Au lieu de 800 millions, la réforme transmise au Parlement devrait tailler 325 millions de francs par an entre 2015 et 2025 dans les comptes de l'AI, a annoncé vendredi à la presse le ministre de l'intérieur Didier Burkhalter. L'assainissement visé par le second volet de la 6e révision de l'AI n'en sera pas moins plus rapide que prévu.
Les précédentes révisions ont porté davantage de fruits qu'escompté. Et grâce au mécanisme de financement additionnel (hausse temporaire de la TVA notamment), l'AI bénéficiera jusqu'à fin 2017 de 14 à 15 milliards de francs de recettes, a expliqué le conseiller fédéral. Les économies peuvent donc être "un peu moins strictes".
Mesure phare de la réforme, le remplacement des échelons de rentes par des rentes linéaires pour inciter les bénéficiaires à travailler plus est maintenu, mais l'allègement des comptes est revu de 400 à 150 millions par an entre 2015 et 2025.
10% de rentiers pénalisés
Cette mesure avait déclenché une levée de boucliers en consultation car près de 40% des bénéficiaires auraient vu leur rente baisser. Le projet final propose des réductions pour 14% des rentes mais grâce aux prestations complémentaires, moins de 10%, soit 26'000 personnes, devraient être pénalisées. Les plus de 55 ans seront protégés par une garantie des droits acquis.
Les rentiers invalides à 70% devront en revanche faire des efforts d'intégration sur le marché du travail: la rente pleine ne devient accessible qu'à partir de 80%. Les rentes complémentaires allouées aux rentiers ayant des enfants mineurs à charge seront réduites de 40 à 30% de la rente AI, mais une période transitoire de trois ans a été ajoutée pour les rentes parentales déjà octroyées.
L'économie serait ainsi révisée de 200 à 120 millions par an de 2015 à 2025. Détection précoce Un autre tour de vis est prévu pour le remboursement des frais de voyage, que le gouvernement estime trop généreux. Le projet poursuit les efforts de la précédente révision en matière de prévention et de réinsertion, notamment pour les personnes ayant des problèmes psychiques.
Pas question en revanche d'imposer des mesures contraignantes aux employeurs. "Ce n'est pas dans la ligne du Conseil fédéral", a justifié Didier Burkhalter. Mais si les finances de l'AI se dégradent trop, le Conseil fédéral devra présenter un message au Parlement pour rétablir l'équilibre et des mesures pour inciter les employeurs à engager davantage de personnes handicapées.
Discussions difficiles
En attendant un tel cas de figure, la nouvelle révision doit d'abord passer le cap du Parlement, voire du peuple. Avec l'accélération du désendettement et les assouplissements dans les économies, les chances sont un peu meilleures, a estimé le ministre. Mais "il y aura des discussions difficiles sous la Coupole et dans la population", a-t-il reconnu. De fait, elles ont commencé immédiatement après la présentation du projet du Conseil fédéral.
Didier Burkhalter devra notamment faire face au PLR et à l'UDC qui l'accusent d'avoir trop lâché la bride. Comme economiesuisse, les deux formations exigent un retour au premier projet de révision qui prévoyait 800 millions de francs d'économies. La fédération des entreprises doute que le Conseil fédéral puisse tenir sa promesse de limiter jusqu'en 2017 la hausse de la TVA en faveur de l'AI. Le PDC lui est plutôt satisfait. Mais il s'oppose catégoriquement à la réduction des rentes pour enfants.
ats/pym/olhor
La gauche opposée à la réforme
Le Parti socialiste et les syndicats restent opposés à toute nouvelle réforme de l'assurance invalidité.
Pour le PS, cette nouvelle révision intervient beaucoup trop vite: "l'impact des deux précédentes n'a même pas encore été mesuré", dénonce-t-il vendredi dans un communiqué.
Car rien ne dit en effet qu'elle soit nécessaire. Et si cela devait être le cas, "il est inutile de la mener au pas de charge, d'autant plus qu'elle se résume exclusivement à de nouvelles coupes dans les prestations".
L'Union syndicale suisse voit dans le "projet de démantèlement de l'AI" du Conseil fédéral une violation du principe de politique sociale qui avait toujours été appliqué jusqu'à ce jour.
Travail.Suisse souligne que le problème actuel ne réside pas dans le manque d'incitations à travailler mais dans le fait qu'il n'y tout simplement pas de places de travail pour les rentiers AI. Il faut donc obliger les employeurs à engager des personnes handicapées.
A droite également on critique la proposition du Conseil fédéral. Mais pas pour les mêmes raisons.
Le PLR exige un retour au premier projet, qui prévoyait 800 millions de francs d'économie. Le Parlement et le Conseil fédéral doivent respecter sa promesse faite au peuple d'assainir complètement l'AI lorsque ce dernier a accepté une hausse temporaire de la TVA pour la financer, écrit le PLR.