Les équipes de Hans Wolff et Ariel Eytan, des Départements de psychiatrie et de médecine communautaire des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), ont analysé les dossiers de 2195 détenus - dont 5% de femmes - ayant quitté la prison de Champ-Dollon en 2007. L'âge moyen des prisonniers était de 29 ans et demi.
Addictions très présentes
Premier constat, les symptômes sans diagnostic précis (insomnie, douleurs dorsales, anxiété) sont très répandus, touchant 926 détenus (42%). Les abus de substances encore plus, avec 1562 détenus (71%) s'y adonnant: 61% fument du tabac, 40% prennent au moins une drogue illégale (cannabis, cocaïne, héroïne) et 35% consomment une quantité excessive d'alcool.
Des maladies infectieuses ont été diagnostiquées chez 23,5% des détenus et des problèmes de médecine générale interne chez 30%. Ces derniers se répartissent principalement en problèmes de peau (27%), troubles musculo-squelettiques (19%), digestifs (15%) ou respiratoires (14%).
Si l'on exclut les abus de substances, les problèmes psychiatriques touchent 16% des hommes et 25% des femmes. Enfin, 18% des détenus présentaient des blessures, et 10% affirmaient avoir été victimes de violences au cours de leur arrestation.
Première étude du genre
Cette étude est la première à détailler un large spectre de problèmes de santé touchant les détenus dans un prison préventive suisse, écrivent les auteurs dans la revue "BMC Public Health". Il s'agit d'une population principalement migrante, avec 115 nationalités différentes représentées dans le collectif. Sur les détenus ayant eu au moins une consultation médicale, 93% étaient d'origine étrangère.
Les chercheurs soulignent que par rapport à la population générale, la prévalence de la tuberculose, de l'hépatite C et de l'usage d'héroïne est plus de dix fois supérieure chez les prisonniers de Champ-Dollon. Ils soulignent la vulnérabilité des détenus et la nécessité d'un dépistage des maladies infectieuses et de mesures de confinement de ces patients.
La nationalité pas innocente
La nationalité des détenus pourrait être un critère incitant à un dépistage plus poussé, ajoutent les scientifiques. Ainsi, chez les Géorgiens, le taux d'hépatite C atteint 20,8%, contre 5,7% en moyenne dans la prison, et 0,7% dans la population générale. La Géorgie est connue en tant que pays ayant un des taux les plus élevés d'usage de drogues par voie intraveineuse, avec 4,2% des 15 à 64 ans. Pour comparaison, ce chiffre est de 0,65% en Suisse.
De manière générale, l'emprisonnement doit être considéré comme une occasion de dispenser des soins médicaux et des mesures préventives à cette population difficile à atteindre, concluent les spécialistes genevois. Selon eux, ces constats sont applicables à d'autres prisons préventives de Suisse, qui hébergent aussi une forte proportion d'hommes et de migrants, pour lesquels la prison est souvent la première occasion de rencontrer un professionnel de la santé.
ats/cer