Tenant compte de la précarité financière de l'accusée, la Cour a annulé ses 1000 francs de contravention. Elle lui a toutefois infligé 100 francs d'amende, assortie d'une peine privative de liberté d'un jour en cas de non paiement, et 100 francs de frais.
Dizaines de procès à venir
Dina Bazarbachi et Doris Leuenberger, les deux avocates de l'association de défense des Roms à Genève Mesemrom, ont annoncé qu'elles feront appel.
Dès l'ouverture de l'audience lundi après-midi, les deux avocates ont soulevé une série d'incidents pour s'épargner d'avoir à plaider sur le fond en cas d'admission par la Cour, mais aussi pour éviter les autres procès prévus. Des dizaines d'opposition à des amendes seront traitées par le Tribunal de police ces prochaines semaines, selon Me Bazarbachi. Elles concernent une cinquantaine de mendiants roms.
Pour les avocates, le service des contraventions n'est pas compétent pour adresser des documents judiciaires en Roumanie car Genève n'a désigné aucune autorité administrative d'entraide judiciaire. De plus, cette entraide doit être exclue pour les infractions de moins de 300 francs mais aussi parce que la mendicité n'est pas réprimée en Roumanie.
Deux millions de francs réclamés
En outre, la procédure est irrecevable car discriminatoire. Or seuls les Roms sont visés par des contraventions pour mendicité. Enfin, les dossiers sont incomplets: ils ne mentionnent pas les montants saisis par la police.
La mendicité est interdite à Genève depuis 2008. Depuis fin 2009, plus de 10'000 amendes de 130 à 2'500 francs, soit plus de 2 millions de francs, ont été adressées à environ 200 Roms domiciliés en Roumanie. Et sur les 1186 contraventions pour mendicité notifiées à des Roms depuis début 2011, 1075 concernent des Roumains.
L'utilité des amendes mise en doute
Le Tribunal de police ayant rejeté tous les incidents, l'audience a pu reprendre. La prévenue, âgée de 24 ans, a admis les faits. A défaut d'avoir trouvé un travail, elle est contrainte de mendier pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille en Roumanie. Ces difficultés matérielles des Roms en Roumanie ont aussi été évoquées à la barre par deux membres de Mesemrom.
Auparavant, cinq policiers ont confirmé avoir dressé des amendes à l'encontre de la prévenue. Tous ont indiqué le faire sur la base d'une pièce d'identité. En revanche, ils n'ont jamais saisi d'argent. "Souvent, ils n'ont qu'un petit pécule sur eux", a raconté l'un d'entre eux.
Les avocates ont plaidé l'acquittement et, en cas de condamnation, l'exemption de toute peine. A leurs yeux, l'amende n'apporte aucune solution à la situation misérable des Roms tout en coûtant une fortune à l'Etat. Faisant appel à l'humanité des juges, elles leur ont demandé de ne pas appliquer aveuglément la loi. En vain.
ats/cer