés" - et les primes anticipées, mais en autorisant des exceptions à soumettre à l'assemblée générale.

Par ailleurs, les collaborateurs pourraient être contraints de restituer des indemnités en cas de mauvaises performances.

Roman fleuve

L'initiative de Thomas Minder a donné du fil à retordre au Parlement avant même qu'il ne soit question d'imposer les bonus. Le National a d'abord adopté un mot d'ordre favorable mais aussi décidé de lui opposer un contre-projet direct, qui serait soumis parallèlement au vote du peuple.

Certains avaient alors voulu damer le pion à Christoph Blocher qui s'était allié à Thomas Minder pour prôner une révision de la loi en échange du retrait de l'initiative. Partisans de cette solution, gauche et PDC voulaient aussi permettre au peuple de se prononcer sans trop attendre.

Mais face au souhait du Conseil des Etats de régler la question via une révision de la loi, la Chambre du peuple a ensuite, par une courte majorité, tourné casaque. Elle a gelé son projet en attendant la proposition de la Chambre des cantons.

ats/cht/hof

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Thomas Minder critique le Parlement

Thomas Minder, l'auteur de l'initiative populaire "contre les rémunérations abusives", a critiqué mercredi les tergiversations du Parlement après la décision du Conseil national de renvoyer le contre-projet en commission. Mais il n'attendait rien d'autre.

Son initiative fait ainsi un détour supplémentaire et Thomas Minder compte avec une deuxième prolongation du délai pour traiter son texte, a-t-il confié à l'ATS, après avoir suivi les débats de la matinée au National.

Il estime très peu probable que ce "Parlement léthargique" traite encore le projet durant la session d'été. La conséquence serait donc une seconde prolongation du délai de traitement, a dit l'initiant. Il conserve tout de même un vague espoir: peut-être que le Parlement va sortir de sa torpeur en réalisant qu'il ne peut pas faire avaler au peuple un nouveau report.

Au bout du compte, les deux Chambres ont suffisamment prouvé qu'elles sont incapables de traiter une initiative bien formulée, que ce soit au niveau du contenu ou du temps, critique Thomas Minder. Selon lui, les commissions sont beaucoup trop grandes et plus elles tiennent de séances, plus leurs membres touchent des jetons de présence.

Les élections fédérales de l'automne ne changeront rien à ces faiblesses du système, estime le patron de l'entreprise schaffhousoise de produits cosmétiques Trybol. Pour pallier ce problème, il mise sur une nouvelle initiative qu'il est en train de concocter. Elle exigerait que les initiatives soient soumises au peuple dans un délai d'un an, sans être traitées par le Parlement.

Si son initiative "contre les rémunérations abusives" est soumise un jour au souverain, elle sera acceptée, pense Thomas Minder. C'est ce qu'indiquent aussi les sondages. Mais si elle passe uniquement pour donner une leçon aux parlementaires de Berne plutôt que pour son contenu, c'est indigne d'une démocratie directe, déplore l'entrepreneur.

En voyant le sort de son initiative, déposée il y a 37 mois, Thomas Minder ne s'étonne pas du mécontentement qui règne envers le monde politique.