Il faut se demander si un tremblement de terre de l'ampleur de celui qui a eu lieu vendredi au Japon peut se produire en Suisse, a indiqué dimanche à l'ATS le conseiller des Etats soleurois Rolf Büttiker (PLR).
"Cet accident fait réfléchir"
Conseiller d'administration de la centrale nucléaire de Leibstadt (AG), il a reconnu que les pro-atome doivent désormais se poser des questions désagréables. Se contenter de répondre qu'un tel événement n'arrivera pas chez nous, ne suffit pas, selon lui.
"Oui, cet accident fait réfléchir", a dit de son côté le conseiller national Jean-Pierre Graber (UDC/BE). Si la votation sur Mühleberg dans le canton de Berne avait eu lieu après le drame japonais, la construction de la nouvelle centrale aurait probablement été refusée, a admis le partisan de l'atome.
"Mais il faut se rendre à l'évidence, l'énergie atomique couvre aujourd'hui 40% de nos besoins en électricité", a-t-il poursuivi. Pour lui, la construction de nouvelles centrales reste donc nécessaire, mais il faut prendre toutes les mesures pour minimiser les risques.
Les Verts montent au créneau
Les Verts, eux, ont demandé samedi que le Conseil fédéral suspende le processus en vue de construire trois nouvelles centrales en Suisse. Par ailleurs, le gouvernement doit revenir sur sa décision d'autoriser la centrale atomique de Mühleberg à poursuivre sa production sans limite de temps, ont exigé les écologistes.
La Suisse aussi a vécu des tremblements de terre importants, comme celui de force 7 il y a 600 ans, a rappelé Geri Müller, président de la Fondation suisse de l'énergie. Les centrales les plus récentes résisteraient à un séisme de force 5, mais pas Mühleberg, a estimé le conseiller national écologiste argovien.
L'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) avait conclu dans une expertise rendue en 2002 que le site bernois n'était pas conçu pour des tremblements de terre, ont rappelé les Verts. Les socialistes bernois aussi ont demandé samedi un arrêt rapide de la centrale.
Le groupe parlementaire des Verts va réclamer lundi un débat spécial au parlement sur les conséquences de l'accident de Fukushima. Il exige en outre du Conseil fédéral de faire contrôler rapidement et complètement la sécurité des sites en Suisse par des spécialistes indépendants, a-t-il annoncé dimanche dans un communiqué.
Pas de séance de crise
Contrairement à certains gouvernements voisins de la Suisse, le Conseil fédéral n'a pas prévu de séance de crise pour l'instant, a indiqué dimanche Harald Hammel, porte-parole du Département fédéral de l'énergie (DETEC). Il est trop tôt pour faire des comparaisons entre les centrales nucléaires suisses et japonaises ou tirer des conclusions en termes de sécurité, avait expliqué le DETEC samedi.
L'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) ne voit pas non plus de raison d'agir pour le moment. Après l'analyse des événements au Japon, il faudra évaluer si des changements sont nécessaires, a indiqué Georg Schwarz, chef de la division technique des installations.
Mais si un séisme de l'ampleur de celui qui a secoué le Japon vendredi (8,9 sur l'échelle de Richter) devait avoir lieu en Suisse, les installations atomiques du pays rencontreraient aussi des problèmes. "Nos centrales ne sont pas construites pour faire face à de telles secousses", a admis George Schwarz.
Les radiations japonaises pas menaçantes
Même si la centrale atomique japonaise commençait à émettre une grande quantité de radiations, la Suisse ne serait pas menacée, a relevé de son côté Christian Fuchs, porte-parole de la Centrale nationale d'alarme (CENAL). Le Japon est beaucoup trop loin pour faire courir un danger direct à la Suisse. Les appareils de mesure n'ont pas enregistré d'augmentation des radiations en Europe, a-t-il ajouté.
Il se peut toutefois que l'on constate des variations dans quelques jours ou quelques semaines. Le porte-parole a aussi reconnu que pour l'instant, il est très difficile d'évaluer la quantité de radiations émises par les deux réacteurs japonais qui dysfonctionnent.
ats/bkel
La Suisse n'est pas seule à s'interroger
La Suisse n’est pas la seule à s’inquiéter des incidents qui se sont déclarés dans des centrales nucléaires japonaises à la suite du séisme qui a frappé l’île. Dans de nombreux Etats, le débat sur le nucléaire civil a été ravivé suite à la catastrophe.
Le ministre autrichien de l'Environnement Nikolaus Berlakovich compte demander à la suite des événements au Japon un "’stress test’ des centrales nucléaires en Europe", semblable aux tests passés par les banques lors de la crise financière, a-t-il déclaré lors d'un entretien télévisé sur la chaîne publique ORF2. Le ministre a précisé qu'il allait aborder le sujet lundi à Bruxelles lors d'un conseil des ministres de l'Environnement.
L'opposition et les écologistes allemands ont relancé samedi avec force leurs appels à la fin de l'atome civil, qui fait selon eux courir des risques "totalement indéfendables" à la population.
Angela Merkel, dont le gouvernement conservateur-libéral a fait voter à l'automne 2009 l'allongement de la durée des vies des 17 réacteurs nucléaires du pays, a aussitôt convoqué une réunion de crise avec plusieurs ministres, suivie d'une conférence de presse et d'une réunion téléphonique avec les chefs des groupes parlementaires.
Le ministre britannique de l'Energie Chris Huhne a déclaré que des leçons devaient être tirées de ce qui s'est passé dans les centrales nucléaires japonaises à la suite du tremblement de terre, lors d'un entretien sur la télévision BBC dimanche.
"J'ai demandé à notre régulateur, ou autorité de sûreté nucléaire, d'examiner avec attention l'expérience japonaise, afin d'en tirer toutes les leçons nécessaires, à la fois pour nos réacteurs existants et pour tout nouveau programme nucléaire", a dit Chris Huhne, assurant que "la sécurité est notre priorité numéro un".
Greenpeace a appelé dimanche le gouvernement espagnol à mettre en oeuvre sa promesse de fermer les six centrales nucléaires du pays, à la lumière des risques d'accident nucléaire auxquels est confronté le Japon depuis le séisme de vendredi.
Enfin, le sénateur américain Joe Lieberman a estimé dimanche que les Etats-Unis devraient "faire une pause" dans le développement de centrales nucléaires à la suite du séisme de vendredi.