Le projet avait été très controversé en consultation et en septembre, le Conseil fédéral avait demandé au Département de justice et police de le retravailler. Il avait alors assuré qu'il tenait à une norme pénale pour encadrer strictement l'assistance organisée au suicide, sans l'interdire.
Mercredi, le gouvernement a tourné casaque: la norme prévue est superflue, elle ne ferait que concrétiser le droit en vigueur, a expliqué à la presse la ministre de justice et police Simonetta Sommaruga. La personne qui se donne la mort doit être capable de discernement et avoir été dûment informée pour que l'assistance au suicide soit licite.
Le droit pénal, mais aussi la loi sur les produits thérapeutiques, celle sur les stupéfiants et les règles déontologiques, permettent d'infliger des sanctions efficaces.
Effet incitatif
Une norme pénale spécifique serait en outre risquée car elle donnerait un statut légal aux organisations d'assistance au suicide et pourrait avoir un effet incitatif. En outre, les milieux médicaux n'y étaient pas favorables.
La grande majorité des consultés ont soutenu la nécessité d'encadrer les organisations d'assistance au suicide mais il n'y avait aucun consensus sur la manière de le faire, a rappelé la conseillère fédérale. "La question de la fin de vie est très sensible, il faut trouver un équilibre entre la liberté individuelle et le devoir de protection qui incombe à l'Etat."
Peu de tourisme de la mort
Le gouvernement a poursuivi l'examen d'une nouvelle norme pénale jusqu'au bout et ce chemin a montré qu'elle serait superflue, a ajouté Simonetta Sommaruga. Selon elle, il n'y a pas lieu d'agir contre le "tourisme de la mort": très peu d'étrangers peuvent venir en Suisse bénéficier de l'aide au suicide si les règles sont respectées et de moins en moins le font.
Dignitas, qui offre ce service, a accompagné 97 personnes dans la mort en 2010 au lieu de 195 en 2006. Dans la même période, Exit Suisse alémanique, qui ne suit que les résidents dans le pays, a au contraire vu son public progresser de 150 à 257 personnes.
Pour le Conseil fédéral, l'encouragement des soins palliatifs et la prévention du suicide sont prioritaires, d'autant que le vieillissement de la population devrait faire augmenter le nombre de suicides. Pour soutenir le droit à l'autodétermination, il faut informer les gens sur les possibilités d'accompagnement en fin de vie.
Groupe de travail interdépartemental
Le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l'intérieur d'examiner l'opportunité de poursuivre la Stratégie nationale en matière de soins palliatifs au-delà de 2012. Ce département continuera en outre d'encourager les cantons à optimiser le dépistage précoce et le traitement des dépressions.
Un groupe de travail interdépartemental préparera d'ici fin 2014 des mesures pour mieux concilier vie active et prise en charge de proches.
En jetant l'éponge sur l'assistance au suicide, le Conseil fédéral s'évite des débats houleux au Parlement. En consultation, l'UDC, le PLR et les Verts ont jugé inutile de réviser le droit. Les socialistes voulaient régler la question ailleurs que dans le code pénal. Seul le PDC soutenait une réglementation très stricte pour endiguer le "tourisme de la mort".
ats/vkiss
De longues discussions
La question de l'aide organisée au suicide est un serpent de mer. Le Conseil fédéral a toujours refusé de légiférer en affirmant qu'une réglementation de portée générale ne permettrait pas de répondre à toutes les questions délicates. En 2000 déjà, l'exécutif avait choisi le statu quo lorsque la conseillère fédérale Ruth Metzler lui avait présenté un rapport recommandant de dépénaliser même l'euthanasie active directe.
Malgré l'insistance du Parlement, son successeur Christoph Blocher n'a jamais voulu légiférer. Eveline Widmer-Schlumpf a relancé le dossier avant de céder la place en novembre à Simonetta Sommaruga.