"C'est une journée historique", a souligné Doris Leuthard devant la presse. Le premier réacteur à être mis hors service devrait être Beznau I en 2019, Beznau II et Mühleberg suivraient en 2022. La centrale de Gösgen serait fermée en 2029 et celle de Leibstadt en 2034.
Ces dates sont néanmoins théoriques. Il n'est pas exclu qu'un réacteur garantissant toute sécurité puisse être exploité pendant 60 ans, a dit la ministre de l'énergie, longtemps donnée comme une partisane du nucléaire en raison des mandats précédant son accession au gouvernement. "Il faut faire confiance aux experts."
Centrales sûres
Le Conseil fédéral a tranché après une séance de quatre heures et communiqué plus rapidement que prévu pour éviter les fuites. Malgré la catastrophe de Fukushima, il ne voit "aucune raison de décréter un arrêt anticipé des installations", une "exploitation sûre" étant garantie, a précisé Doris Leuthard.
En cas d'arrêt anticipé, la sécurité de l'approvisionnement énergétique du pays serait remise en question et la Confédération devrait indemniser les exploitants. Actuellement, la production électrique se compose de 56% de force hydraulique, 39% de nucléaire et de 5% d'autres sources.
La troisième option examinée, soit le statu quo, a elle aussi été écartée. La catastrophe de Fukushima, au Japon, a fait apparaître des risques résiduels trop importants. Un autre aspect plaide en faveur d'un abandon de l'atome: l'augmentation prévisible du prix de revient du courant nucléaire liée aux investissements dans la sécurité ou à l'élimination des déchets par exemple.
Courant plus cher
Mais l'abandon progressif du nucléaire a un prix. Il faudra en particulier rénover un réseau électrique vieilli. Selon le Conseil fédéral, la réorientation de l'approvisonnement électrique du pays coûtera 0,4 à 0,7% du produit intérieur brut par an, soit 2,2 à 3,8 milliards de francs.
Le consommateur risque de débourser 10% à 15% de plus pour son courant, a précisé Pascal Previdoli, directeur suppléant de l'Office fédéral de l'énergie. Mais la note finale dépendra de beaucoup de facteurs. Pour financer la sortie du nucléaire, de nombreuses pistes sont à l'étude dont une taxe incitative et un centime énergétique.
Chance pour la Suisse
D'un autre côté, construire une nouvelle centrale nécessiterait 6 milliards d'investissements, a relevé Doris Leuthard. Et abandonner le nucléaire "est une chance pour la Suisse" aux yeux de l'Argovienne. Elle promet des investissements importants dans le développement de technologies innovantes et un attrait accru pour les investisseurs.
Les énergies renouvelables représentent pour l'instant moins de 1% du mix électrique du pays. Le Conseil fédéral veut les doper. Il table aussi sur des économies accrues d'énergie, le développement de la force hydraulique, des centrales à gaz et des importations de courant.
Toujours du nucléaire
Le nucléaire ne disparaîtra ainsi pas complètement des foyers suisses. Selon la conseillère fédérale, il n'est pas possible de l'exclure des importations européennes, mais celles-ci sont destinées avant tout à éviter une pénurie de courant. Les Chambres fédérales se prononceront sur le dossier lors de la session de juin.
Le Conseil fédéral adaptera ensuite sa stratégie en fonction des décisions parlementaires. Il espère pouvoir mettre un projet en consultation en été 2012. Il faut trouver un consensus au sein de l'économie et de la société en faveur du changement, a expliqué Mme Leuthard. "Ce ne sera pas simple, mais nous avons le temps."
Les réactions politiques et des milieux intéressés n'ont pas tardé après la proposition du gouvernement. Dans le détail: Sortir du nucléaire en 2034
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ats/vkiss